samedi 10 octobre 2020

Méthodologie de la dissertation



1) Réception du sujet

           Il convient d’avoir présents à l’esprit trois principes essentiels:
- Même si c’est une question que l’on nous pose, personne n’attend que nous répondions vraiment à la question. Il s’agit plutôt de se rendre compte très rapidement que le sujet contient un problème et que ce problème est très, très ambigu, contradictoire. Il doit nous embarrasser et toute la dissertation consistera dans l’organisation claire, rigoureuse, approfondie de cet embarras qu’il ne nous faudra jamais « lâcher ». Une dissertation, c’est l’expression claire, suivie et progressive de l’embarras que nous cause un problème. Des possibilités de réponses doivent apparaître mais toujours « circonstanciées », précises, conditionnées aux sens différents que tel terme du sujet peut revêtir. Si tel mot est pris dans tel sens, alors la réponse serait….mais évidemment ce n’est pas la seule signification.
- Par conséquent, si nous ne parvenons pas à discerner dans un sujet pourquoi la réponse est ambiguë, pourquoi il est tout à fait cohérent (voire nécessaire) de comprendre que la réponse peut être « oui » et être très pertinente, mais aussi qu’ elle peut aussi être « non » et n’être pas moins pertinente, il ne faut pas choisir ce sujet. La question est difficile « par nature », fondamentalement. Ne pas voir cette difficulté, c’est passer complètement à côté du sujet.
- Une fois que nous avons détectée  la contradiction implicitement comprise dans le sujet, cela doit susciter en nous non seulement des idées, des possibilités de réponses, mais aussi des exemples, des références, éventuellement des citations d’auteurs (mais ce pas une obligation), le choix du sujet doit se faire aussi à la lumière des références qui nous viennent en tête. Y’en a-t-il suffisamment? Suis-je capable de discerner au moins une opposition entre deux auteurs défendant des thèses absolument opposées sur cette question? Si la réponse est oui (et si le sujet vous plaît) , il n’y a plus à hésiter. C’est parti (Youpi!)
2 ) Utilisation du brouillon
    a) l’analyse des termes
        N’hésitons pas, à utiliser notre brouillon comme un déversoir dans lequel on va jeter pêle-mêle, tous les auteurs, raisonnements, concepts, exemples, livres, films ainsi que toutes les idées que ce sujet suscitent en nous. Tôt ou tard il sera nécessaire de mettre un peu de rigueur dans tout cela en réalisant que ce flux d’idées et de références nous a été inspiré par un sujet qui contient des termes et il est très, très probable que ces termes aient plusieurs sens. Il faut donc lister ces différents sens, soit parce qu’on les connaît bien soit en distinguant la notion d’autres concepts proches mais distincts. Si on est capable de distinguer par exemple conscience et connaissance, désirer et vouloir, vivre et exister, le sens précis du sujet va se manifester plus clairement sous nos yeux.
    b) le choix et l’écriture du plan
                            Si tout se passe bien, nous disposons d’un brouillon assez conséquent avec des idées, des références, des auteurs, des exemples, des analyses de termes, mais tout ceci est écrit de façon un peu désordonnée, chaotique. Il faut « trier ». Deux méthodes sont possibles, on peut envisager
  

- De faire un plan dit « dialectique ». Dans tout ce que l’on a écrit, il y a des arguments pour le « oui » et d’autres pour le « non ». Classons- les de cette façon et soyons attentif au fait que ces thèses s’opposent sur une certaine façon de prendre le sujet, sur un certain plan. Mais nous voyons bien qu’il  existe un autre plan. Par exemple on voit bien que Descartes et Spinoza s’opposent d’un point de vue métaphysique sur la question de savoir si je suis l’auteur de ma vie (oui pour Descartes et non pour Spinoza), mais on voit aussi qu’être l’auteur de sa vie, cela peut vouloir dire autre chose que « décider de sa vie » ou être le sujet (« je pense ») de sa vie. Mais quoi? Saisir sa vie comme style, comme façon d’être déterminée par des conditions de vie spécifiques, uniques, esthétiques, avoir une éthique de vie ou consentir à exister. On disposera alors d’une troisième partie qui dépassera le premier niveau auquel s’opposait les deux auteurs cités. Nous avons un plan c’est-à-dire un critère qui va nous permettre d’ordonner nos idées.
- De faire un plan progressif. Nous réalisons que le sujet peut être pris dans plusieurs sens et nous discernons clairement à quel point chacun de ses sens fait varier la réponse de façon subtile. Tous les éléments dont nous disposons se classent dans ces  3 ou 4 sens différents. Nous partirons du plus simple au plus compliqué, au plus subtil. Nous avons ici aussi notre plan (C’est super!)
    c) Une structure englobante et souple
        Comme il y a fort à prévoir que de nouvelles idées (et des idées intéressantes) vont nous venir en écrivant, il faut que la structure de notre plan puisse accueillir ces nouvelles arrivantes. La structure du plan doit donc être assez large pour couvrir le terrain des idées que l’on a et celle que l’on va avoir. Il faut toujours faire droit aux idées qui vont venir en cours de route, ce sont souvent les meilleures (avoir toujours une feuille de brouillon pendant que l’on écrit sur la feuille d’examen pour noter ces idées)
3) L’introduction
        Nous sommes maintenant en capacité de faire notre introduction. Il faut la faire au brouillon car elle doit témoigner de notre compréhension précise du problème qui est dans le sujet.
- Nous amenons la référence au sujet doucement, gentiment en partant d’une simple observation, d’un comportement courant, assez commun pour ne pas pouvoir être remis en cause et en même temps qui pointe le problème du sujet. Le sens commun ne se pose pas de question, on part de lui pour désigner le problème mais ce que l’opinion courante ne considère pas comme problématique, nous nous allons le cibler, le souligner comme paradoxe. Donc il faut d’abord simplement évoquer la situation l’attitude commune. Par exemple, le fait que nous considérions que notre vie soit « à nous », que nous en sommes le décideur, le « maître » sur le sujet: « suis-je l’auteur de ma vie? »
- Ensuite, on dépasse ce niveau superficiel et on explique pourquoi il y a problème, on montre que ce que le sens commun considère comme évident recouvre une contradiction. Il faut ici commencer par un connecteur logique qui va parquer une rupture un approfondissement style: « Or…Mais…Pourtant » et l’on évoque clairement un argument contre la façon trop simple que le sens commun utilise pour résoudre une contradiction profonde.
- On formule clairement la problématique, c’est-à-dire que l’on rédige le plus précisément possible le problème présent dans la question. On peut le faire avec des termes philosophiques, des concepts.
(Attention: pas de « ce sujet nous interroge sur »  ou de «  de tout temps, les hommes se posent la question) et pas de méta-discours: « il est intéressant de s’interroger sur… » ou « ce qui nous amène à nous poser la question… »)
4) Suivre le plan et rédiger les transitions                     

                Dans l’idéal, nous avons des parties et des sous-parties et nous n’avons plus qu’à développer précisément ce que nous avions commencer à mettre à jour, nos idées et l’ordre dans lequel elle s’enchaîne. Le style doit être toujours fluide et logique, comme si un enchaînement de raisons prédisait constamment à la succession des affirmations. Rien ne peut être dit « comme ça ». Ce que l’on dit sur cette ligne découle de ce que l’on disait au paragraphe suivant ou à la ligne suivante. Les connecteurs logiques doivent donc être constamment utilisés: « donc, par conséquent, néanmoins, car, or, c’est pourquoi, mais, etc. » Ce point est vraiment très important. Il faut également veiller à changer de paragraphe dés que l’on développe une nouvelle idée. Une dissertation doit se composer de plusieurs blocs de 10 à 15 lignes. Nous avons sur notre brouillon les thèses principales mais dans notre dissertation nous devons leur donner du corps, c’est-à-dire un développement ainsi que faire les joints entre les sous-parties et entre les parties. Ces joints sont simples à faire: soit ce que nous disons dans le prochain paragraphe est un approfondissement du précédent et alors il faut commencer par « De plus » ou « c’est aussi ce qui apparaît si l’on considère que…, soit une opposition et alors c’est un « mais, pourtant, or » mais il faut que la transition se fasse toujours sur le point précis qui était évoqué avant. Il faut toujours veiller à ce que notre style d’écriture soit fluide et dégage une impression de continuité stylistique et philosophique (je veux dire: dans la forme et sur le fond). N’oublions pas que de nouvelles idées peuvent et doivent surgir dans le cadre d’un plan qui ne peut avait pas réservé de place. Si l’on est sûr de nous, nous trouverons facilement à quel moment il convient de les « placer » suivant ce principe de progression en vertu duquel les meilleurs idées sont à garder pour la fin.
5) Utiliser les références        
                        

          Dans le meilleur des cas, vous avez une référence pour chaque sous-partie sachant qu’un auteur déjà cité dans une partie précédente peut être réutilisé (comme nous l’avons vu pour Nietzsche qui répond non à la question de savoir si nous sommes métaphysiquement l’auteur de notre vie mais positivement à la question de savoir si nous le sommes esthétiquement, stylistiquement. Il est absolument IMPOSSIBLE de considérer que le passage d’un auteur à un autre puisse faire « joint », transition du style: « Maintenant que nous avons vu Nietzsche, intéressons nous à Kant ». C’est très, très mauvais et ce sera sanctionné. C’est toujours l’articulation des iodées et l’opposition des arguments qui doit primer sur les auteurs. Donc il convient de rédiger d’abord la thèse que l’on souhaite défendre et qui prolonge ou s’oppose à la précédente et seulement ensuite d’appuyer notre propos sur tel ou tel auteur dont il nous faut bien marquer à quel point il approfondit ce que nous disions avant. De ce point de vue il faut être un peu hypocrite, dans notre brouillon, nous avons probablement fait un plan dans lequel les positions d’auteurs sont rédigées comme telles. Dans la dissertation ,il ne faut jamais, jamais donner l’impression d’un catalogue d’auteurs. Nous sommes le maître et nous faisons s’opposer ou s’articuler des idées avant de penser à des auteurs.
6) La conclusion
        En conclusion nous n’avons que deux tâches à accomplir:
- Décrire à grands traits le trajet accompli: (nous sommes partis de cette idée selon laquelle et cela nous a rapidement conduit à…) Il y a des moments cruciaux, des distinctions extrêmement éclairantes dans notre travail. Nous le reprenons en quelques lignes pour bien prouver tout le chemin parcouru.
- Il faut bien s’arrêter puisque 4h ont passé. Nous en sommes arrivés à un certain niveau de compréhension du sujet à la lumière duquel une réponse se dessine subtilement, de façon précise. Nous formulons cette réponse avec les précautions d’usage pour bien manifester que nous avons avancé sur cette question et qu’ à ce moment de notre réflexion nous pensons plutôt « cela », à la lumière de tous les auteurs que nous avons utilisés.
(Il ne faut pas relancer vers une nouvelle question, pas du tout. Nous terminons par une réponse argumentée, et précise qui vaut dans un certain sens que nous précisions et c’est tout!)


 

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