mardi 13 décembre 2022

Terminals 3/5/7: Popper et les univers multiples

 


Depuis le début de note réflexion, nous insistons beaucoup sur la différence entre la vérité de l’être et la vérité du connaître. Mais à quoi revient cette distinction finalement? À la différence entre une vérité qui consiste à être sue (scio: savoir, science) et une vérité qui rédigerait dans l’authenticité d’un vécu, d’un réel « pur ». Mais en plus, le sujet pose la question de « dire » la vérité.  Si l’on parle de la vérité «  sue », « connue », on voit mal comment elle pourrait ne pas impliquer la conscience parce qu’alors cela reviendrait à dire que je sais sans savoir et ce serait absurde.  Cela dit étrangement nous nous sommes rendus compte avec Karl Popper que « savoir en sachant qu’on sait » aboutit à un renoncement à dire la vérité, ou en d’autre termes, que l’on n’est jamais assez sûrs de savoir, en fin de compte, et qu’il est donc impossible en toute rigueur pour un scientifique, c’est-à-dire un savant, un « sachant » de dire qu’il dit la vérité.

Pourquoi les univers multiples nous autorisent-ils à mettre cette posture là en échec, ou du moins, en cause? Parce que ce n’est pas parce que je ne peux pas savoir  (que les univers multiples existent) que ce n‘est pas la vérité. Un scientifique Popperien me répondrait: « oui, d’accord, mais tout ce que je dis moi, ce n’est pas que c’est vrai ou faux, c’est juste que ce n’est pas de la science ». Cela signifie que pour la science Popperienne il n’y a rien à dire scientifiquement des Univers multiples. Mais qu’est-ce qu’un univers en cosmologie? C’est l’ensemble de ce qui est observable par un observateur dans cet univers, c’est-à-dire la région dont l’étendue correspond à tout ce que cet observateur peut observer (donc en droit, tout ce qui se déplace moins vite que la vitesse de la lumière). Mais alors si on définit un univers par la limite de ce qui est expérimentable dans cet univers, on ne voit vraiment pas comment un autre univers pourrait donner lieu à une expérimentation et cela non pas parce qu’il n’existe pas, mais parce qu’on s’est donné comme définition de cela même qui fait notre univers tout ce que l’on peut en expérimenter dans celui-ci. 

On comprend bien la logique: si j’expérimente quelque chose d’un autre univers, le fait même que j’en fasse l’expérience le situe dans mon univers, parce qu’il n’a jamais cessé d’en faire partie, et point barre.

Mais alors que dire de ces animaux sensibles à d’autres fréquences lumineuses ou sonores qui donc ne voient pas du tout la même chose que moi devant un même motif pourtant, ou pris dans  les flux d’une même force ? On peut dire que ce ne sont pas des « univers ». D’accord: disons que ce sont des « milieux » mais honnêtement qu’est-ce que ça change puisque ce milieu définit bien ce qui tient lieu d’univers à ces animaux, même de petits univers comme la tique. On peut également objecter, si l’on est Popperien que l’on ne peut rien en savoir et que ce n’est pas de la science. Mais alors l’éthologie n’est pas de la science? Jacob Von Uexkuell n’est pas scientifique? Ce qui pointe ici un problème, une très regrettable police de la pensée, c’est que la science se voit dépourvue de toute curiosité à l’égard de ce qui n’est pas elle, de ce qui effectivement se révèle peut-être en mesure de reprendre certains présupposées Popperiens, comme si rien n’occupait vraiment le scientifique que de rendre connu ce qui est préalablement défini comme connaissable, alors que l’aiguillon de la science ne peut être autre que l’inconnu  lui-même.


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