C’est dans le manifeste du surréalisme en 1924 qu’André Breton décrit le mode d’emploi de l’écriture automatique:
« Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit lui-même. Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Écrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu’à chaque seconde il est une phrase étrangère qui ne demande qu’à s’extérioriser [..] continuez autant qu’il vous plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. »
Peut-être est-il nécessaire, dans la perspective de notre sujet, d’éclairer tout de suite le rapport entre cette pratique d’écriture étrange et l’aléthéia. Ce qui dont nous interpeller dans cette dernière, c’est son étymologie: « sortir de l’oubli ». La vérité consiste à lever le voile sur…quoi? Sur ce qui a toujours été, sur ce qui est là, maintenant tout de suite mais que nous ne percevons pas parce que nos capacités de perception sont parasitées par des obstacles qui font obstruction. D’emblée nous voyons bien que nous ne nous situons pas du tout dans le même cadre que les vérités apodictiques qui sont médiates et construites. Celle ci est immédiate et « donnée ». Elle est « là ». La vérité de l’alétheia consiste à nous mettre en présence de ce qui est « là », et donc de ce à quoi il s’agit de se rendre disponible, ouvert, attentif ou attentive mais pas au sens de « conscient », parce que la conscience suppose la volonté et que si l’on est volontaire, alors forcément on va se mettre dans cette optique de faire advenir la vérité qu’on veut. Or ce n’est pas « la vérité qu’on veut » qu’ici l’on veut, c’est la vérité telle qu’elle est, telle qu’elle se veut elle-même.
Mais c’est complètement contradictoire: comment ne pas vouloir la vérité qu’on veut? Ici il faut vraiment bien comprendre à quel point c’est justement en voulant la vérité que je ne peux pas l’avoir, et le critère de Popper le prouve efficacement. Il faut se laisser porter par ce à quoi Breton fait référence quand il dit: « tant il est vrai qu’à chaque seconde il est une phrase étrangère qui ne demande qu’à s’extérioriser [..] continuez autant qu’il vous plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. »
« Muses de la Piérie, ô vous dont les chants immortalisent ! venez, célébrez votre père, de qui descendent à la fois tous les hommes » Hésiode - Les travaux et les jours
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