jeudi 20 novembre 2014

Explication du texte de Nietzsche (TSTL - STMG1 - STI1) - La promesse d'amour et l'amour parental



« Je te promets de t’aimer pendant toute ma vie ! » : voilà un engagement qui traduit la force d’un sentiment mais c’est aussi un serment qui pose, comme une vérité accomplie, l’efficience d’une « programmation » amoureuse. Je dis aujourd’hui la vérité d’un affect qui sera encore « opératoire » demain. Si nous pensons à l’amour des parents pour leurs enfants, cet engagement ne nous semble pas déraisonnable, impossible à respecter. A bien des titres, il apparaît plutôt au contraire, « évident », presque sous-entendu. Avoir des enfants induit, en effet, un amour inconditionnel, « donné ». Il fait partie intégrante de l’acte même d’engendrer. C’est donc à bon droit que l’on peut promettre à ses enfants de les aimer toujours.
Evoquer les infanticides qui figurent à la première page des faits divers ne serait pas du tout convaincant, notamment parce que cela nous contraindrait à invoquer des cas particuliers, des situations personnelles particulièrement complexes dont nous ne pourrions rien retirer de généralisable. D’ailleurs si ces affaires heurtent avec tant de violence notre « jugement », c’est bien parce que l’affirmation de cet amour naturel et  inconditionnel pour sa progéniture s’impose dans notre esprit.


 C’est un argument autrement plus conséquent que celui qui consiste à interroger la motivation souterraine de cet amour inconditionnel : ce que l’on aime de notre enfant de si intense que cela nous semble pouvoir et devoir résister à la puissance d’érosion du temps a-t-il vraiment à voir avec cette autre personne qu’est notre enfant ? N’est-ce pas plutôt finalement le pronom possessif que nous aimons ? Le « Notre » ? Nous sommes attachés à notre enfant comme à une partie qui s’est détachée de nous-mêmes mais qui reste marquée par l’événement donné de la filiation, par une éducation empreinte de « nos valeurs », de « notre milieu », de « notre être ». Nous n’aimons pas tant le fait « qu’il soit » que le fait qu’il soit « notre », de telle sorte que l’intensité de l’amour que nous lui portons est exactement proportionnelle à la force de celui que nous nous portons à nous-mêmes.
Mais alors qu’avons-nous promis en nous engageant à l’aimer toute notre vie ? Rien d’autre, en réalité, que la pérennité de notre attachement à nous-mêmes, ce qui est moins amour qu’amour-propre, voire égoïsme. Nous sommes fiers de la réussite de nos enfants parce qu’elle nous donne des raisons de nous satisfaire de nous-mêmes, mais d’amour pour l’Autre, jamais finalement il n’en a été question.

Peut-être commençons-nous de réaliser qu’il n’est pas si « monstrueux » d’affirmer que l’amour des parents pour les enfants ainsi que celui des enfants pour leurs parents n’est ni donné, ni « dû », parce que, si nous partons du principe contraire, il y a de fortes chances pour que nous évoquions, sans nous en rendre compte, l’évidence naturelle de l’amour que nous nous portons à nous-mêmes ainsi qu’aux « choses » que nous possédons.

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