vendredi 13 octobre 2017

"Puis-je douter de moi-même?" - Copie de Fanny Honoré (Terminale L2)

                        En société, dans un cadre administratif ou encore quotidiennement, il nous arrive de douter de nous. Par exemple, lorsqu’on nous demande notre identité par le biais de notre « carte d’identité », preuve fournie et imposée par cette même société et qui nous fait exister dans les papiers de l’Etat du pays dans lequel on vit, tout du moins. Autre exemple plus courant, il nous arrive de douter de nos capacités face à une situation qui nous semble être au-dessus de nos forces. Douter de moi-même, c’est lorsque ce « moi » entre dans un état de manque de certitude, c’est lorsque « je » remets en question la légitimité et la véracité même de ce qui leur permet de douter. En effet, ici moi-même se rapporte au « moi » et au « je » alors que ceux-ci se font écho car ils désignent tous deux l’objet de ce doute et la source de l’interrogation. Or puis-je douter de ce moi, de mon existence alors que je suis au même moment en train de douter et qu’ainsi mon existence s’exerce ? Et s’il s’avérait que mon existence soit réelle, pour que ce « je » doute de manière radicale de moi-même, ne faut-il pas qu’ils soient dissociés ? Que faudrait-il que je sois pour pouvoir douter d’avoir un moi unique et d’être une seule personne ? Mais y-a-t-il un moi réel au fond ? Ne sommes-nous pas tous composés de masques que l’on met pour satisfaire nos interlocuteurs ?
Pour Sartre, philosophe existentialiste du 20e siècle, « l’existence précède l’essence », c’est-à-dire que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde et se définit après. L’homme n’est rien, il ne sera qu’ensuite. En outre, pour Sartre l’homme commence par exister et n’a pas de raison de le faire, ni de prédestination en ce qui concerne le sens de sa vie. Dans « l’être et le néant », le philosophe prend pour exemple un garçon de café en vue d’une étude ontologique. Il défend ainsi la thèse selon laquelle l’homme se conforterait dans l’image conforme à ce que la société idéalise. En d’autres termes, il part du principe que l’homme a la possibilité de tout devenir et que cette liberté l’angoisse. De ce fait le garçon de café devient garçon de café, il est ce qu’il n’est pas réellement. En effet, l’auteur insiste sur son comportement mécanique et loin d’être naturel. Le garçon de café a un geste « un peu trop précis », « un peu trop rapide ». Il s’incline « avec un peu trop d’empressement », il revient « en essayant d’imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d’on ne sait quel automate. » Ainsi « toute sa conduite nous semble un jeu » car il joue à être garçon de café (…) Il joue sa condition pour la réaliser. » 

On comprend donc que l’homme ayant conscience de son manque d’ « essence » et d’identité, cherche à se conformer à l’image qu’il voudrait renvoyer, il se confond avec son rôle, celui d’un garçon de café. On décèle de la mauvaise foi car le garçon de café agit comme s’il n’avait pas de libre-arbitre. Sartre affirme que l’homme doit se réaliser positivement justement par ses propres choix car exister n’est pas être comme une chose qui « est ce qu’elle est » mais c’est être par ses actes. Ainsi l’homme commence par exister et naît sans essence au contraire du cendrier qui a été créé dans un but, pour une fonction prédeterminée. Son essence précède son existence. Ainsi, le manque d’essence de l’homme doit se combler par l’expérience qu’il va accumuler par son libre-arbitre. Cette liberté l’angoisse et douter de son moi devient naturel lorsqu’il est en quête d’identité.



Mais puis-je douter de moi-même au sens d’existence ? Puis-je remettre en cause jusqu’à la véracité de ma propre vie ? Chez Descartes, le doute permet de nous demander ce qui est véritable. En effet, afin de trouver une chose qui soit certaine et avérée pour développer sa réflexion dans « Méditations métaphysiques », Descartes suppose que tout est faux. En outre, l’auteur se place dans une forme de solipsisme et ignore volontairement les renseignements physiques extérieurs comme la perception, l’astronomie, la physique. Néanmoins il finit par comprendre que le fait de douter entraîne une prise de conscience. De ce fait si Descartes « doute », il « pense » obligatoirement et s’il pense il « est ». « Cogito ergo sum ». Dans le discours de la méthode, Descartes affirme que douter nous rend conscient, au contraire de « croire » qui nous restreint, nous incline à nous contenter de ce que nous croyons savoir. Il dit que la liberté de conscience doit être sûre et certaine de ce à quoi elle pense. En d’autres termes, elle doit rompre avec l’inconscience qui découle des préjugés, des acquis et de l’ignorance de soi. On comprend de ce fait qu’on ne peut être « soi » uniquement lorsqu’on décide un jour de juger « par soi-même » tout ce qui est certain ou non. « Cogito ergo sum » permet de dépasser tout doute. « Je » ne peux pas douter de mon existence car mon existence m’est donnée avec évidence par la pensée et la pensée est l’acte d’un « je ». Finalement à la lumière de cette réflexion, nous pouvons dire que la conscience nous permet de savoir qui nous sommes (une chose qui pense) et que nous existons sans aucun doute.

Pourtant on peut opposer à l’argument de Descartes la thèse de Nietzsche qui critique le Cogito. En effet, pour le philosophe allemand, Descartes se trompe en disant « je pense donc je suis » car la grammaire de la phrase l’induirait en erreur. En effet, pour Descartes, il est sûr et certain que « je pense » et ce, en tant que substance pensante. D’un point de vue scientifique on peut briser l’idée de substance indépendante en démontrant que sans corps, sans cerveau, sans connexions neuronales, la pensée n’existerait pas et de ce fait la métaphysique non plus (laquelle englobe la notion d’âme). Nietzsche s’oppose à l’idée selon laquelle la pensée viendrait du « je » en tant que substance pensante. Cela supposerait en effet que le moi existerait déjà et n’a besoin de rien d’autre pour exister. Descartes a pris la pensée et la prise de conscience pour acquises et propre de l’homme., or ce n’est pas parce qu’il y a constatation de l’exercice d’une force pensante que j’en serais forcément l’origine. Donc « je » est-il vraiment le sujet pensant ? Imposer au verbe « penser » le sujet « Je » est une facilité et de nombreux philosophes reprochent à Descartes d’en faire une certitude immédiate. Dans « Par-delà le bien et le mal », Nietzsche affirme : « que quelque chose pense mais que ce soit ce soit l’antique et fameux « je », ce n’est à tout le moins qu’une supposition, qu’une allégation. Ce n’est surtout pas une certitude immédiate » (1886)
Ainsi Nietzsche dit qu’une pensée se présente « quand elle veut et non quand je veux ». Il ajoute une nouvelle fois que la grammaire ou la routine syntaxique que l’on a depuis toujours nous pousse à croire qu’il y a forcément un sujet pensant. Cela met de ce fait en lumière la possibilité que le sujet de cette pensée reste inconnu. Notre conscience ne suffit pas à expliquer que nous pensions. Donc si ce n’est pas le « je » qui pense, qui suis-je ? Qui pense ?
En effet, « le moi n’est pas maître dans sa propre maison » : contrairement à Descartes, Freud, médecin Viennois du Début du 20e siècle ne pense aps que l’esprit humain soit exclusivement conscient. Lorsqu’il fait certaines observations sur des patients hystériques, il se rend compte que le mal qui les tourmente n’est pas essentiellement organique et que ce ne sont pas des comédiens comme on avait tendance à les considérer à l’époque. Le médecin va découvrir par la suite que leurs maux sont dus à un trauma psychologique qui entraînerait des troubles psychiques. Il va poser le terme d’inconscient psychique qui serait une zone étrangère à la conscience car une force répressive l’empêcherait de s’exprimer. Il décrit trois instances afin de décrire notre psychologie. Le « ça » correspond aux pulsions qui exigent satisfaction sans limitation. Le « moi » qui est le produit de la première frustration imposée par le principe de réalité au principe de plaisir et le « Sur-moi » désigne la répression, la censure des pulsions et l’intériorisation  par l’enfant des interdits sociaux, religieux, moraux et parentaux. Le psychanalyste explique qu’il y a un combat incessant entre le « ça », partie inconsciente qui souhaite exprimer librement ses pulsions et le moi conscient qui prend en compte les interdits. L’hystérie serait l’expression violente de l’inconscient psychique. Néanmoins Fred explique que l’inconscient s’exprime aussi au travers des rêves et des lapsus.. On comprend alors que nous n’avons aucun contrôle sur notre inconscient. Celui-ci nous rend malade de nous-même et le « moi n’est pas maître dans sa propre maison ». Ainsi le sujet est coupé en deux parties inconciliables et de cette manière le « moi-même » et le « je » sont dissociés.

Nous sommes partis de cette thèse selon laquelle l’homme serait en perpétuelle recherche de soi, ce qui nous a amené à nous demander si l’homme avait une certitude de son existence. Nous avons ensuite exploré la thèse selon laquelle l’homme ne connaît qu’une partie infime de son esprit. Nous pouvons donc en déduire que le « Je » peut, en effet, à bon escient, douter d’être un «moi-même ».

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