vendredi 14 septembre 2018

Aurélien Barrau - La fin du monde


Nous pouvons écouter cette interview en rapprochant chacune des paroles d'Aurélien Barrau de cette citation d'Albert Camus: en 1957: « Chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »   En, 2018, nous savons que la génération d'Albert Camus a échoué. Il est trop tard pour sauver le monde. L'un des aspects les plus intéressants de ce qu'Aurélien Barrau nous dit ici (même si la totalité de l'interview est à écouter et à réécouter en boucle) concerne la question de la compatibilité entre le mode de vie humain et la nature. Il était, en un sens, déjà trop tard avant même le Néolithique (le passage de l'homme de la cueillette à la plantation, de la chasse à l'élevage). Nous n'avons jamais été "bio-compatibles". L'argument anti-écologiste  qui consiste à réduire les défenseurs de la nature à des illuminés qui veulent retourner à l'âge des cavernes s’effondre parce que même à l'âge des cavernes, nous survivions déjà en détruisant l'équilibre de la faune. Jamais l'humanité n'a vraiment essayé l'écologie.Il suffit de constater la totale incapacité des mouvements écologiques à porter une parole politique pour s'en rendre compte (à moins de jouer au furet avec le gouvernement en passant par ici et s'en allant par là, mais est-ce encore de la politique?)
L'écologie c'est exactement le contraire du passéisme, c'est envisager, sans illusion et peut-être sans espoir, comme le dit Aurélien Barrau ici, une façon d'être homme qui n'a jamais été pensée. Nous savons qu'au moment du naufrage du Titanic, différentes attitudes se sont révélées parmi les passagers et l'équipage. La question qui est en train de se poser à nous n'est peut-être plus celle qui consiste à s'interroger sur une solution (parce que visiblement nous ne ne voulons pas la trouver) mais de nous efforcer de ne pas trop nous dégoûter de nous-mêmes en existant aujourd'hui, sans en vouloir à quiconque, sans misanthropie et sans défaitisme. C'est bien là le miracle absolu de la période que nous vivons: il n'y a plus lieu d'être pessimiste, au sens propre de l'expression: il n'y a plus d'espace pour cela. Nous avons construit un monde infernal où, le pire étant, penser est nécessairement la manifestation d'une bonne santé, d'un bon tempérament, comme dirait Nietzsche.
Nous n'imaginons pas une Cassandre muette ni tranquille. C'est peut-être ce silence bienveillant  et déférent qu'il nous reste  à cultiver. Nous ne jouissons d'un vrai bonheur que lorsqu'il est sans cause et jamais l'être humain ne s'est trouvé dans des conditions moins propices au bonheur de son espèce qu'en ce moment:
                         « Dans le combat entre toi et le monde, seconde le monde. » F. Kafka

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