mardi 26 mars 2019

capter des forces - Gilles Deleuze

« En art, et en peinture comme en musique, il ne s’agit pas de reproduire ou d’inventer des formes, mais de capter des forces. C’est même par là qu’aucun art n’est figuratif. La célèbre formule de Paul Klee « non pas rendre le visible, mais rendre visible » ne signifie pas autre chose. La tâche de la peinture est définie comme la tentative de rendre visibles des forces qui ne le sont pas. De même la musique s’efforce de rendre sonores des forces qui ne le sont pas. C’est une évidence. La force est en rapport étroit avec la sensation : il faut qu’une force s’exerce sur un corps, c’est-à-dire sur un endroit de l’onde, pour qu’il y ait sensation. Mais si la force est condition de la sensation, ce n’est pourtant pas elle qui est sentie, puisque la sensation donne tout autre chose à partir des forces qui la conditionnent. Comment la sensation pourra-t-elle suffisamment se retourner sur elle-même, se détendre ou se contracter, pour capter dans ce qu’elle nous donne les forces non données, pour faire sentir les forces insensibles et s’élever jusqu’à ses propres conditions ? (…) Il semble que, dans l’histoire de la peinture, les Figures de Bacon soient une des réponses les plus merveilleuses à la question : comment rendre visibles des forces invisibles ?


















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire