lundi 1 juin 2020

Séance du 02/06/2020 CALM (Cours A La Maison) TES1: 2h

Bonjour à Toutes et à tous,


Nous commençons aujourd'hui ce qui sera probablement notre dernier cours de l'année sur Droit, Morale et Justice. Je ne vous poserai pas de questions sur ce cours mais il me semble vraiment nécessaire de le lire pour toutes celles et tous ceux qui envisagent des études de droit ou des formations en rapport avec le Droit.

Vous êtes prêts? 


Et ben tant pis! Comme j'ai:
                                                                   Je le fais quand même! C'est parti!



Introduction      


  Il importe d’abord de distinguer ces trois notions:

- La justice: dans la mythologie grecque Dikê , la justice est l’une des trois Heures, divinités filles de Zeus et de Thémis. Ses soeurs sont Eunomie (la justice humaine, c’est-à-dire le droit finalement) et Eiréné, la paix civile. Dikê était considérée comme l’inspiratrice des lois humaines alors que sa mère Thémis présidait la justice divine. La mission de Dikê est de contrarier Adikia, l’injustice. Que faut-il retenir de cette origine? Principalement  cette idée que la justice est une « valeur » supérieure, un principe divin qui inspire aux hommes mais aussi aux femmes et en particulier à Antigone la certitude que la justice humainement rendue n’est pas infaillible. Comme le dit Jean-Jacques Rousseau: « la justice exige la transcendance de celui qui l’exerce ». On pourrait dire qu’elle s’inscrit, au vu de la place qu’elle occupe par rapport à ses soeurs, dans une sorte de fonction régulatrice. Elle est l’un des piliers de la vie civile, la valeur à laquelle il faut croire si l’on veut constituer une cité et être reconnue par elle comme un bon citoyen.
- Le droit : ce serait plutôt Eunomie, c’est-à-dire la justice telle qu’elle peut être appliquée aux hommes grâce à des institutions et à une force publique. Le droit est édicté, prescrit, appliqué aux hommes par d’autres hommes. Antigone assurée comme elle l’est d’avoir raisons contre les institutions reconnaissant le pouvoir de son oncle s’en remet à Diké, pour souligner la nature divine des lois. Le droit peut donc être considéré comme ce qui essaie d’appliquer la justice, même si évidemment il y a autant de justices que de droits différents selon les pays.
 
- La morale: autant la justice s’applique aux humains, le droit aux citoyens autant la morale concerne les consciences. Nous faisons parfois l’expérience important entre ce qui nous semble a) juste b) légal c) moral.  Cette tripartition suffit à contenir tous les problèmes du Droit, comme nous le verrons dans le cours. Ces trois termes ont ceci de commun qu’il exprime l’idée d’une direction grâce à laquelle être humain pensent avoir « bien agi » mais l’évidence de leur distinction et de leu incompatibilité foisonne de contradictions diverses, de problématiques auxquelles  nous sommes constamment confrontés: ainsi, en ce moment, nous faisons l’expérience des différences de droit y compris dans des pays dont les traditions sont assez proches face au virus. Nous nous posons la question de la restriction de nos droits face à la loi du confinement, etc. Morale, droit, Justice sont des notions qui s’insinuent en l’homme du fait qu’il est l’être pour lequel il est dans son être question de son être, comme le dit Heidegger. Si Etre était une condition factuelle, donnée, nous ne nous poserions pas autant de questions sur notre nature (suis-je une bonne personne?) Sur nos actes (ai-je raison d’agir ainsi?) Sir nos buts (toute finalité justifient-elle les moyens? Puis-je mal agit si c’est pour une bonne finalité?)
  

1) Les trois distinctions: Droit / Force - Droit / Fait - Droit naturel / Droit positif
      
            Il est absolument impossible de rendre compte du Droit sans le définir d’abord comme différence, voire comme différance, au sens que Derrida donne à ce terme (différence avec un a) à savoir l’action de différer dans le temps.
        a) Le droit et la force
                Ce qui définit d’abord le droit, c’est tout simplement l’idée d’une dimension s’opposant à la force physique, laquelle ne suffit pas à justifier certains actes. La conception première fondatrice du droit, c’est tout simplement la réalisation par les êtres humains que la force ne peut pas constituer une raison. « Ce n’est pas parce que tu peux que tu peux »: telle est la première contrariété dans laquelle consiste le droit, lequel désigne bel et bien une puissance mais une puissance qui ne trouve ni son origine ni sa source dans le pouvoir physique de s’exercer. Il existe une nature dans laquelle le fort l’emporte contre le faible et un état de droit dans lequel celle ou celui qui a raison l’emporte contre celui qui est dans son tort. Les avantages et les bénéfices dont il nous est donné de profiter ne peuvent pas se mesurer à notre capacité physique de les obtenir. Aucun homme par exemple ne peut se justifier de sa plus puissance physique pour légitimer les violences qu’il fait subir à son épouse. Un état de droit est donc un territoire au sein duquel les relations inter-humaines sont régulées par un autre critère que celui de la force physique. Et évidemment nous nous réjouissons de cette limitation.
        
Il convient néanmoins de réaliser que cette limitation implique l’impossibilité de toute intériorité, de toute revendication à l’intimité dés qu’une situation requiert l’application du droit. Non seulement, en effet, le droit interdit l’utilisation de la force dans la cadre privé de la vie de couple mais elle l’interdit, en un certain sens, dans tous les cas de figure.  Qu’il existe des spécialistes de droit privé signifie en fait que rien n’est jamais privé pour le droit. Si au cours d’une soirée entre amis, une altercation vous oblige à appeler la police ou à porter plainte, il n’est absolument  rien qui puisse se soustraire au regard du droit. C’est pourquoi on peut utiliser à cet égard la notion de Tiers. Le tiers, c’est justement l’efficience d’une autorité qui peut et qui doit transcender les confits de personne.
        Quand nous sommes deux dans un état de droit, nous sommes toujours trois, en fait, parce que nos rapports se constituent toujours sur le fond de cette intervention potentielle du droit, c’est-à-dire d’un Tiers (en l’occurrence le juge, ou une cour de justice) qui a vocation de « trancher ». Le droit est absolument nécessaire mais il ne peut se concevoir qu’en tant que dépassement d’une autre modalité de rencontre ou d’interaction que nous pourrions appeler l’amiable. Tout ce que nous gérons à l’amiable se fait sur le fond d’une efficience toujours possible toujours éventuelle du Droit.
        C’est exactement dans ces termes qu’il convient d’appréhender les questions les plus délicates comme l’euthanasie par exemple: si nous considérons que le citoyen a besoin de ce tiers que définit le droit par rapport à sa propre mort, alors il faut en effet que ce droit soit discuté et éventuellement appliqué en France mais cela suppose que cette question n’est pas vécue comme celle qui pourrait se gérer à l’amiable. Tout appel au droit suppose un attirail législatif et judiciaire qui ne peut pas via    ment faire droit à l’unicité de chaque cas. Si l’on en appelle au droit cela signifie que l’on considère l’état comme puissance publique habilitée à intervenir « ici » et cet « ici » en l’occurrence, c’est le rapport de tout citoyen à sa propre mort.
b) Le fait et le droit          
     
  Finalement ce que nous allons tenter de mettre à jour, c’est que le droit repose fondamentalement sur trois contradictions. Par « contradiction », il ne s’agit pas du tout d’entendre « absurdité » mais plutôt d’effets de nuances, de distinction, d’insinuation. Le droit est ce qui s’insinue dans la densité compacte des faits, des actes, des interactions et y crée cet appel d’air qu’est la perspective d’un devoir être. Comprendre le droit c’est se défaire d’assimilations rapides, trompeuses, et par là même inadmissibles. C’est justement cette idée même de non admissible qui met au premier plan le droit. L’être humain est une créature qui s’interroge sur son « ethos », c’est-à-dire pour laquelle l’action, la prise de position, l’engagement dans un projet n’est jamais simplement donné par les circonstances ou par la nature. Le droit implique la certitude qu’il existe en toute occasion une attitude droite à adopter et que cette attitude toute aussi appelée à s’imposer qu’elle soit par les circonstances ne peut pas être dictée par ces circonstances.  Par conséquent le droit ne se soumet jamais simplement au fait, et cela nous fait donc comprendre la 3e contradiction qui finalement constitue la deuxième toile de fond du droit, « ce n’est pas parce que c’est  (comme ça) que cela doit être (comme ça). »
            Il faut prendre très au sérieux cette distinction qui nous permet de réaliser à quel point l’espace dans lequel nous évoluons au sein d’un état de droit est un espace symbolique, quelque chose qui finalement tiendrait dans une sorte de dimension parallèle, car enfin: voici, par exemple, une place dans laquelle il ne fait aucun doute que ma voiture peut se ranger mais ce « fait » est interdit par un panneau, par une indication qui découpe ainsi dans un espace donné des actes possibles et des actions impossibles.
             
Une autre image peut ici parfaitement convenir à nous faire comprendre exactement la teneur de cet espace, c’est celui de l’échiquier d’un jeu d’échecs. Le droit c’est cet ensemble de règles assez comparables à celles qui font de chaque position de chaque pièce qu’elle menace ou pas telle autre pièce en fonction de ce qu’elle est, de là où elle se trouvée etc. Aucun jeu ne serait possible si l’échiquier n’était qu’un espace de « rassemblement ». C’est finalement exactement ce que veut dire Aristote lorsqu’il compare un homme détaché de sa cité à « un pion isolé sur un jeu de tric-trac ». Le jeu d’échecs ne se réalise pas du tout sur l’échiquier physique mais dans cet échiquier mental que chacun des deux joueurs construit au fil des coups, échiquier complexe, rhizomique, probabiliste dans lequel figurent selon la puissance mentale du jouer les possibilités de coups à effectuer à l’avance. De la même façon, la ville, ou le paysage concret de l’espace social n’est pas le lieu où se fait la société, la communauté mais c’est plutôt dans l’efficience mentale par le biais de laquelle chaque citoyen laisse agit dans ses gestes, dans ses pensées et dans ses désirs les interdits des lois que s’effectue l’état des droit. Cela signifie que le droit est un peu comme cette fiction sans laquelle la notion même de cité ou d’Etat n’aurait au sens propre pas de « lieu d’être ». C’est parce qu’il y a la fiction du droit et que cette fiction est efficiente que l’Etat n’est pas une utopie (étymologiquement : absence de lieu). Cet aspect est fondamental mais il suppose que nous comprenions bien en quoi peut consister une fonction efficiente, comment le droit peut-il réguler réellement les relations humaines au sein d’un état tout en étant finalement une Fiction.
          
« Nul n’est censé ignorer la loi »: cet adage sans lequel aucune procédure juridique ne pourrait jamais être entreprise (puisque il suffirait à la personne accusée de dire « qu’elle ne savait pas » pour qu’elle soit relaxée) est en même temps une fiction dans la mesure où nous savons très bien qu’il est impossible de posséder une connaissance totale, exhaustive du code pénal et de toutes ces subtilités casuistiques. Personne ne connaît vraiment TOUT le droit, TOUTES les lois mais il faut que nous partions du postulat de cette omniscience de tout citoyen pour que le droit soit et pour que l’Etat soit. Le droit est donc bel et bien cette fiction dont l’efficience s’insinue dans ce qui est pour marquer la différence avec ce qui doit être.  Il n’est pas de loi qui finalement s’appuie sur autre chose que cette différence par le biais de laquelle le fait ne suffit pas à valider la justification de ce qui est, encore faut-il que le droit impose le principe de ce qui doit être.

C'est tout pour aujourd'hui! A Jeudi! 


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