lundi 28 septembre 2020

Terminale 2 - Travail en temps limité 1

 

 Questions:

1) Pourquoi peut-on dire que la démarche de Descartes aboutissant à cette affirmation selon laquelle « il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition: Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit. » est « une seconde naissance » ? Expliquez (la démarche elle-même et votre réponse à la question)
2) Quelles sont les trois phases méthodologiques d’une introduction de dissertation?
3) Rédigez une introduction pour le sujet suivant: « Puis-je vivre sans me raconter d’histoires? »
 

 Réponses:

1) Le doute sceptique s'attaque à tout, "mord" sur toutes les modalités de témoignage, de perception, d'information à tel point qu'aucune proposition ne semble pouvoir être pensée, affirmée sans qu'une remise en cause éventuelle ne puisse pointer le bout de son nez. N'existerait-il pas pourtant quelque chose que l'on pourrait dire, penser, avec la certitude avérée qu'elle est indubitable? Dans sa descente "infernale", Descartes a jeté un voile de suspicion sur les sensations, les représentations, les raisonnements, allant jusqu'à envisager que dieu soit trompeur. Le corps, l'espace, le mouvement: toutes ces données sur la base desquels nous construisons notre vision de monde, des autres et de soi-même sont, pour le moins suspendues. Mais "moi", se demande Descartes, se pourrait-il que je ne sois pas? Je pense que je suis un corps, mais je peux être en train de rêver que j'ai un corps ou ce malin génie peut m'en avoir persuadé pour me tromper, puisque rien ne prouve qu'il ne serait pas trompeur. Mais ne s'ensuit-il pas néanmoins que je suis bien quelque chose, ne serait-ce que parce que je "pense" avoir un corps et que, corps ou pas, pour le penser il faut bien que quelque chose s'active en moi, par moi? Descartes réalise petit à petit qu'il existe bien une sorte de "zone protégée" de toute tentative de désinformation, c'est celle au sein de laquelle, trompé ou pas, corps ou pas, il faut bien que "penser se fasse". Il se peut que je ne sois rien mais même dans  cette pensée nihiliste, penser s'effectue, par quoi il apparaît bien que je suis au moins cela: une chose qui pense et aucun dieu trompeur, aucune matrice ne pourra y changer quelque chose. La pensée: "je n'existe pas" est absolument impossible, parce qu'elle se contredit dans les termes mêmes. Il faut bien que je sois quelque chose pour penser que je ne suis rien. En quoi s'agit-il d'une seconde naissance? Une pensée, par son propre mouvement, découvre qu'elle consiste dans cette effectuation de soi par soi grâce à laquelle une conscience se définit comme nécessairement existante. Je pense et puis je pense que je pense par quoi je découvre que nécessairement je suis. Je suis à moi-même la preuve et le principe. Je détiens cet incroyable pouvoir de me faire exister en tant que substance pensante parce que j'active en ce moment la seule faculté dont personne, aucune puissance aussi souveraine soit-elle, ne peut contester l'existence. Ce qui est factuel, irrévocable, indubitable, dans toute pensée en acte, c'est qu'elle est, même si on ne sait pas bien en tant que quoi elle est. Notre naissance physique dépend de nos parents mais notre naissance métaphysique elle dépend exclusivement de nous en tant qiue nous sommes un  "je pense".

2) Toute introduction de dissertation doit:

a) Partir d'une observation simple qui se situe au niveau du sens commun et va rapidement amener le problème. Il importe que cette observation illustre la capacité de l'opinion à trancher rapidement un paradoxe sans se rendre compte qu'il en est un. Par exemple, nous parlons de notre vie, comme s'il allait de soi que ma vie m'appartient, que j'en suis propriétaire alors même que de nombreux épisodes de nos vies ne sont aucunement de notre fait.

b) Déclencher un processus de problématisation qui doit philosophiquement jeter le trouble sur cette résolution suspecte de la pensée commune, en pointant tout ce qui, en réalité, est paradoxal dans cette situation. On peut ici utiliser une ou deux interrogations mais il faut aussi très précisément exposer les deux thèses qui vont se contredire sans trop les développer, puisque on le fera plus tard, mais plus nous parviendrons à être précis dans cette opposition, plus nous gagnerons des points. Le but ici est de formuler le plus clairement possible un embarras, de mettre en échec le principe de non contradiction. Nous avons l'habitude de penser qu'il est impossible que deux propositions contraires disent toutes les deux la vérité. ici, nous devons nous situer dans cette extrême ambiguïté où c'est pourtant bien le cas.

c) Formuler très clairement ce paradoxe, en n'hésitant pas à utiliser des notions philosophiques, en ciblant le plus possible la contradiction que le sujet ne faisait qu'effleurer. Ici on peut décrire plusieurs questions à la suite, chacune étant plus précise que l'autre jusqu'à parvenir à une formulation claire de ce qui, par sa nature même est ambigu.

3) Nous faisons toutes et tous l'expérience de ce monologue intérieur qui accompagne les expériences que nous vivons consciemment. Quoi que nous vivions, nous nous témoignons à nous-même que nous le vivons, si nous en sommes conscients, en le transformant en récit, si bien que nous sommes en même temps le personnage principal et l'écrivain d'une histoire que l'on pourrait appeler "notre vie". Mais quelle est exactement la nature de ce récit? Décrit-il exactement la réalité des expériences consciemment vécues? Cette distance du monologue et du témoignage est nécessairement un gage d'authenticité puisque elle nous permet de réfléchir, de nous savoir vivant, de nous maîtriser lorsque les pulsions nous inciteraient plutôt à réagir aveuglément.  Et pourtant elle établit un décalage, ne serait-ce que parce qu'en moi l'écrivain et le personnage ne peuvent absolument pas se synchroniser: ce que je me vois vivre est nécessairement déjà vécu, et je ne suis jamais exactement en train de vivre ou d'éprouver ce que je me vois vivre ou éprouver. Suis-je ce que j'ai conscience d'être? Ne serais-je pas précisément autre que ce personnage bien policé que ma conscience me décrit? Ne serait-ce pas précisément ma conscience qui me raconte des histoires, en me faisant croire que je suis maître de moi-même comme un écrivain semble l'être de son récit alors qu'en réalité, ma vraie vie se déroule "sans histoire racontable", dans l'opacité d'une inconscience brute et ineffable? Il n'est pas certain que cette existence serait vraiment "humaine", du moins pas au sens que l'on donne habituellement à ce terme. N'est-ce pas le propre de l'homme que d'interposer entre lui-même et cette vie pure que l'on pourrait qualifier de "matière première et brute" la mise à distance du récit, de la fable, de la fiction?



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