a) Du ressenti de soi à la reconnaissance du « moi »
Mais la question se pose alors de savoir pourquoi nous en arrivons à la situation actuelle dans laquelle l’argent, loin d’être considéré comme l’instrument même de ce luxe par quoi vivre est : jouir de la vie, est vécu par une partie très conséquente de la population mondiale comme la seule garantie de survie. Comment l’instrument même de notre échappement à la pression des nécessités d’ordre purement organique nous apparaît-il aujourd’hui comme le seul moyen d’y répondre et, a fortiori, comme n’étant justement pas à la hauteur de cette tâche. Comment l’instrument même d’un « vivre plus » a-t-il pu se dénaturer au point d’être aujourd’hui pour la majorité de la population mondiale la cause de leur misère c’est-à-dire d’un « vivre moins » ? Comment se fait-il que l’échange dont Aristote nous dit qu’il fut adopté par les hommes pour corriger les inégalités naturelles aboutisse à creuser les inégalités dans des proportions qui dépassent aujourd’hui tout ce que nous pouvions imaginer ? Comment expliquer le fait que les écarts entre ceux qui gagnent à échanger et ceux qui y perdent soient aussi importants et consternants ?
Peut-être le premier niveau de réponse se situe-t-il dans les effets pervers de cette désintrication de l’être humain à l’égard de la texture organique de sa condition de vivant. C’est comme si, en nous détachant des conditions seulement vitales de notre maintien dans l’existence, nous avions inventé de toutes pièces des normes de vie artificielles qui ne seraient effectives que pour les humains et qui dessineraient comme la constante de ce qu’il est décemment « normal » de vivre pour les humains. Nous sommes devenus, grâce à la monnaie, « acteurs » de nos besoins. Nous nous en sommes créés de nouveaux. N’étant plus dictée par l’évidence première et sommaire de notre ressenti organique, la marge de détermination des besoins d’une population est devenue fluctuante, intellectuelle, soumise à des critères culturels et non plus naturels. La question n’est plus de savoir de quoi nous avons physiquement besoin mais de quoi nous pensons que nous avons besoin. L’homme s’est retrouvé en charge d’avoir à fixer ce seuil que la nature nous indiquait auparavant et par quoi « vivre devient concevable ».
Or non seulement, un simple coup d’œil sur les différences de modes de vie dans le monde suffit à nous montrer les écarts considérables entre « ce que vivre demande » selon que l’on est français ou éthiopien, par exemple, mais nous discernons aussi dans les mentalités d’une seule population une forme de réappropriation de la détermination de ces seuils dans l’efficience d’un jeu social de gratification de son image. L’idée qu’un homme puisse valoir plus qu’un autre se trouve être l’enjeu de la détermination proportionnelle de sa capacité à élever constamment le niveau de ce qu’il estime nécessaire à ses conditions de vie. C’est comme si chacun de nous était sommé de donner idée de ce qu’il vaut à hauteur des conditions de vie qu’il est capable de produire et de se donner à lui-même, c’est-à-dire de sa capacité à hausser le seuil de ce que l’on peut estimer nécessaire. Le fait qu’il y ait des « niveaux de vie » ne nous choque pas, alors qu’il va à l’encontre de cette évidence première au regard de laquelle il n’existe pour chaque être vivant à chaque instant de sa vie qu’une seule « donnée limite » de son efficience vitale, en deçà de laquelle il ne vit plus (la notion de niveau de vie prévaut alors absurdement sur celle d’intensité vitale – « la petite marchande d’allumettes », conte d’Andersen, décrit ainsi la procédure de décompte de ce chiffre d’efficience vitale, lequel suit exactement la durée de combustion des allumettes successivement brûlées). Le passage de l’échange direct de biens ou de services à la médiation par la monnaie correspond exactement et dans les mêmes termes à celui du ressenti de soi à la reconnaissance de soi. Que je suis, c’est ce dont il ne me suffit plus d’entretenir l’efficience physique mais c’est ce qu’il me revient de faire reconnaître par les autres. C’est comme si, dés lors, la grande affaire de hommes ne consistait plus désormais à brûler leur comptant d’efficience vitale mais à se faire reconnaître des autres comme menant grand train de vie. Il faut relier l’abstraction dont l’argent est le déclencheur dans le rapport que nous avons avec la vie et l’intellectualisation, la symbolisation de la reconnaissance de soi par les autres.
Tant que nous en restions au troc ou à l’échange direct d’un service rendu avec un bien matériel donné, les échanges humains s’inscrivaient dans un milieu naturel, dans un écosystème où l’être humain participait, au même titre que toutes les autres composantes, à la totalité « d’un devenir biologique et interactif ». Il y était intégré par le biais de ses nécessités organiques mais aussi par l’intuition d’une puissance naturelle ou d’une poussée vitale première et omniprésente à l’œuvre dans toute manifestation de vie. Les tribus indiennes d’Amérique du Nord nous donnent un bon exemple de cette intuition et il se trouve qu’elles ne connaissaient pas la monnaie. Celle-ci dématérialise le contact de l’être humain avec le fait d’être en vie. C’est exactement comme la prise d’une intrication et d’un ancrage affectif de l’être humain à une poussée vitale universelle qui se desserre sous l’effet de l’argent dans la mesure où la dépense de son énergie s’y voit détournée du cours de sa naturelle insinuation dans la rentabilité cyclique de l’écosystème au bénéfice d’un comptage d’unités ne valant qu’au sein d’un système d’échanges humains à l’intérieur duquel il n’est plus question d’être dans la totalité de ce que c’est qu’être pour un animal, un végétal, un minéral mais d’être soi par opposition aux autres moi humains. Ce dont nous avons besoin maintenant définit le comptant d’argent nécessaire à maintenir le standing du personnage que nous jouons dans une société donnée et cela n’a plus aucun rapport avec les conditions minimales requises pour que je dépense dans ce milieu qu’est la vie même la totalité des intensités de vie dans lesquelles je consiste. Or il y a plus d’inégalités entre les niveaux de vie requis par ces standings qu’entre les conditions naturelles d’émission de ses intensités de vie par tous les êtres vivants (peut-être même la notion d’égalité n’a-t-elle plus cours dans ce niveau là). Comment en sommes-nous concrètement arrivés là ?
b) Le paradoxe de l’égalité
Aristote nous dit que l’échange est né du fait que naturellement certains hommes ont trop et d’autres pas assez, mais il faudrait que nous nous interrogions sur la pertinence de ce jugement en posant une question simple : « par rapport à quelle norme du juste assez, ou du suffisant ?». Est-ce dans le rapport des uns par rapport aux autres que l’inégalité apparaît ou dans le rapport de chacun avec ce qu’il sent lui être nécessaire ? Si j’ai un petit estomac et que je vois la quantité de nourriture donnée à un gros estomac pour être satisfait je peux m’estimer défavorisé à son égard au regard d’une loi stricte d’égalité mais ce faisant je ne prendrai pas en compte cette simple évidence d’ordre morphologique par laquelle il en faut plus à lui qu’à moi pour être rassasié. La question n’est donc peut-être pas de savoir si un tel a plus qu’un autre mais si la nature d’un tel a ce qui lui faut pour se maintenir dans l’efficience de son équilibre vital sachant que tous les critères d’équilibre vitaux varient d’une personne à l’autre, le problème est que nous nous trouvons alors confrontés à un seuil exclusivement déterminable par la personne en question. N’y aurait-il pas dans l’affirmation d’Aristote une illusion d’optique fondamentale ou plutôt une erreur de jugement consistant à appliquer à une réalité des critères d’interprétation et de perception « déformants » ? Il est vrai que dans un état démocratique, on pose comme donnée l’existence de citoyens entre lesquels prévaudrait une exigence d’égalité. C’est avec les yeux d’un citoyen qu’Aristote relève dans l’existence naturelle d’êtres simplement humains des « inégalités », lesquelles ne peuvent nous frapper qu’au regard d’un impératif citoyen d’égalité. Mais cet impératif est culturel et non naturel. Ce n’est pas qu’il y ait dans la nature des inégalités qu’il nous faudrait admettre, c’est plutôt qu’il n’y a aucun sens à lui appliquer ce concept là. Que l’on donne à chacun ce qui lui est nécessaire est un objectif que le troc peut réaliser parce qu’on y reste dans l’intimité naturelle du rapport qu’un homme éprouve avec lui-même, mais dés lors qu’apparaît la monnaie, surgit la notion d’indifférenciation de la donne rétributive, laquelle induit l’indifférenciation des seuils et des modalités de satisfaction, soit l’identité de nature des nécessités. Ce n’est pas parce que les hommes sont identiques que l’argent s’est imposé comme principe d’équivalence et d’équilibre de leurs besoins, mais c’est parce que la monnaie est apparue que l’on a entretenu ce mythe de l’égalité d’hommes considérés comme moralement semblables et des seuils de leur satisfaction.
Il est néanmoins quelque chose du troc qui a facilité voire provoqué le passage à la monnaie, c’est la notion de principe d’équivalence des choses échangées: une paire de chaussures ne valent pas un cheval et pour atteindre l’équivalent du cheval, il faut de nombreuses paires de chaussures. C’est comme si, perdant le sens de la nécessité première du bien dont on veut faire l’acquisition, on commençait à rentrer dans la logique d’une valeur propre des choses indépendantes du besoin physique qui s’en fait sentir. Aussi pressée que puisse être une personne d’avoir une paire de chaussures, elle ne le sera peut-être pas au point de céder pour cela son cheval parce qu’elle aura l’impression qu’un tel échange se fera en sa défaveur, et cela en vertu d’une valeur propre des biens dépendante des conditions économiques, géographiques, techniques, culturelles, etc, de production des biens dans le milieu qu’elle habite (un cheval aura plus de valeur dans une contrée où l’on en trouve peu).
Il est fort probable qu’à force de marchander sur le combien de ceci contre tant de cela, l’idée d’une monnaie d’échange neutre opérant la médiation entre le bien cédé et le bien échangé a fini par s’imposer, mais c’est aussi de cette façon qu’est apparue la possibilité de céder un bien pour plus cher que le montant pour lequel on l’avait acquis, soit la notion de bénéfice, de profit que l’on peut tirer de la valeur d’échange de la chose. Finalement l’idée que l’on puisse gagner à échanger est apparue lorsque la considération d’un bien ou d’un service est passée de la seule considération du besoin que l’on en a à celle du bénéfice que l’on pourrait en retirer en l’échangeant à son tour. Le fait d’être échangé ici plutôt que là, à tel moment plutôt qu’à tel autre, à telle personne plutôt qu’à celle-là, a fait apparaître des différences dans cette valeur ajoutée au produit qu’est sa valeur d’échange. Le produit restant physiquement le même dans sa valeur d’usage, il devînt sujet à des variations de revenu au regard de sa valeur d’échange. C’est comme si le fait d’être ce qu’il était, figé dans sa réalité d’objet conçu pour répondre à un besoin et à un seul ne le fixait pas pour autant dans le donné d’une valeur fixe, inaltérable, comme si quelque chose de lui se révélait étonnamment matière à inflexion, à changement, à des gains et à des pertes, à des fluctuations liées à l’évolution sur ce qui allait bientôt devenir « le marché » de l’offre et de la demande.
Il importe ici de relier la conversion d’un bien ou d’un service matériel en monnaie avec le caractère innovant, attractif, de ce nouveau terrain de jeu que constituent les fluctuations de sa valeur d’échange. C’est un peu comme si l’homme franchissait un pallier supplémentaire dans la nature ludique voire magique des aventures de la propriété. Ayant cette chose, j’ai cette autre chose contre laquelle je peux l’échanger, mais avec la monnaie, j’ai non seulement le montant correspondant à toutes les choses échangeables contre la valeur de celle-là mais j’ai aussi le gain potentiel de ce que je pourrai en tirer comparativement à ce j’ai dépensé pour l’acquérir. C’est seulement à partir de l’instauration d’un principe d’équivalence s’appliquant à la teneur des choses échangées et les uniformisant dans le jeu de leur référence commune à une monnaie unique que ces fluctuations, productrices d’inégalités ont logiquement pu devenir l’objet de tractations et de spéculations. Les inégalités ne sont paradoxalement devenues insupportables qu’à partir de la revendication d’un principe d’égalité prévalant dans la détermination de la valeur des choses échangées, revendication culminant dans l’instauration de la monnaie.
c) Travail vivant et travail objectif (Karl Marx)
C’est exactement de cette désolidarisation progressive de l’échange au ressenti physique et exclusif du besoin, de cette marge ainsi dégagée pour la spéculation que Karl Marx fait découler l’essentiel de sa critique du Capital. La différence qu’il établit entre la valeur de la force de travail de l’ouvrier et son usage rejoint en effet celle que nous venons d’établir entre le besoin que nous avons d’un bien et le bénéfice que nous pouvons retirer de sa conversion en monnaie. C’est ainsi que les propriétaires des moyens de production peuvent acheter la force de travail des ouvriers contre de l’argent. Mais ce que peut la force de travail produit plus de biens qu’il n’est nécessaire à son entretien de force vitale : ce qui apparaîtrait immédiatement dans les termes d’un troc se trouvent ici masquée par la neutralité équivalente de la médiation monétaire (on nous dit : tant d’heures de travail, tant d’argent en faisant comme s’il y avait un rapport juste de proportionnalité de l’un à l’autre mais ce rapport est faussé parce qu’il impose le principe d’une égalité entre ce que l’on fait et ce dont a besoin pour se maintenir en état (vivant) de le faire qui est qui est complétement faux – Avec un peu d’avoine et un peu d’eau, un cheval peut porter un cavalier pendant un jour de course. La vie est une affaire rentable pour celui qui se fait porter parce qu’elle est une énergie constante qui peut produire beaucoup à partir de pas grand chose).
Ce que l’argent instaure c’est l’idée d’une commune mesure entre ce que l’on donne quand on travaille et ce que l’on reçoit quand on est payé. Or la notion même de cette commune mesure est fausse et falsificatrice. En six heures, un ouvrier fileur produit la quantité exacte de laine filée dont l’équivalent de trois shillings lui permet de pourvoir à ses nécessités vitales, mais il fait une journée de 12 h produisant ainsi la valeur correspondante à six shillings. Payé trois shillings, il est donc spolié de trois shillings que le propriétaire va utiliser pour moitié à payer de nouveaux salaires et pour l’autre moitié à remplir son portefeuille. Il y a nécessairement quelque chose de la société marchande qui ne peut évoluer que dans le sens d’une abstraction de plus en plus marquée de notre rapport à l’échange et au travail jusqu’à ce que la notion de dépense vitale et physique du travailleur soit comme mortifiée, noyée dans le principe de sa conversion en monnaie. C’est comme si peu à peu on n’épuisait plus les heures physiques de notre existence mais on gagnait les bons de rachat des moyens d’exister. Vivre ne se suffit plus par soi-même encore faut-il s’épuiser à gagner les unités de conversion monétaire nous permettant de maintenir à flot le courant d’une vie de consommateur moyen.
La possibilité d’échanger l’acte de dépense de sa force de travail contre de l’argent suppose un rapport d’équivalence entre l’effort physique et le produit que construit ou que contribue à construire cet effort. La nécessité de se nourrir qui est à l’origine de la conclusion du pacte entre le salarié et l’employeur ne paraît plus « en tant que telle » dans le contrat puisque c’est du « comptant » qui est donné. Cela signifie donc que le salarié accepte de ne pas être réellement rémunéré proportionnellement à hauteur de ces besoins dans la mesure où la nature réelle de ces besoins est masquée, noyée dans l’anonymat comptable d’un « montant ». L’argent a créé un rapport complètement artificiel entre deux données dont la nature est pourtant fondamentalement distincte, irréconciliable, soit notre implantation physique dans une efficience naturelle et vitale d’un côté, et de l’autre, notre aptitude sociale à produire des objets de consommation à échanger. Nous vivons biologiquement dans des milieux naturels avec lesquels nous sommes organiquement en interaction et composons un écosystème. Il n’est rien d’autre que la vie qui suive ici son cours dans ce jeu incessant d’interactions par quoi toutes les forces végétales, minérales, physiques et humaines en présence se maintiennent dans un équilibre organique. Vivre c’est ce qui nous est ici « dicté » par notre statut d’être biologique et nous n’avons pas besoin de grand chose pour maintenir l’efficience de ce statut.
Ce que le chiffre a instauré dans cette situation « donnée » au sens fort du terme, c’est l’arbitraire artificiel des nouveaux termes d’un nouveau contrat, imposant à notre esprit le bien-fondé d’un autre genre de conditions. Vivre, ce n’est plus se maintenir dans ce jeu d’interactions au gré d’une ligne de vie ressentie, c’est produire extérieurement, artificiellement ces propres conditions de vie, instituer un nouvel ordre dans lequel prévaudraient non plus les ressentis des conditions de maintien de nos efficiences vitales mais la logique d’équivalence chiffrée des biens de consommation. C’est ainsi que les dynamiques de comportement des êtres humains ont cessé d’être des dynamiques de vie pour devenir de simples facteurs intervenant dans l’évaluation comparative des valeurs chiffrées des choses. Que tant de couvertures de coton filé soient équivalentes à une selle de cheval, c’est ce qui va décaler et infléchir le sens de ce que c’est que « produire » en le faisant dépendre de son résultat, de l’objet à produire plutôt que de sa cause efficiente, de son énergie productrice, de la force vitale en exercice dans l’acte de production. C’est comme si travailler devenait « produire des choses » avant d’être l’acte de dépense d’une énergie physique et mentale, ce qui est chronologiquement inexact. Nous trouvons maintenant « normal » d’être payé à hauteur des produits finis que nous avons réalisés sans percevoir tout ce que cette équivalence suppose d’arrachement à la donnée première, physique, biologique de ce que travailler est d’abord et seulement, à savoir « dépenser ».
Marx insiste constamment sur la différence entre travail vivant et travail objectivé, c’est-à-dire travail exclusivement compris comme production de « biens ». Tant que le travail se maintient dans le champ d’efficience de sa nature biologique et physique, ce qui le mesure n’est rien d’autre que le ressenti de contentement, le comptant de jouissance vitale dans lequel il consiste dans le moment même de son effectuation. Travailler c’est alors réaliser quelque chose du fait d’être, produire sur le fond de ce que c’est que c’est pour la réalité que « se produire ».
Mais dés qu’il est seulement considéré par le biais de « ce qu’il produit », son critère d’évaluation déserte le terrain de son effectuation pour faire droit à une pure logique d’équivalence et de comparaison de produits. C’est l’évaluation du besoin qu’en ont les autres humains, par opposition aux besoins qu’ils ont d’autres produits qui va décider non seulement du prix de revient pour l’ouvrier de son travail mais aussi de la considération sociale de ce que travailler « est ». Pour bien comprendre ce processus morbide par le biais duquel le travail n’est plus un acte de vie, il faut revenir de tout ce qu’implique notre considération actuelle de l’activité salariée pour réaliser qu’elle consiste d’abord à « agencer », à « machiner » des données, des éléments. Que l’on soit femme de ménage ou informaticien, on machine des éléments pour faire advenir des situations, des états de faits, des configurations. Il faut que l’eau, le balai, la serpillère, les dalles s’ordonnent de telle sorte que « laver le sol » s’accomplisse.
Travailler, c’est produire des états de choses, insinuer des séquences de production dans un jeu continu de séquences de production plus vaste que l’on appelle le réel (c’est d’ailleurs bien ce que l’on veut dire quand on dit que le bois « travaille »). Travailler, c’est donc apporter son dynamisme à un dynamisme continu, viscéral. En un sens, tout en nous travaille et tout le temps, parce que travailler, c’est travailler à exister et nous ne serions pas vivant en ce moment si notre « usine à exister » ne fonctionnait pas à flux tendu. Cela signifie donc que, quand nous travaillons consciemment, nous ne faisons que canaliser lucidement un processus inconscient d’activation que nos cellules, nos neurones, nos organes ne cessent de produire. Si telle personne devient un chanteur professionnel, on peut penser que c’est parce que, dans toute cette usine de production dans laquelle elle consiste physiquement, le fait de vivre s’active davantage dans tous les agencements vocaux qui se machinent en elle. Il y a quelque chose de ce que c’est que « faire du son, résonner » qui, dans son corps, se travaille bien, harmonieusement. Produire du sonore : c’est ce par quoi « travaillant » consciemment, elle travaille aussi inconsciemment à ce qu’il y ait du son dans l’univers. Nous sommes tous traversés par des flux de dynamiques de vie grâce auxquelles nous collaborons à la tenue d’un entrecroisement de forces que l’on appelle le monde.
la technologie a transformé l’homme dans le sens où elle a d’une part élargie sa capacité d’intervenir sur son environnement et d’un autre a limité son humanisme. je pense qu’on peut dans ce sujet parler de la relation entre la science en tant que savoir et la technologie en tant que moyen matériel d’exploitation de ce savoir au profit de l’homme en démontrant que ce profit n’est pas forcement celui de son humanisme .
RépondreSupprimeron évoquer ici le travail à la chaine conséquence de l’exploitation de la machine qui conduit à la restriction de l’apprentissage du métier .le travailleur ,devient un simple exécutant et non un créateur. on parlera d’alienation dans la mesure où la technologie,a dans un systéme économique soucieux en priopité de la productivité, réduit l’homme à une denxiéme machine.
on peut aussi aborder le sujet du point de vue de positif dans la mesure ou la technologie a permis l’extension des bras de l’homme, le gain du temps la réduction des distances entre les hommes, facilitation des communications mais, je serais tenter de savoir jusqu'où cela va t'il aller ? allons nous résister à ces échanges ou allons nous nous y habituer à cause des différentes pressions ammenées à notre égard ?
Bonjour Kevin,
SupprimerIl y a là trois termes en présence: les échanges, la technologie, le travail. Il convient de ne pas confondre ce sujet avec un autre qui vous demanderait si le développement des technologies a déshumanisé le travail. Pour que nous ne nous étonnions plus de la possibilité qu'une machine travaille mieux plus vite et pour moins cher ainsi que du fait qu'il soit "normal"que les usines soient de plus en plus mécanisées, il a fallu que la considération de ce que c'est "travailler" évolue et c'est là le sens de toute la distinction que fait Marx entre le travail vivant et le travail mort. Travailler est une action dont les échanges ont dénaturé la seule véritable dimension: dépenser de l'énergie vivante. Nous faisons un travail vivant quand nous libérons de purs flux d'énergie vivante. De quoi s'agit-il exactement? Tout vivant produit parce que la loi de la production est la seule que suive le vivant. La vie est ce qui génère des situations. Quand nous voyons une fourmillére, nous n'arrêtons pas de nous demander pourquoi ces colonnes d'insectes s'épuisent ainsi à ramasser, construire, déblayer. Nous nous amusons souvent aux dépens de cette activité aveugle en la jugeant même "inutile", parce que parfois sans finalité, sans objectif. Nous ne comprenons pas que les fourmis, les abeilles et finalement tous les animaux sont plus proches que nous du vrai travail. Il ne s'agit pas de travailler en attente de ce que le travail va me rendre, il n'est question de travailler que parce que c'est comme ça que se produisent des "situations" et produire des "situations"c'est tout ce en quoi la vie, dans ce qu'elle a de simplement organique, consiste. La technologie ne fait que se greffer pour l'amplifier sur ce mauvais tour que l'être humain fait prendre au travail du vivant. Ce n'est donc pas elle la responsable directe même si son influence est désastreuse parce que mal orientée. La "solution", s'il y en a une, ne se situe pas sur un plan technologique mais plutôt économique. Il faut revitaliser le travail, corriger l'erreur de perspective de cette petite usine qui produit à contre emploi dans la totalité d'une usine vivante que ne produit que pour produire. Revenir à l'évidence d'une réalité gratuite du travail. Réaliser que rien n'est réel que parce qu'il se produit. Quand nous disons: "il s'est produit quelque chose": nous ne réalisons pas tout ce que cette expression a de juste: rien n'est qu'en s'effectuant dans des chaînes de production mais elles ne sont pas celles de nos usines de montage, elles sont celles des ateliers clandestins où se fabrique sans fin l'univers, ce qu'il y a, le fait d'être monde pour le monde.
A bientôt
JB
Bonjour,
SupprimerCertes la technologie n'est peut-être point la cause primaire de ce que nous engendrons mais elle a une très voire énorme influence sur l'humanité. Prenons l'exemple de l'arriver des portables et des ordinateurs tant réputés dans le monde tellement ceux-ci sont pratiques et utiles (dans une situation importante bien sur), on peut j'en suis d'accord affirmer le fait qu'il ne sont pas le facteur principal mais il ont eu une influence et en auront toujours étant donné comme cela s'accélère et progresse. Mais aujourd'hui, 8 personnes sur 10 déclarent avoir un portable (d'après les dernières analyses) et donc l'influence même de la technologie et là car certains ayant un portable ou tout autre technologie de ce genre même préfère dû à leurs habitudes rester penchés sur leur écran plutôt que d'aller travailler à un travail qu'il n'aimeront pas forcément et qui sera par la suite dû au années endurées peut être je pense fatiguant dans ce cas de figure précis.
Je ne parle pas forcément d'addiction mais juste pour dire que la tecnhologie et quand même pas mal placée en ce qui conserne le travail d'aujourd'hui car nous sommes de simple machine soit car nous fesont du travail comme vous l'avez évoqué "mort" ou parce que nous sommes tout simplement remplacé par de simple robots mécanisés et dont il n'y a aucun contact et rapport direct avec l'humanité mis à part le "travail" sans fatigue de ces engins mécanisés.
Je veux bien croire qu'une machine ne prend jamais de pause-café ou demande un instant pour aller aux toilettes mais n'est il pas plus intéressant et aproprement parlé de travailler en direct avec un prénommé COLLEGUE plutôt que d'un métal... ?
Bonjour,
RépondreSupprimerJe comprends bien votre défiance à l'égard de la technologie mais honnêtement, je crois que je ne la partage pas principalement parce qu'il est possible d'utiliser les toutes dernières innovations technologiques pour réaliser du travail "vivant". Par ce terme, il faut entendre une activité qui ne se laisse pas détourner par la seule perspective de son revenu ou de son résultat fini. Nous faisons du travail vivant quand nous sommes seulement en prise avec l'énergie physique ou mentale que nous dépensons dans le moment même où nous travaillons. Le travail vivant consiste à "machiner" des agencements, tout comme la vie ne cesse de machiner des séquences génétiques. Or le numérique développe des possibilités de "machinations" inouïes et fascinantes. Il suffit de voir à quel point il est de plus en plus utilisé dans une perspective artistique. C'est bien la preuve que la vie peut passer par là. J'aurai plus de difficultés à défendre le téléphone portable évidemment, mais il redistribue la donne de l'amitié et je ne vois pas bien à partir de quelle hauteur de point de vue moral, je pourrai envisager de dire que c'est seulement en "mal".
A bientôt
bonjour,
RépondreSupprimerJe suis d'accord sur le point de vue de vivant mais consernant l'énergie physique que nous avons envers le machinisme, n'est-il pas plus agréable au préalable avec nos collegues plutôt qu'une machine adéquate que nous controlons certes avec un travail "vivant" mais sans qu'il y ait ce dialogue même qu'il y aurait entre deux humains en mesure de travaux. Quand vous parler de renaissance d'amitié sur un portable vous parler plutôt en mesure de sincérité ? Car en ce qui conserne cette amitié j'apellerais cela du Virtuel plutôt que du réel pur. La technologie est bien en mesure de fonction et d'avancement ou encore de progression mais en ce qui conserne le contact et le sens de l'audition et de la parole avec celles-ci, il est bien un petit peu différent par rapport au machinisme ?