vendredi 8 mars 2019

Qu'est-ce que la liberté? de Hannah Arendt - Explication de la partie 3

(Cette troisième partie ne sera pas intégrée à la liste du baccalauréat, contrairement à la quatrième. Il importe néanmoins de s'en faire une idée pour ne pas rompre la compréhension de l’œuvre dans son entier)

 Dans cette troisième partie, Hannah Arendt analyse avec précision les causes de la confusion très dommageable entre liberté et libre-arbitre. Si le platonisme (et sa tentative de confiscation de la politique au bénéfice de la philosophie) a une part de responsabilité, c'est surtout à la tradition chrétienne que l'on doit cette dénaturation. De ce détournement qui fit de la liberté une question intérieure de volonté, nous pouvons faire découler la paralysie et la conscientisation de la notion (il suffit de vouloir être libre pour ne pas l'être). Cela aboutit également à faire de la liberté une question propre au "moi"ce qui la réduit à la notion de souveraineté alors même que ces deux concepts s'excluent mutuellement. C'est exactement ce qui fait de la théorie Rousseauiste pourtant présentée comme une pensée politique de premier ordre une conception anti-politique de la liberté et de l'Etat.
1) La confusion entre liberté et libre-arbitre
a) Le dialogue intérieur 
L’idée selon laquelle « la liberté est la raison d’être de la politique » est contredite par la sociologie parce que l’on ne peut pas envisager qu’une étude se porte sur une réalité, en l'occurrence la société, sans en faire UN objet, ou plutôt UN être, un ensemble, ce qui a pour effet de réduire la politique à l’un des ressorts de cette mécanique vivante qu’est la société, alors que la politique désigne, selon Hannah Arendt, la structure même à partir de laquelle des citoyens peuvent « agir », faire advenir dans le monde quelque chose qui n’y était pas avant. Mais si le problème venait simplement de l’époque moderne, nous pourrions revenir à la Tradition pour faire resurgir le concept de liberté dans toute son authenticité (politique). Or ce n’est pas le cas. Pourquoi? Parce que même la tradition philosophique fait droit à la liberté intérieure et au libre-arbitre et conséquemment lui accorde un primat par rapport à une liberté du « nous », née du commerce avec les autres. Moins nous sommes soumis à la pression et à la proximité de nos semblables, de nos concitoyens, plus nous serions à même de faire prétendument la seule véritable expérience de la liberté, que ce soit dans cette pensée définie, à partir de Platon, comme « le dialogue de l’âme avec elle-même », ou dans ce conflit entre le jugement et l’action que l’on retrouve dans la notion même de « libre-arbitre »: « je vois le meilleur et je l’approuve, mais je fais le pire » (« video meliora proboque, deteriora sequor » - Métamorphoses d’Ovide (43 avant JC - 18 après JC)).
b) La tradition chrétienne
        Qu’est-ce qui a fait pencher « la balance » de la tradition philosophique du « mauvais côté », selon Hannah Arendt, c’est-à-dire de celui qui finalement revient à soustraire totalement la liberté de l’action en la confinant à un dilemme entre le jugement (je vois le meilleur) et la volonté (je me laisse fasciner par le pire)? La réponse est simple: la tradition chrétienne qui a transformé la notion de volonté en duel intérieur, en faculté de tergiversation continuelle plutôt que dans les termes de l’intention tournée vers l’acte, du désir, du geste, de la capacité à faire émerger quelque chose de neuf. Il est très intéressant de réaliser sur ce point que même la définition la plus vague et la plus consternante en termes de platitude: « je suis libre quand je peux faire ce que je veux » porte en son sein la marque de cette dénaturation de la liberté vraie (la liberté vraie, pour Arendt, c’est celle de l’antiquité classique, de la citoyenneté grecque et d’Aristote). « Je » suis libre quand « nous » , citoyens, agissons: c’est la conception pure de la liberté politique.
        
 2) La liberté réduite à "vouloir"
a) Distinction chrétienne entre "je veux" et "je peux"
Ce qui se fait finalement jour avec la conception chrétienne de la liberté, c’est l’idée d’une dissociation entre la puissance et la volonté. Que nous puissions à la fois vouloir une chose et ne pas développer notre puissance d’agir pour l’acquérir est un non sens absolu pour les grecs de l’antiquité. Mais il faut aller chercher l’origine de cette distinction profonde de la définition de liberté dans une différence plus ancienne encore, à savoir celle de la notion de volonté. Autant pour un grec vouloir désigne l’acte de tendre vers, d’envisager, de projeter, autant pour un chrétien elle désigne fondamentalement l’effort pour vouloir comme si vouloir, en soi, ne se suffisait pas mais réclamait en amont de lui-même la fermeté rendant possible que l’on se tienne à cette volonté. Finalement pour un chrétien vouloir suppose un dilemme parce qu’il faut « vouloir vouloir ». L’action sous entendue par ce verbe ne vaut qu’à se redoubler. Pour un grec, c’est beaucoup plus simple: vouloir c’est avoir un projet. On mesure bien la nature de cette distinction profonde: la liberté chrétienne désigne un effort qui se situe intégralement au sein même de la volonté, effort de la volonté pour être vraiment ce qu’elle est déjà, la liberté antique est de nature citoyenne: nous agissons. Si la liberté ne correspondait qu’à la définition chrétienne, alors cela signifierait que les grecs de l’antiquité l’ignoraient, ce qui serait absurde. Mais alors comment expliquer que la philosophie ne fasse réellement droit à la liberté qu’à partir de la conception chrétienne de libre-arbitre? Tout simplement parce que la liberté n’était pas un concept philosophique mais politique et c’est exactement ce qui explique que Platon ait toujours manifesté à l’égard du politique ce que l’on pourrait à la fois qualifier de défiance (La cité athénienne a condamné Socrate) et de tentative de subversion philosophique (« La République » décrit la politique comme une pratique qui devrait revenir de plein droit à la philosophie. La politique chez Platon n’est jamais reconnue comme désignant un domaine indépendant: « le » politique) la liberté n’est donc devenue une question philosophique qu’avec les premiers penseurs chrétiens. L’exercice de la liberté ne fut plus donc reconnue qu’à titre de faculté du sujet lui-même, et plus encore dans la solitude même expérimentée par ce sujet, l’inverse même de la liberté originelle dans sa conception politique donc citoyenne.
        Cela ne signifie aucunement que les grecs de l’antiquité méconnaissaient la dualité solitaire: « La pensée est le dialogue de l’âme avec elle-même » écrivait Platon. Toutefois ce dualisme n’était pas du tout le même que celui qu’a exploré la philosophie chrétienne en général et celle de Saint Augustin en particulier. Il y a un dualisme dans l’âme qui crée la pensée chez Platon et un dualisme dans la volonté qui crée ce que l’on pourrait appeler la perversité chez Saint Augustin. Le problème n’est pas du tout celui du combat entre la raison et la passion, entre l’entendement et le désir (thumos / epithumia) comme on le retrouve chez Platon mais plutôt dans la volonté entre la conformité entre vouloir et faire d’un côté et de l’autre l’effet paralysant d’une volonté qui, se sachant voulante, ne veut plus vraiment.
       
 b) Vouloir vouloir (mais on peut vouloir ne pas vouloir: perversité)
Qu’il puisse exister au sein même de la volonté une perversité m’inclinant à ne pas faire ce que je veux faire, étant entendu que je le veux parce que c’est la bonne chose à faire est précisément une éventualité fondamentalement chrétienne qui n’a rien à voir avec les assauts de l’envie ou les séductions du plaisir. C’est bien pire encore: c’est comme si la conscience que nous avons de vouloir créait par la même la possibilité de ne pas vouloir: dialectique sournoise à l’oeuvre dans toute procrastination. La maîtrise de soi est incontestablement une vertu grecque à l’oeuvre dans la virtuosité dont nous avons vu qu’elle était l’illustration même de la vertu (virtù) politique (arts d’exécution). Cette maîtrise de soi induit comme une évidence l’adéquation parfaite entre le « je veux » et le « je peux »: je me maîtrise suffisamment pour faire exactement ce que je veux étant entendu que je ne suis pas assez fou ou pervers pour envisager que « pouvant, je ne veuille pas faire ce que je peux ». Même Euripide qui fut l’auteur de Médée ne traite pas de cette perversité là, de ce détournement de la volonté par la volonté elle-même, de ce divorce entre ce que je peux et ce que je veux, car Médée cède à la vengeance, à la démesure, à une force qui la dépasse parce qu’elle vient des Dieux, ou de son désir d’atteindre dans l’horreur quelque chose de surhumain, d’outrancier, de chaotique. Ce n’est pas à l’intérieur de la volonté que la liberté s’oppose à la perversité, c’est de l’extérieur du sujet lui-même que s’exercent sur lui des forces qui le dépassent totalement. C’est bien là l’essence de la Tragédie Grecque et elle n’a aucun rapport avec des héros davantage marqués par des conflits de conscience comme Hamlet, par exemple, qui veut et ne veut pas tuer son oncle, venger son père, qui veut et ne veut pas « être » (« to be or not to be »)
        Dans l’oeuvre de Platon, on voit bien que Socrate reconnaît la possibilité pour l’homme de se laisser aveugler par la passion, mais il lui suffit alors « d’entendre raison » pour saisir ce qu’il a toujours su, en lui-même être la juste chose à faire parce que la vertu est simplement affaire de raison, d’entendement et qu’elle s’apprend. Si nous avons, nous, du mal à concevoir que la vertu soit simplement une affaire d’apprentissage et aucunement de volonté de faire le bien, c’est bien parce que la volonté nous apparaît « comme ce qui peut faillir », là où tout se joue non seulement le bien et le mal mais aussi la liberté ou la perversité (p 207).
       
 c) La paralysie de "la volonté voulante"
Hannah Arendt décrit toutes les conséquences de cette intériorisation du concept de liberté en affirmant que « pouvoir » devient l’enjeu de ce dilemme de la volonté avec elle-même. C’est comme si l’action désignée par ces verbes:  « vouloir, savoir, pouvoir » se trouvait comme redoublée: il faut pouvoir pouvoir et pour cela vouloir vouloir étant entendu que nous pourrions étrangement ne pas vouloir vouloir (perversité). Pour la pensée antique grecque vouloir et pouvoir sont une seule et même  chose. Pour la pensée de Saint-Augustin, le pouvoir doit d’abord se vouloir; être l’objet de l’intention de commander, et c’est la raison pour laquelle la volonté pouvoir devient la volonté du pouvoir. Les deux termes ne sont plus identiques, tout simplement parce que l’on peut vouloir ne pas pouvoir, ce qu’aucun grec ne comprendrait, ni n’admettrait.
        Hannah Arendt reprend la citation de Pindare. Le pire qui puisse nous arriver est de ne pas pouvoir faire ce que nous savons être le meilleur à cause de la nécessité, laquelle est un ensemble de facteurs extérieurs: circonstances, insuffisance, incompétence, etc. La liberté n’est donc nullement une condition qui se conquiert en soi-même, mais au contraire dans la lutte avec ces facteurs extérieurs qui m’empêchent d’accomplir ce que je sais être la chose à faire. Il y a liberté lorsque pouvoir et vouloir coïncident, et la liberté ne saurait consister exclusivement dans la seule volonté.
        Mais on peut aussi opposer cette conception chrétienne du libre-arbitre avec la liberté politique antique en reprenant l’opposition entre deux auteurs considérés comme deux penseurs politiques fondamentaux: Hobbes et Montesquieu. On perçoit clairement qu’Hannah Arendt préfère largement le deuxième au premier, notamment parce qu’il parvient à donner de la liberté une définition laïque,  non religieuse. La liberté politique (distincte pour Montesquieu de la liberté philosophique) consiste « à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir ».
       
 3) La liberté exclue la souveraineté
 a) la liberté comme attribut du moi
La croyance selon laquelle la liberté serait distincte de la politique va de pair avec cette illusion d’un vouloir distinct du pouvoir. Cette affirmation d’une volonté considérée en tant que faculté distincte crée par là même une volonté problématique qui peut ne pas s’assumer, ne pas se réaliser. C’est exactement ce que l’on retrouve dans cette citation de Saint-Augustin: « Parce que la volonté commande qu’il y ait une volonté, elle ne commande rien d’autre qu’elle-même…Si la volonté était entière, elle ne se commanderait pas à elle-même d’être parce qu’elle serait déjà ». C’est précisément parce que dans la conception chrétienne de la volonté, elle est à elle-même cet éternel ennemi qui demeure perpétuellement à vaincre que le modèle même de ce que c’est que pouvoir est devenue l’oppression d’autrui. L’analyse de Hannah Arendt atteint ici l’un des points vraiment essentiels de sa démonstration. Pourquoi le pouvoir est-il spontanément synonyme dans notre esprit de tyrannie, d’oppression, d’aliénation de l’autre? Tout simplement parce qu’en identifiant ainsi la liberté avec une faculté pure et isolée de vouloir, la pensée chrétienne a insinué une faillite essentielle, inhérente à l’acte même de vouloir être libre, laquelle ne peut plus s’exprimer que par la violence, l’oppression, l’adversité, et non par l’action.
        
La pensée du libre-arbitre, c’est-à-dire l’idée selon laquelle la liberté serait une condition qui serait à conquérir dans l’intériorité du vouloir insinue clairement un vide absurde, une distance fausse, nulle et non avenue au sein même de notre volonté, comme si, de vouloir être libre, nous créions de toute pièce l’illusion de ne pas pouvoir l’être. Nous délaissons ainsi le seul terrain sur lequel la liberté est réellement et actuellement effective, à savoir l’action, pour nous concentrer sur une improbable quête au gré de laquelle la volonté aurait à se vouloir elle-même pour devenir libre. Le raisonnement de Hannah Arendt est simple: pouvoir c’est vouloir et agir c’est être libre. Pour Saint Augustin, la volonté est antérieure et distincte du pouvoir. Mais qu’un pouvoir ait à « se vouloir » pour s’exercer, c’est proprement absurde pour la pensée de l’antiquité grecque, parce que l’on ne voit pas comment l’idée me serait venue de « pouvoir » agir si je n’était pas déjà dans la volonté d’agir, laquelle s’effectue en agissant: pouvoir, vouloir et agir sont alors une seule et même chose: et c’est aussi cette chose que l’on peut appeler « liberté ».
        Mais le libre-arbitre n’est pas seulement cette erreur de perspective qui fait de la liberté une question intérieure au sujet, elle est aussi ce qui entretient l’illusion de cette intériorité même car c’est bel et bien l’idée même d’un « moi » en lequel la volonté agirait contre elle-même qui se trouve à l’origine de ce malentendu selon lequel la politique se résumerait à une question de pouvoir. Ce n’est pas parce que vouloir s’effectue en moi que c’est moi qui veux. Hannah Arendt évoque notamment la confusion entre la volonté et la volonté de puissance, laquelle est un concept Nietzschéen selon lequel la volonté n’est jamais l’action d’une personne, mais toujours du vouloir lui-même. Lorsque le rapport du moi à lui-même s’effectue dans l’activité de penser, la pensée peut se désengager du moi et cela donne en effet la conscience, mais lorsque le rapport de soi à soi s’effectue dans l’épreuve du vouloir, alors le vouloir ne peut se débarrasser du moi et cela donne le caprice, l’égoïsme, la tyrannie. C’est bien là toute la différence entre la dictature et l’utopie, laquelle aussi effrayante soit-elle, demeure une « thèse » philosophique sans avoir la prétention directe de s’appliquer arbitrairement aux hommes.
        
b) Critique de Rousseau
Nous mesurons alors à ce moment de l’article (p212) la profondeur de la thèse Arendtienne, laquelle consiste à poser que c’est au gré d’une dénaturation que l’idéal de la liberté est devenue la souveraineté. Originellement et ontologiquement la liberté ne vise que la virtuosité, la maîtrise parfaite de l’acte à la fois dans sa réalisation et dans son « timing ». On mesure ainsi toute l’ambivalence de la notion de « maître ». Il existe une différence cruciale entre ce que l’on pourrait appeler la maîtrise de soi dans le geste (virtuosité) et l’aspiration du moi à être le maître d’une situation, d’une décision, d’un vouloir, voire d’une cité.  On comprend ainsi a posteriori le souci de Rousseau de réfléchir à un contrat social permettant au citoyen de demeurer libre au sens de souverain au sein d’une république. Comment une volonté individuelle peut-elle exercer sa liberté au sein d’un Etat? En se retrouvant dans la souveraineté d’une volonté « générale ». Hannah Arendt insiste sur le fait que la théorie Rousseauiste du contrat social s’assimile dés lors à créer de toute pièce un individu général sur le modèle même de l’individu singulier. Dans cette conception, les citoyens n’ont aucune communication entre eux, autant dire qu’il ne s’y effectue aucune politique effective puisque il n’y existe aucun espace public. Hannah Arendt défend ici l’idée selon laquelle Rousseau n’est pas un penseur politique mais plutôt anti-politique, précisément parce qu’aussi étrange que cela puisse sembler et aussi paradoxal qu’apparaisse cette affirmation au regard de la référence fréquente de Rousseau à la notion de liberté (comme autonomie), il n’est rien dans sa description de l’Etat idéal qui ressemble de prés ou de loin à la vraie liberté. Pourquoi? D’abord parce qu’il défend l’idée selon laquelle la liberté souveraine de la volonté générale ne peut s’imposer quoi que ce soit dans le futur alors qu’il est clair que la promesse, la projection dans le futur et la capacité de tenir ses engagements (lois, constitutions, décrets, etc.) définissent l’action politique et, en second lieu parce qu’un état dans lequel ne s’effectue pas la moindre concertation entre les citoyens est une tyrannie.
        

La troisième partie de l’article développe très subtilement les conséquences de cette dénaturation du concept de liberté dont l’idéal serait la souveraineté. Si, en effet, la liberté apparaît depuis toujours problématique pour la philosophie, c’est justement parce qu’elle n’admet pas que la souveraineté n’a aucun rapport avec la liberté et encore moins avec la politique. Qu’est- ce que la souveraineté? L’autorité supérieure et incontestable d’une entité, d’un état ou d’un individu. La souveraineté est donc liée au sujet qui l’exerce, elle est assignable à un « moi », même si, comme pour Rousseau ce moi est celui, désincarné, de la volonté générale. Nous pouvons ainsi reprendre un à un tous les liens décrits par Hannah Arendt pour restituer les effets de cette réaction en chaîne au gré de laquelle la liberté devient l’une des notions les plus dénaturées de la philosophie, voire dénaturée en cela même qu’on la considère philosophiquement alors qu’elle est d’abord ce qu’elle est « politiquement ». Dans un premier temps, Hannah Arendt a insisté sur la différence entre l’antiquité pour laquelle vouloir et pouvoir ne constitue qu’une seule et même notion alors que la pensée Chrétienne avec notamment Saint Augustin considéré la volonté comme une faculté exclusive au sein de laquelle il ne sera dés lors plus possible de vouloir mais il importera de « vouloir vouloir », de conquérir volontairement sa volonté. Dés lors la liberté n’est plus exécutée du simple fait qu’elle doit toujours être voulue préalablement comme si l’acte de vouloir la liberté l’éloignait, ou la problématisait.  La liberté s’est donc trouvée prise au piège du moi,  avec tout ce que cela suppose de faille, d’insuffisance, de dialogue intérieur. Cette impossibilité de la volonté de se débarrasser du moi est donc cela même qui crée l’illusion d’une assimilation de la liberté à la souveraineté.
        

 Conclusion: les erreurs de perspective nées de la confusion entre liberté et souveraineté
Cette assimilation est très dommageable car elle aboutit à deux propositions fausses selon Hannah Arendt: la première consiste à poser que si la liberté est la souveraineté, force est de constater que l’homme n’est pas souverain dans le monde. On en déduit donc qu’il n’est pas libre (on peut penser qu’Arendt vise ici Spinoza). La deuxième erreur consiste à poser que tout est affaire de négociation de souveraineté au sein d’un état, et l’on aboutit dés lors soit à Hobbes pour lequel tout homme doit abdiquer de sa souveraineté naturelle au profit d’une liberté réduite, soit à Rousseau qui finalement décrit la liberté comme la capacité des individus à constituer un seul individu doté d’une volonté générale. La vérité est qu’on ne parle plus du tout de liberté dés lors que l’on évoque la souveraineté. Ce renoncement à la souveraineté n’est pas du tout la soumission mais l’action. Finalement ce qu’Hannah Arendt contredit le plus efficacement , c’est l’idée même d’une liberté assignable à un moi. La question n’est jamais celle de savoir si « je » suis libre mais si « nous » le sommes. Que la liberté soit d’abord politique signifie qu’elle est naturellement et ontologiquement plurale. Dés lors que l’on considère la liberté comme souveraineté, on évoque la question problématique des divergences d’intérêts entre les sujets, mais cela ne regarde en rien la vraie liberté: celle de la capacité d’action des citoyens dans le monde.

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