dimanche 6 octobre 2024

Terminale HLP groupe 1 et 2: L'expérience est-elle partageable avec Autrui (2)

 3) Banalisation et communauté


Qu'est-ce en fin de compte que l'on appelle « commun » ? Les mots sont des symboles sonores pour désigner des idées, mais les idées sont des signes imagés, plus ou moins précis, de sensations qui viennent fréquemment et simultanément, de groupes de sensations. Il ne suffit pas, pour se comprendre mutuellement, d'employer les mêmes mots ; il faut encore employer les mêmes mots pour désigner la même sorte d'expériences intérieures, il faut enfin avoir en commun certaines expériences. C'est pourquoi les gens d'un même peuple se comprennent mieux entre eux que ceux qui appartiennent à des peuples différents, même si ces derniers usent de la même langue ; ou plutôt, quand des hommes ont longtemps vécu ensemble dans des conditions identiques, sous le même climat, sur le même sol, courant les mêmes dangers, ayant les mêmes besoins, faisant le même travail, il en naît quelque chose qui « se comprend » : un peuple. Dans toutes les âmes un même nombre d'expériences revenant fréquemment a pris le dessus sur des expériences qui se répètent plus rarement : sur elles on se comprend vite, et de plus en plus vite - l'histoire du langage est l'histoire d'un processus d'abréviation. - [...] On en fait l'expérience même dans toute amitié, dans toute liaison amoureuse : aucune n'est durable si l'un des deux découvre que son partenaire sent, entend les mêmes mots autrement que lui, qu'il y flaire autre chose, qu'ils éveillent en lui d'autres souhaits et d'autres craintes. [...] A supposer à présent que la nécessité n'ait depuis toujours rapproché que des gens qui pouvaient indiquer par des signes identiques des besoins et des expériences identiques, il en résulte au total que la facilité avec laquelle une nécessité se laisse communiquer, c'est-à-dire, au fond, le fait de n'avoir que des expériences médiocres et communes, a du être la plus forte de toutes les puissances qui ont jusqu'ici déterminé l'homme.


Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, § 268, p.719-720, édition Bouquins, tome 2



Sujet d’interprétation philosophique (pour le 14/10) :

Pourquoi la vie en communauté nous confine-t-elle dans le partage d’expériences appauvries?  


  1. Comprendre le texte

Avant toute remarque de pure méthode, il convient de comprendre le texte, éventuellement de le situer par rapport à ce que nous avons fait. C’est une démonstration qui suit à peu prés exactement le trajet contraire de celui d’Aristote: autant le philosophe grec nous a prouvé à quel point la vie en cité (en tant qu’amitié, que mise en commun d’un ressenti de l’existence partagée) s’imposait d’une identité de situation à l’égard de l’existence, autant Nietzsche ici décrit un processus de dévalorisation, d’abrutissement des êtres humains du fait de leur cohabitation. Autrement dit, si pour ces deux philosophes il ne fait aucun doute que l’expérience est partageable avec autrui, c’est pour le bénéfice de l’humanité dans l’esprit d’Aristote alors que c’est à leur détriment pour Nietzsche.

Il est utile de se poser la question de savoir « où veut en venir l’auteur » en fin de compte de façon à pouvoir éclairer, rétrospectivement tout ce qui est dit dans le texte.  Il y a un constat très négatif qui semble nourrir l’écriture du philosophe allemand ici, c’est que la nécessité de n’avoir à communiquer à ses semblables que les expériences les plus banales, les plus pauvres, les moins fines et finalement les plus vulgaires (au sens latin de vulgum: la plèbe, la majorité).

La référence à l’amour et à l’amitié doit attirer notre attention puisque nous en avons beaucoup parlé. Le philosophe allemand affirme qu’une liaison amoureuse ou amicale ne peut durer qu’autant que dure la certitude que par les mêmes mots l’autre personne entend les mêmes choses. Cela semble évident à première vue, mais en fait, pas du tout. Il faut que nous pensions à ces instants où naît dans l’un des membres d’un couple la suspicion que l’autre finalement se contente, par exemple d’un certain sens du mot de « bonheur », ou « amour », ou « couple ». 

Dans un excellent film de Paul Newman sorti en 1971 « le clan des irréductibles », l’épouse, Viv demande à son beau père à quoi rime cette existence si dure de bûcheron dans l’Oregon:

«   -     Mais pourquoi Henry, pourquoi ?

-       Comment pourquoi, tu ne le sais pas ? Pour se lever chaque jour, travailler, rigoler un coup, aller dormir et recommencer le lendemain. Voilà pourquoi !

-       Et, c’est tout ?

-       Oui, ma chérie d’amour, c’est tout, c’est tout ce qu’il y a dans cette putain de vie ! »

Elle finira par partir évidemment, parce que finalement le fils d’Henry avec lequel elle vit pense exactement la même chose que son père et que donc, ils ne mettent pas la même chose derrière le mot. 

Même si nous en comprenons pas encore très précisément la totalité du texte, nous voyons bien que Nietzsche nous parle de la langue et qu’il la rend responsable d’une évolution douteuse, négative, abêtissante de l’espèce humaine.  C’est exactement comme si quelque chose d’une langue commune en menant parfaitement à bien son entreprise de liaison des êtres humains au sein de communautés oeuvrait du même coup pour la réduction de leurs expériences partageables, c’est-à-dire finalement pour leur appauvrissement, de telles sorte que les êtres humains ne gagneraient finalement qu’a s’assimiler de plus en plus à un troupeau.


  1. Les points de méthode à prendre en compte

- Dans ce type d’épreuve HLP, il y a trois éléments à prendre en compte dans le travail qui sera rendu:

  • La question 
  • Le texte
  • Le cours

Ici c’est une question d’interprétation, ce qui signifie en fait qu’il s’agit d’une explication (même si interprétation et explication ne signifie pas la même chose). Il va nous falloir expliquer le texte tout en répondant à la question. Ici, si j’ai bien lu le texte, ‘j’ai compris, que l’on nous demande pourquoi Nietzsche soutient il sa thèse essentielle. 

- Il importe que nous réfléchissions d’emblée à ce qui va nous permettre de donner de la profondeur de champ philosophique à cette thèse. Qu’est-ce que ça veut dire? Il faut espérer que cela suscite en nous une certaine résonance, un écho avec d’autres auteurs vis en cours (éventuellement l’opposition totale à Aristote) 

Les exigences de plan seront ici d’autant moins difficiles qu’il ne s’agit finalement que de suivre l’évolution du passage à traiter, mais encore faut-il bien distinguer les parties du texte.  Pourquoi communauté rime-t-il avec médiocrité? Pourquoi la vie en commun des êtres humains dans des cités ou des nations les rabaisse-t-ils plus qu’elle ne les élève? On part d’une interrogation sur le mot commun et on finit par un constat amer sur la vulgarité des humains. Tout le propos est de suivre l’argumentation de l’un à l’autre:

- Or finalement ce glissement tient dans un seul mot qui est « la langue » Ce qui est commun, c’est ce que des êtres humains ont choisi de placer sous la même étiquette, sous la même désignation linguistique. Le commun finalement c’est d’abord le nom commun, et ça ‘na rien ‘évident, de normal. D’ailleurs c’est justement cela que nous sommes en train d’étudier: « la fabrique de la normalité »

Qu’est-ce qu’un mot? C’est une séquence de sons ou de signes graphiques que ‘lon va poser sur une sensation ou sur un groupe de sensations. Prenons l’exemple des couleurs. Nous définissons des termes correspondant à des nuances suffisamment proches pour que l’on dise que ça c’est « rouge » ou « bleu ». Mais évidemment il y a plusieurs nuances de rouge ou de bleu. C’est déjà très important en soi, nous faisons une classification « globale ». Nous pouvons affiner mais quoi qu’il arrive aussi faible que soit l’opération de globalisation il y en aura toujours une. On pourra parler de « rouge brique » par exemple mais même là, il y a différents types de rouge brique et ainsi de suite. 

Cet exemple de la couleur est pertinent parce que les personnes avec lesquelles je vis étant confrontés au même environnement que moi aura nécessairement tendance à mettre à peu prés les mêmes choses rouges que moi dans le mot « rouge ». Un inuit aura du mal à ranger la couleur de la cerise dans le mot rouge puisque il n’a jamais vu de cerise.  Par conséquent la communauté requise pour se comprendre dans l’utilisation de noms communs repose bel et bien sur une commuté d’expériences. 

Nous communiquons d’abord pour exprimer nos besoins aux personnes proches de nous qui peuvent nous aider à y répondre. L’urgence des nécessités vitales et donc de l’aide demandée aux autres justifie la vitesse et la banalisation sans cesse accrue des contenus échangés. De moins en moins de mots sont ainsi requis pour de plus en plus de collaborations et d’actions. Nous allons dire des choses de plus en plus identiques à des personnes qui seront de plus en plus les mêmes en visant la satisfaction des besoins les plus généraux.  C’est cela qui fait un « peuple ». 

Nietzsche évoque après tout ici une dynamique assez plausible dans l’unification des peuples et des langues. Comment des unités se sont-elles constituées à la surface du globe? Confrontées à des situations climatiques identiques, des êtres humains se sont rassemblés en profitant de la possibilité de faire signe de sensations par des signes, de telle sorte qu’au fur et à mesure que la communication s’est amplifiée, un processus d’assimilation s’est endurci jusqu’à fédérer des personnes autour de besoins et d’actions assez sommaires. Il y a un rapport entre communication et banalisation. Ce qui est commun à un peuple, c’est ce qui est le plus facilement partageable par toutes et sous au sein du groupe, donc ce qui est le plus à même de susciter une réaction commune, c’est-à-dire à poser une sorte de critère de conformité. Moins on se détache de tout ce qui va pouvoir fédérer la majorité, mieux ce sera.  Du coup toute attention à de l’original, à du surprenant à du hors norme, de l’exceptionnel sera rabrouée ou pas prise en compte par un « mot », puisque celui ci est « commun » par sa nature même. Le critère de la communicabilité dans la prise en compte de nos sensations va donc écraser tous les autres, si bien que plus une expérience e sera originale, singulière, peut-être exigeante en terme de compréhension, plus elle sera stigmatisée, laissée pour compte, abandonnée.

Maintenant que l’on y voit un peu plus clair dans le texte, on en mesure un peu mieux la cruauté. Il existe une dynamique au sein des sociétés humaines qui va dans le sens d’une communication sans cesse accrue de contenus de plus en plus pauvres et plus les exigences de communication sont fortes plus les contenus échangés sont faibles, « communs », consternants.




  1. Faire un plan et une introduction

Il y a quatre points à respecter ici. Il ne s’agit pas encore du plan mais de ce qu’il faut accomplir pour en concevoir un ainsi qu’une introduction.

  • Comprendre le texte et la question
  • Formulez précisément les idées développées dans le texte
  • En quoi répondent-elles à la question? Ici, on prépare déjà le travail de rédaction. 
  • Classez les éventuellement par ordre d’importance et de subtilité en commençant par les plus simples (mais si la question d’interprétation interroge déjà sur l’idée essentielle défendue par le texte, il est souvent préférable de suivre la progression linéaire du passage à expliquer.


Qu’est-ce que cela donne ici? 

Le premier point essentiel est sans conteste celui-ci:

« Il ne suffit pas, pour se comprendre mutuellement, d'employer les mêmes mots ; il faut encore employer les mêmes mots pour désigner la même sorte d'expériences intérieures, il faut enfin avoir en commun certaines expériences ». Après avoir posé la question de ce qui finalement faisait « commun », Nietzsche fait une réponse en trois points: a) utiliser les mêmes mots b) ces mêmes mots désignent la même expérience intérieure, le même ressenti c) cela suppose que les expériences elles-mêmes soient communes.

Ce qui constitue le premier facteur déterminant de l’existence d’un commun, c’est tout simplement la proximité spatiale d’êtres humains confrontés aux mêmes situations, au même climat, aux mêmes difficultés. La notion de « danger » manifeste bien quelque chose qui ressemble à une forme d’urgence ou de nécessité. Un peuple se rassemble autour d’idées communes parce qu’il est vital d’exprimer à l’autre les besoins premiers qu’il convient de satisfaire. Autrement dit, la sociabilité n’est pas apparue, selon Nietzsche, entre les êtres humains par une forme de sociabilité naturelle ou spontanée mais bien sous la pression d’une absolue nécessité.

C’est exactement ce que l’on retrouve dans un autre texte du même auteur dans une autre oeuvre intitulée le gai savoir:

« La conscience n’est qu’un réseau de communications entre hommes ; c’est en cette seule qualité qu’elle a été forcée de se développer : l’homme qui vivait solitaire, en bête de proie, aurait pu s’en passer. Si nos actions, pensées, sentiments et mouvements parviennent - du moins en partie -  à la surface de notre conscience, c’est le résultat d’une terrible nécessité qui a longtemps dominé l’homme, le plus menacé des animaux : il avait besoin de secours et de protection, il avait besoin de son semblable, il était obligé de savoir dire ce besoin, de savoir se rendre intelligible (note : « de se faire comprendre ») ; et pour tout cela, en premier lieu, il fallait qu’il eût une conscience, qu’il sût lui-même ce qui lui manquait, qu’il sût ce qu’il sentait, qu’il sût ce qu’il pensait. Car, comme toute créature vivante, l’homme pense constamment, mais il l’ignore. La pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus infime, disons la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu’il pense : car il n’y a que cette pensée qui s’exprime en paroles, c’est-à-dire en signes d’échanges, ce qui révèle l’origine même de la conscience. « 

La connaissance de ce passage nous montre l’importance de celui-ci, notamment parce qu’il porte sur la conscience. Il s’agit là d’une faculté dont la plupart des auteurs de cette époque avaient tendance à inscrire l’existence en tout être humain comme étant cela même qui le rend humain, et donc sans en interroger la genèse, l’origine, comme s’il était écrit dans le marbre que l’être humain est conscient (presque divinement). Ce n’est pas le cas pour Nietzsche qui finalement explique la conscience de la même façon qu’il explique le commun. Ce qu’il y a d’abord, c’est la nécessité d’exprimer ses besoins, éventuellement sa détresse pour que l’autre être humain puisse lui venir en aide.  Dans cet autre texte, il est dit que l’être humain est « le plus menacé des animaux ». On pourrait ainsi décrire une sorte de chaîne de conséquences au terme de laquelle l’être humain est devenu conscient: Détresse donc besoin de son semblable donc nécessité d’expression à l’autre donc obligation de clarification d’un ressenti compréhensible donc langage donc conscience. La nécessité d’exprimer à l’autre ses besoins ont fini par créer en tout être humain la capacité à se parler à soi-même comme à un autre et c’est bien ce que l’on appelle la conscience.

Quel intérêt pour notre texte qui ne porte pas sur la conscience? Nous saisissons mieux la portée de ce qui en train d‘être mis à jour: En essayant de définir le commun, Nietzsche est vraiment est convaincu de révéler des caractéristiques propres à l’espèce humaine, à ce qui fait sa spécificité et aussi son appauvrissement. 

Résumons: il y a du commun d’abord parce qu’il y a des situations difficiles, voire très difficiles qui frappent des individus sur un même territoire. C’est ce qui crée des situations de détresse partagés et rend donc nécessaire la création d’un code faisant correspondre des signes et des sensations. Même si ce n’est pas dans ce texte là, il n’est pas complètement indifférent de se dire qu’avec cette nécessité d’expression à l’autre être humain naît la conscience à savoir la faculté de se dire à soi-même quelque chose comme à un autre.

C’est ici qu’apparaît la notion de « peuple ». A force de vivre ensemble et de faire face aux mêmes situations, des êtres humains prennent l’habitude d’exprimer les mêmes réalités par les mêmes mots, On pourrait ici citer l’expression commune un peu trop facile d’ailleurs: « tu vois ce que je veux dire! » Qu’est-ce qu’un peuple? Une communauté dans laquelle à force d’exprimer des ressentis identiques aux mêmes personnes avec les mêmes signes, on se dit que l’autre voit bien ce que l’on veut dire, même s’il FAUT le dire, mais nous savons que nous serons compris. Ici aussi une formulation doit vraiment retenir notre attention: « l’histoire du langage est l’histoire d’un processus d’abréviation ». Il s’agit de communiquer ce que l’on ressent mais la nécessité de communiquer va largement prendre le pas sur la précision du ressenti. Il faut que se comprenne vite sur les mêmes ressentis mais l’idée d’explorer davantage le ressenti d’en approfondir la connaissance, de saisir l’essence d’une situation, sa complexité et peut-être son unicité disparait complètement. Pire que cela, elle freine la communication. Ce qui compte, c’est de faire d’une expérience l’occasion de constituer du commun, donc surtout de ne pas trop creuser  le ressenti de peur de tomber sur des différences qui pourraient nuire à la communication. 

Ce point est vraiment crucial dans la compréhension du texte: la communication ne semble pouvoir aller de pair qu’avec un mouvement de globalisation, de banalisation dans la dynamique duquel il convient moins de savoir ce que l’on éprouve que d’en "raboter" sans cesse les aspérités spécifiques à chacun et à chacune de façon à ce que l’on s’entende sur un "substrat" qui finalement sera de plus en plus général, jusqu’à ne plus entretenir qu’un rapport lointain avec la justesse du ressenti. Il faut qu’on s’entende quitte à le faire sur une base de moins en moins juste mais de plus en plus commune.  Dans tout milieu d’amis, on sait bien qu’il faut avoir vu les mêmes films ou entendu les mêmes musiques pour pouvoir échanger avec les mêmes personnes les mêmes mots, de telle sorte qu’au final, ce genre d’amitié va nous enfermer dans un registre de films ou de musiques de plus en plus réduit jusqu’à étouffer littéralement dans la platitude de propos échangeables toujours identiques dans le feu desquels ne se perpétue que les critères répétés d’un seul jugement, le pire étant que nous nous en satisfaisons parfaitement. (on peut être devenu ami avec quelqu'un parce que cette personne nous charme et nous surprend mais cela peut aussi devenir une amitié qui malheureusement "tient" parce que justement on ne se surprend plus du tout et c'est la même chose pour l'amour)




Nietzsche prend alors l’exemple particulièrement cruel de l’amour et de l’amitié. Selon lui, nous pouvons tout pardonner à nos amis ou à nos amoureux.ses mais certainement pas de ne pas entendre les mêmes choses sous les mêmes mots. Les ruptures se produisent toujours lorsque les vécus ou les ressentis « bougent » insensiblement comme des plaques tectoniques sous les apparences d’un sol fixe.  C’est excessivement cruel comme remarque parce que c’est comme si les aventures amoureuses ne reposaient en fait que sur la construction d’un petit îlot commun dans l’isolement duquel on se cristallise sur un jeu étroit de ressentis communs que l’on va exprimer par un registre de langue commun et cela  de telle sorte que l’on va se concentrer sur une sorte de biotope amoureux de plus en plus étroit qui sera « le monde des amoureux » et derrière la vitre duquel ils apposeront toujours les mêmes jugements sur les mêmes choses. Si l’une ou l’un a le malheur de briser le fil fragile de cette entente qui repose sur un cercle d’expériences assez restreint, c’en est fini du couple.

Nous en venons à une forme de conclusion du texte qui se trouve également exprimer la thèse fondamentale. Nietzsche est convaincu d’avoir mis à jour ici un effet pervers d’une puissance inouïe. Puisque les êtres humains ont besoin de communiquer leurs besoins et leur détresse  à leurs semblables par le médium d’une langue appliquant continuellement les mêmes signes aux mêmes ressentis valant entre personnes identiques, un effet de banalisation et  de consensus globalisant autour d’un nombre de plus en plus réduit d’expériences s’instaure dans l’humanité la rendant de plus en plus bête au fur et à mesure qu’elle communique davantage.

Nous avons largement de quoi mener à bien le second point:

  1. Le commun se définit par l’utilisation des mêmes mots, lesquels désignent les mêmes expériences, ce qui suppose des expériences identiques, partageables.
  2. C’est exactement ce que l’on entend par le terme: « peuple »: des personnes réunies sur un territoire identique, capables de donner à des termes communs des ressentis communs faute de quoi on parlera dans le vide.
  3. Mais alors ce qui va constituer le ciment d’un peuple réside dans une vitesse accrue de communication tournant autour des mêmes ressentis restitués par les mêmes signes: abréviation.
  4. Il s’ensuit une exigence de conformité et de normalisation autour d’expériences assez pauvres et toujours répétitives qui ne peuvent qu’aboutir à l’appauvrissement du vécu d’une communauté.


Pourquoi la vie en communauté nous confine-t-elle dans le partage d’expériences appauvries?


Ce que Nietzsche nous propose ici c’est une généalogie de la banalisation des expériences partagées.  Comment expliquer que cette richesse constituée par le ressenti de tous les instants que nous vivons ensemble se réduisent à cette vie quotidienne et ennuyeuse au cours de laquelle nous n’avons l’impression d’échanger que des banalités? Il y a ici de quoi nous faire mieux saisir l’attitude des poètes et des poétesses romantiques qui ne cessent de chercher la solitude pour s’éloigner de la routine morne et ennuyeuse des conversations de la foule. Peut-être n’est-ce pas tant par désir d’originalité qu’ils s’éloignent des rumeurs de la majorité mais tout simplement parce que cela ne correspond pas avec leur vécu.

Il va falloir que notre travail soit à la hauteur de la nature à la fois généalogique et paradoxale du texte de Nietzsche. Cela n’est ni plus ni moins que les ressorts de cette fabrique du conformisme qu’il nous propose de situer en plein jour.

Nous pouvons remarquer que la question posée suit précisément la dynamique de ce passage puisque celui ci se termine par un constat vraiment terrifiant comme si quelque chose de pervers déterminait les êtres humains à se bêtifier, à se rassembler autour des contenus d’expériences les plus courants, les moins affûtés, les plus plats.  Attention: Nietzsche ne fait certainement pas partie de ces philosophes qui croient à « une nature humaine ». Il n’est justement pas du tout question d’affirmer que c’est ainsi que les hommes et les femmes «  sont ». Il n’y a ni fatalité, ni nature, mais un processus et c’est bien cela qu’il faut percer à jour. Rien ne serait plus ruineux que de sombrer dans une sorte de stigmatisation gratuite de l'espèce humaine. Il n’est pas question de nous pointer du doigt, mais de définir vraiment le fonctionnement de ce que Noam Chomsky et Edward Herman ont appelé « la fabrique du consentement » en évoquant l’une des manifestations les plus récentes du processus visé par Nietzsche ici, à savoir la capacité des médias mainstream à fabriquer une sorte de modèle de ce qu’il était « normal » de penser d’une actualité ». Nous ne pouvons qu’être frappé.e.s de l’opportunité de lire un tel texte qui va vraiment chercher les racines d’une réalité avec laquelle nous sommes assez tragiquement en prise (le « prêt à penser » d’une idéologie du « même »)



En fait cela pourrait être une expression à reprendre comme un intitulé: le prêt à penser d’une idéologie du même:

1) L’idée du « même »: d’où vient l’idée d’échanger des mots? D’une communauté d’expériences. 

2)  « On se comprend »: la formation d’un peuple

3)   Se comprendre vite au risque de ne pas s’écouter « bien »

4)   Que mettons nous de différent derrière des mots mêmes? Ce qu’il y a d’impardonnable dans l’amour et l’amitié (la confusion des sentiments - Stefan Zweig)

5) Nécessité et volonté de puissance: vivre et exister

Nous sommes  maintenant en mesure de rédiger une introduction. Elle doit contenir (trois moments. ATTENTION: ce n’est pas la même méthodologie que pour l’épreuve de philosophie tronc commun. Voici les trois phases:

  1. Une amorce (situation, exemple, constat assez général) qui traite d’une réalité simple suffisamment évidente pour ne pas être remise en question et qui amène la référence à ce texte là. Il ne faut surtout pas commencer votre introduction par dans ce texte (cela semble logique puisque il s’agit de l’introduire)
  2. Présentation affichée du texte en une phrase ou deux (par « affichée » il faut entendre une mention explicite du style, « Ici », ou « dans ce texte » (là vous pouvez puisque ce n’est pas le tout début)
  3. Reprendre la question posée avec un début d’analyse qui prouve que vous avez compris les enjeux de la question (que désigne vraiment le terme d’enjeu? Ce qui se joue vraiment dans le texte, pourquoi il est aussi essentiel, important)


Pour vous aider à construire votre introduction, voici quelques suggestions (attention, ce qui suit N’EST PAS une introduction):

  • On peut partir de l’ennui que nous éprouvons souvent à l’égard du « conformisme » des échanges humains, du sentiment fréquent que parler ou écrire est finalement assez rarement enrichissant parce que les propos visent surtout à se mettre d’accord sur une version édulcorée et consensuelle, comme si le but était de rassurer les partis en présence en les installant dans l’idée qu’ils ne sont pas seuls à poser ou à affirmer telle ou telle thèse.
  • On peut alors faire référence au texte qui finalement explique l’appauvrissement des échanges entre les humains, voire la dynamique d’abêtissement des êtres humains de plus en plus soucieux de se rapprocher superficiellement autour de quelques idées plates et très communes plutôt que d’explorer la spécificité de points de vue originaux, affûtés, profonds.
  • La question est donc de savoir pourquoi la vie en communauté nous confine-t-elle dans le partage d’expériences appauvries. Il existe une « pente » qui nous entraîne vers le fond, c’est-à-dire vers le partage exclusif de « lieux communs » qui tournent autour des nécessités premières, celles qui ont rapport avec notre bien être, notre consommation, notre vie (plus que notre existence). Dans une telle dynamique, une échelle de valeur se met en place au regard de laquelle, on est d’autant plus hautement et mieux considéré que l’on parvient à penser et à dire comme tout le monde (une sorte de blanc seing accordé à la médiocrité).  L’enjeu est vraiment d’importance: Friedrich Nietzsche nous permet finalement de comprendre l’origine et la force de la bêtise, pourquoi il est si difficile de lutter contre elle. Elle fonctionne par un processus de stigmatisation systématique de tout ce qui se situe dans la minorité par rapport à la majorité. La capacité des médias « mainstream » (c’est-à-dire grand public) à fabriquer de l’opinion bête, stigmatisante, grégaire, majoritaire (et soucieuse de le rester) s’explique donc ici.


  1. L’explication

Nietzsche est un auteur allemand et donc traduit évidemment. La traduction qui vous a été distribuée est la plus courante. Il en existe une autre qui nous semble plus détaillée et plus en phase avec la pensée exacte de l’auteur. Elle est plus longue mais plus précise. La voici:


Qu’appelle-t-on commun, en fin de compte ? — Les mots sont des signes verbaux pour désigner des idées ; les idées, elles, sont des signes imaginatifs, plus ou moins précis, correspondant à des sensations qui reviennent souvent et en même temps, des groupes de sensations. Il ne suffit pas, pour se comprendre mutuellement, d’employer les mêmes mots. Il faut encore user des mêmes mots pour le même genre d’événements intérieurs, il faut enfin que les expériences de l’individu lui soient communes avec celles d’autres individus. C’est pourquoi les hommes d’un même peuple se comprennent mieux entre eux que ceux qui appartiennent à différents peuples ; mais lorsque les peuples différents emploient le même idiome, ou plutôt, lorsque des hommes placés dans les mêmes conditions (de climat, de sol, de dangers, de besoins, de travail) ont longtemps vécu ensemble, il se forme quelque chose « qui se comprend », c’est à dire un peuple. Dans toutes les âmes un nombre égal de faits qui reviennent souvent l’a emporté sur les faits qui reviennent plus rarement. Sur les premiers on s’entend vite, toujours plus vite — l’histoire de la langue est l’histoire d’un procédé d’abréviation. À cause de cette entente rapide, on s’unit de plus en plus étroitement. Plus le danger est grand et plus grand est le besoin de s’entendre vite et facilement sur ce dont on a besoin ; ne pas s’exposer à un malentendu dans le danger, telle est la condition indispensable pour les hommes dans leur commerce réciproque. On s’en aperçoit aussi dans toute espèce d’amitié et d’amour. Aucun sentiment de cet ordre ne dure, si, tout en usant des mêmes paroles, l’un des deux sent, pense, pressent, éprouve, désire, craint autrement que l’autre. (La crainte de « l’éternel malentendu » : tel est le bienveillant génie qui retient si souvent des personnes de sexe différent de contracter les unions précipitées que conseillent les sens et le cœur) Savoir quels sont, dans une âme, les groupes de sensations qui s’éveillent le plus rapidement, qui prennent la parole, donnent des ordres, c’est là ce qui décide du classement complet de la valeur de ces sensations, c’est là ce qui, en dernière instance, fixe leur table de valeur. Les appréciations d’un homme présentent des révélations au sujet de la structure de son âme, montre où celle-ci voit ses conditions d’existence, son véritable besoin. Si l’on admet donc que le besoin n’a rapproché que des hommes qui pouvaient désigner, au moyen de signes semblables, des nécessités semblables, des impressions semblables, il résulte dans l’ensemble, que la facilité de communiquer le besoin, c’est à dire en somme, le fait de n’éprouver que des sensations moyennes et communes, a dû être la force la plus puissante de toutes celles qui ont dominé l’homme jusqu’ici. Les hommes les plus semblables et les plus ordinaires eurent toujours et ont encore l’avantage ; l’élite, les hommes raffinés et rares, plus difficiles à comprendre, courent le risque de rester seuls et, à cause de leur isolement, ils succombent au danger et se reproduisent rarement. Il faut faire appel à de prodigieuses forces adverses pour entraver ce naturel, trop naturel processus in simile, le développement de l’homme vers le semblable, l’ordinaire, le médiocre, le troupeau — le commun !

Nietzsche, Par delà le bien et le mal (Chap 9 Qu’est-ce qui est noble ? § 268)


ATTENTION: ce qui suit est une explication dans laquelle évidemment vous pourrez puiser des idées, des éléments de compréhension du texte, mais tout recopiage intégral serait contre-productif et donc très dommageable aussi bien pour l’apprentissage de la méthode que pour la note finale (dont je vous rappelle qu’elle est coefficient 3). il n'est question que d'expliquer le texte - Ce n'est pas un corrigé du travail donné. Vous trouverez probablement des éléments utiles pour votre copie mais ce qui est développé ici n'est pas animé par le souci de répondre à la question de savoir pourquoi la vie en communauté nous confinerait dans le partage d' expériences appauvries.


  1. L’idéologie du même

Il est vraiment très éclairant de mettre d’emblée en cause la notion de « commun », en insistant sur le fait qu’à parler strict, il n’y a rien de commun dans l’univers, dans ce que nous pourrions appeler « une nature sans humain.e.s ». Autrement dit ce n’est pas parce qu’il y a de fait des réalités identiques dans la nature que nous avons adopté ce mode de classification fondée sur la communauté des feuilles, par exemple, ou des pierres, ou des animaux. C’est parce que la langue s’est d’abord imposée à nous comme un mode de classification de nos perceptions qu’il nous est apparu qu’il y avait des choses et des impressions classables dans des catégories identiques ou plutôt « pseudo-identiques ». 

Posez-vous la question de savoir comment vous réagiriez devant quelqu’un qui vous dirait qu’une pierre n’a vraiment rien à voir avec une autre pierre. Évidemment vous lui répondriez que cela « aide quand même » parce qu’il y a plus de différences entre une pierre et un oiseau qu’entre une pierre et une pierre et évidemment vous auriez raison, mais seulement à partir du fait qu’il y a du langage. Ce que pose le langage c’est finalement une systématique de la « moindre différence ». Certes une pierre n’est pas tout-à-fait pareille qu’une autre pierre, mais enfin il y a quand même des caractères « communs ». D’un strict point de vue scientifique, nous ne pourrions absolument rien dire, ni poser, ni recouper, ni généraliser s’il nous fallait en rester là, à cette perception fine d’un univers au sein duquel rien ne se ressemble, tout se différencie continuellement sans arrêt. 

S’il nous fallait exister comme cela, dans la stricte observation des distinctions fines entre ceci et cela, entre la réalité du tableau du monde en cette seconde et cette autre réalité à la seconde suivante. Il n’y aurait rien à dire, et c’est ça l’être humain, un être qui veut dire quelque chose et qui donc nécessairement doit faire des assimilations même si, de fait, rien, (mais vraiment rien) n’est identique. C’est très important de réfléchir à cela: nous sommes devenus une espèce tellement stigmatisante de tout ce qui ne s’assimile pas qu’il est bon de rappeler que la loi de la nature est celle de l’absolue et continuelle différenciation. Exister c’est fondamentalement différer et les êtres humains se définissent comme cette espèce très étrange qui enclenche une dynamique de l’assimilation forcée visant à ramener au même ce qui en fait ne s’effectue qu’en ne cessant de se différencier en tant qu’Autre.  Qu’il y ait du même c’est le postulat de toute langue humaine. Ce qui existe naturellement ce sont des processus qui ne cessent de différer les uns des autres et qui donc finalement ne devraient se concevoir que comme des noms propres. 

On mesure ainsi tout ce qu’il y a d’impossible aux êtres humains à exister sans langue. Il faudrait imaginer la tentative démente d’un savant fou  qui se mettrait en tête de donner un nom propre à chaque chose, à chaque moment, à chaque réalité, le pire étant qu’il n’aurait pas tort, et que nous savons plus ou moins confusément que rien jamais n’existe vraiment comme une autre chose ou de façon conforme à ce qu’elle était avant. Nous savons bien que le « devenir autre » et la singularité  est la loi de l’univers, mais nous ne cessons de faire des assimilations, des recoupements, de chercher des lois, bref de faire fonctionner une idéologie du même.

Ceci étant posé (et il ne fait aucun doute que Nietzsche part aussi de ce présupposé là), la question est de savoir ce que nous voulons dire par « commun » , d’où vient que nous ne cherchions et ne posions que du « commun ». La référence aux mots est quasi immédiate. Le commun est une affaire de mots, de noms….communs (parce que nous avons bien vu où nous mènerait une langue de noms propres: nulle part. Une telle langue est impossible (quiconque la concevrait se ferait interner)) 

Donc nous utilisons des mots, qui sont des « signes verbaux ». Ici il faut bien saisir ce terme de signe verbal qui correspond à ce que le linguiste suisse Ferdinand de Saussure (1857-1913) , fondateur de la linguistique a appelée « signifiant ». Un mot parlé ou écrit, ce n’est pas juste du son ou du dessin. Quand quelqu’un me parle, je ne perçois pas du bruit mais je perçois un sens. Cela signifie qu’aucun mot n’est simplement lancé dans un espace physique mais toujours, vraiment TOUJOURS dans un espace mental, celui des récepteur.trice.s. Une parole n’est pas que de la phoné (voix) mais c’est aussi du logos (du langage, de la pensée, du sens). 

Pourquoi c’est aussi essentiel? Parce que cela signifie qu’en fait les mots ne sont jamais directement liés à de la réalité physique brute, pure, extérieure. Un mot, c’est déjà une façon humaine d’être à une chose, d’être à la nature, mais ce n’est jamais directement, VRAIMENT la nature. Quiconque choisi d’utiliser des mots se situe d’emblée hors des clous de la réalité pure, donnée, « là ». C’est déjà une certaine interprétation.

C’est bien ce que Nietzsche confirme: « signes verbaux pour désigner des idées » , et pas des choses. Je vois maintenant un chat et je dis; « c’est un chat ». Je ne suis pas du tout en train de faire écho à une réalité, j’évoque une idée (assez bizarre en fait) l’idée qu’il y ait un type d’animal, un mammifère qui fait partie des félins et que la forme de vie que j’ai devant moi s’y intègre (logique d’assimilation) et SURTOUT que nous français nous nous rassemblons nous faisons corps autour du fait que nous appelons ça:  « chat ». Ce que je marque d’abord en find e compte c’est ça. Une communauté linguistique se construit ici autour du fait que ça on ‘l’appelle chat. 

Y-a-t-il quoi que ce soit du mot chat qui ait rapport avec ce chat « là », en tant qu’eccéïté? NON. Résumons: J’utilise une syllabe adressée à la réception mentale d’une autre personne qui fait partie de la même communauté linguistique que moi pour désigner une idée générale, celle du chat. Tout ici n’est que de la pensée. Mais quand même il y a bien quelque chose qui va faire écho au-delà de la simple émission d’un signifiant désignant un signifié (l’idée de chat)? Oui, il y a ce que Nietzsche appelle « un groupe de sensations ». 

Il y a donc des idées générales, des étiquettes: chat, mammifère, félin pierre, homme, (ce que Saussure appelle des signifiés), puis des signifiants, c’est-à-dire des mots, des empreintes psychiques sonores ou graphiques, et enfin des sensations communes: le toucher de la fourrure du chat éprouvé par plusieurs personnes, la vision de son corps, le ressenti de sa chaleur, etc. Cette dernière définition: celle des sensations est la plus en prise avec une réalité physique, même si elles désignent des impressions communes.




Il ne faut pas croire que la communauté de l’idée qu’il y a là un chat vienne d’abord du groupe de sensations, car si c’était le cas, si tout commençait avec la sensation, on ne voit pas du tout comment ni pourquoi les impressions diverses  se rassembleraient et feraient corps autour du chat. Il faut d’abord qu’il y  ait dans la pensée de chacune des personnes concernées l’idée qu’il y a LE chat, que l’idée générale « Chat » existe.  Ce n’est pas parce que maintenant Mistigri (supposons qu’il s’appelle Mistigri, c’est important parce que c’est CE chat là, nom propre) est devant moi que je vois un chat, c’est parce qu’il y a le mot chat dans ma langue que je peux dire que Mistigri est un chat et qu’il est là. La communauté de tous les chats pèse de tout son poids sur ma perception. Les idées générales sont évoquées grâce à des mots qui reposent sur des communautés de sensations.

Idées communes / Mots communs / Sensations communes: c’est dans ce sens là qu’il faut prendre cette dynamique. La vérité est qu’il n’y a que des singularités, que des unicités , que des eccéités dans l’univers mais évidemment ces unicités sont plus ou moins intenses et quand elles sont faibles, nous nous autorisons à parler de sensations « mêmes ».  L’idée même d’identité repose sur l’impression de la différence moindre. Il y a moins de différence entre mistigri et un autre chat qu’entre mistigri et un oiseau, d’où  l’idée de chat, d’où le mot « chat » grâce auquel je définis le groupe de sensations liés à Mistigri comme « chat ».


  1. On se comprend

Comme nous ne nous comprenons qu’à partir de ce principe de la « différence moindre » et comme les êtres humains qui vivent dans des lieux, des climats, et des conditions de vie peu différentes  sont donc appelés à faire usage des mêmes termes faisant signe des mêmes idées générales, il va de soi que la proximité spatiale et la relative communauté de situations vont tendre vers l’utilisation d’une langue commune. Finalement, c’est la dynamique même de la nation que Nietzsche est en train d‘expliquer. En effet les frontières naturelles ne suffisent pas toujours à rendre compte des différences entre peuples. Il y a une cause plus originelle encore que la simple géographie qui est cette correspondance entre groupe de sensations et utilisation des mêmes signifiants pour désigner les mêmes signifiés.

Le mot « nation » vient du latin « natum » de nascere: naître. D’où naît le sentiment de con-citoyenneté? Du simple fait d’avoir à affronter des situations que nous allons identifier comme communes à partir de termes communs faisant référence à des idées communes. Il n’ y a pas de terreau « plus identitaire » que celui-ci en fait. Le sol « natal » d’où peut naître un sentiment national, c’est tout simplement celui-ci: des groupes de sensation assimilables entre des individus utilisant les mêmes termes pour se faire comprendre des proches.

Il n’y a pas plus de lien à la terre entre les résidents d’un même lieu que de rapport à une quelconque unité de sang ou de chair entre les utilisateurs des mêmes groupes nominaux. Ce que la nation a de « natal », c’est cette dynamique de communauté qui traversent les sensations, les mots et les idées. C’est tout! Ici comme ailleurs la méthode de Nietzsche qui consiste à montrer que les valeurs n’ont rien de transcendant qui s’imposerait de soi mais se construisent sous l’effet de l’histoire se déploie avec une justesse implacable. Il est ici question de faire la généalogie de l’idée de nation. Des êtres humains qui ont à faire face à des difficultés proches, à satisfaire des urgences et des nécessités vitales presque identiques vont nécessairement se retrouver sur des termes communs et des idées générales. Ce n’est pas parce qu’on forme un même peuple qu’on se comprend, c’est parce qu’on se comprend, parce que l’on place les mêmes groupes d’impressions derrière les mêmes termes que l’on forme un peuple. L’idéalisation de la nation, la volonté de l’investir d’une portée idéologique profonde, raciale, voire divine ou religieuse sont des attitudes falsificatrices, vides, absurdes, qui ne reposent pas sur la moindre assise, ni sur la moindre preuve.

  1. Faire bloc au risque de ne pas s’écouter

Les êtres humains ont eu besoin de se comprendre le plus vite possible pour faire face ensemble à des dangers pressants, à des difficultés qui ne toléraient pas l’attente. Nietzsche utilise à plusieurs reprises le registre lexical de la peur et de l’urgence: « danger, besoin, s’entendre vite, etc. » Ici nous retrouvons quelques-uns des leitmotivs profonds de l’œuvre du philosophe allemand qui consiste notamment à n’accorder à l’être humain aucun primat, aucun privilège, aucune préférence. Il s’agit de se départir de tout anthropocentrisme.  Comme pour tous les animaux, c’est un rapport de stimulation/réponse qui s’établit entre l’être humain et son milieu, mais il se trouve que cette relation là suit pour nous le triptyque déjà évoqué sensations /mots /idées.  Dés lors il s’agit pour nous de communiquer le plus rapidement possible par des signaux désignant les mêmes idées à propos des mêmes groupes d’impressions. 

Le terme clé est ici celui de « nécessité ». Les deux exigences que sont ,d’une part, la vitesse dans l’urgence des besoins à satisfaire pour une population reliée par des conditions de vie proches et d’autre part la logique d’assimilation des expériences par des mots communs vont dans une seule et même direction qui est celle de l’abréviation, de l’approximation, de la capacité de rendre compte rapidement d’un seul et même contenu d’expérience pour une majorité de personnes, de telle sorte qu’il faut raboter les singularités, comme s’il allait de soi que nous gagnerions quelque chose à en rabattre sur notre singularité de façon à nous mêler à la totalité du groupe. Tout être vivant est animé par la nécessité de satisfaire des besoins organiques pour se maintenir en vie et comme les êtres humains sont plutôt naturellement faibles, il est absolument vital pour eux de communiquer le plus rapidement possible avec leurs semblables de façon à répondre aux stimulations du milieu et aux attentes de leur organisme. Cela rabat inévitablement les humain.e.s vers un nombre assez réduit d’expériences communes qu’il s’agit de symboliser le plus simplement possible par un nombre réduit d’expressions linguistiques similaires. Quelque chose d’une logique de la platitude se met ainsi en place et réduit la langue à une dimension utilitaire et commune, réductrice. 

On s’entend d’autant mieux les uns les autres qu’on s’écoute moins et de moins en moins. « Ne pas s‘exposer à un malentendu dans le danger: telle est la condition du commerce réciproque entre les hommes » dit Nietzsche, et cela se comprend aisément: plus nous essayons de nous tenir au plus prés de ce que nous éprouvons en convoquant un éventail de mots conséquent, précis, détaillé, nuancé, plus nous nous engageons dans l’exploration « verticale », individualisée de notre être, plus nous exprimons des contenus, riches, subtils  mais plus du tout compréhensibles par « le commun » des hommes. Quand par exemple nous lisons de Marcel Proust, nous entrons en contact avec une sensibilité extraordinaire à tous points de vue et assez exigeante qui requiert de nous que nous le suivions dans un labyrinthe de sentiments exprimés, d’images, de recoupements, d’incises: « Puis une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s'élever, quelque chose qu'on aurait désancré, à une grande profondeur ; je ne sais ce que c'est, mais cela monte lentement ; j'éprouve la résistance et j'entends la rumeur des distances traversées »

Il s’agit de la description du sentiment éprouvé après avoir goûté le morceau de madeleine.  Nous sommes vraiment dans l’effort du narrateur pour se souvenir de ce qu’évoque ce goût et nous percevons tout ce qu’il revêt d’unique, d’étrange, de confus. Nous avons peut-être (sûrement) éprouvé la même chose mais nous réalisons bien ici que les mots tâtonnent, avançant t’en terrain inconnu, expérimental. La langue s’essaie à rendre compte d’une expérience qui n’a jamais vraiment été « mise en mots », ce qui marque à la fois la prouesse de la prose de Proust et le risque qu’il prend de ne pas être compris, de ne pas  même être suivi (ce qui honnêtement est le cas pour de nombreuses personnes qui lâchent le livre, réputé trop littéraire). Ce qu’essaie d’exprimer Marcel Proust n’est pas commun, n’est pas courant mais en même temps, c’est pour cela que c’est intéressant, à cause de ce risque qu’il prend de frôler l’incommunicable, quand tant de mauvais écrivains préfèrent ne pas s’aventurer dans ce danger.



  1. « Partager ses tiroirs »

Lorsque une relation amoureuse « dure », on peut envisager de s’installer avec son ou sa partenaire dans son habitation. Pour peu qu’il ne s’y trouve qu’une commode, il va falloir que cette personne accepte de partager ses tiroirs avec vous. Mais il est possible de donner à cette expression un tout autre sens: celui de la signification des mots que l’on utilise pour qualifier des situations, des besoins, des sentiments. Range-t-on les mêmes choses derrière les mêmes appellations dans les mêmes cadres (tiroirs)? Evidemment nous comprenons bien à la lumière de ces situations de danger ou d’urgence ou de satisfaction des besoins primaires à quel point il est impératif d’éviter les malentendus, mais Nietzsche évoque alors les relations amoureuses ou amicales, et cela change totalement le contexte. 

De fait, ces malentendus sont possibles, voire inévitables, et c’est bien ce que Nietzsche veut suggérer ici.  Il s’établit en chacun.e de nous un travail souterrain de hiérarchisation des groupes de sentiments et de sensations de telle sorte que les mots ne pourront pas rendre compte de ces déplacements intensifs, de ces glissements inconscients au fil desquels la discontinuité de nos mots est contredite par la continuité de nos états d’âme, c’est comme une lente et puissante dérive qui finalement compose notre vie affective, la transforme incessamment, nous faisant ainsi passer. Les mots sont là, ils sont écrits, dits, échangés mais ils sont portés par des intensités de vie que l’on peut certes induire, présupposer de telle attitude ou de telle tonalité de voix, voire de tel silence, mais le mot qui aura été prononcé n’en aura pas moins découpé UN affect, lequel en toute rigueur n’est pas si aisément séparable de la trame d’où il a été séparé. C’est un peu comme un papillon que l’on pensera pouvoir mieux connaître en le clouant dans sa collection, mort. Les mots arrachent les sentiments de la trame affective qui leur donne vie en les nommant de telle sorte que plus nous baptisons oui transmettons ou exprimons nos sentiments à l’autre, plus nous agitons devant eux les vestiges d’une vie affective ancienne, des momies, des sentiments desséchés. 

Finalement , c’est un peu comme si toute relation amoureuse ou amicale était fondée sur une fausse certitude, celle de savoir précisément ce qu’entend la personne aimée quand elle utilise tel mot, tout en sachant qu’il est impossible que nous puissions construire une certitude là-dessus. Dés qu’il est trop clair au sein de la relation que les déplacements intensifs des sentiments ne correspondent nullement aux mots extérieurs et communs qui sont échangés, la défiance s’installe et ne pourra aboutir qu’à la rupture, ou pire encore, qu’à une sorte de consensus au sein duquel, par peur de perdre l’autre, on finit par se contenter de mots sans substance ni sincérité, de formules répétées chaque jour témoignant d’une affection fausse, jouée, simulée.

Nietzsche est ironique quand il évoque « le bienveillant génie qui retient si souvent les personnes de sexe différent de contracter les unions précipitées que conseillent les sens et le cœur. » Il nous propose ici une certaine version des mariages de raison, comme si finalement au sein de chaque relation amoureuse, une nécessité rationnelle d’un tout autre ordre que celui des sentiments et de l’entente physique pervertissait insidieusement l’authenticité des rapports, l’intellectualisait excessivement de façon à ce que le rétrécissement des intensités affectives à des polarités linguistiques, à des mots communs se réalise et anesthésie totalement le couple, le vide de toute substance amoureuse authentique, étant entendu que le fond de toute relation amoureuse est bel bien tout ce qui est d’ordre sensitif et physique, irrationnel. Il suffit de penser à tout ce que l’expression de « vieille fille » qui malheureusement a longtemps sévi dans les pensées et les arrières pensées des femmes comme répulsif a pu entrainer de concessions à l’impératif du mariage durant plusieurs générations. Il fallait « trouver » un homme de façon à éviter ce vocable quitte à supporter que les mots communs fassent naître des solidarités simulées entre deux personnes que finalement rien ne rapprochait authentiquement aussi bien du point de vue des âmes que des corps.

Nous aurions pu penser que l’amour faisait partie des sensations et des pulsions suffisamment puissantes, intuitives et authentiques pour que ses inclinations, ses incitations, ses choix tombent juste et nous permettent de révéler des affinités précises, efficientes, fécondes mais malheureusement la capacité de la communication à établir des moyennes, de faux consensus, des personas, des gages à donner  à ce qu’il bien vu de faire et de paraître travestit et corrompt cette justesse.





5) Vivre ou exister

La fin du texte consiste à relier entre eux tous les éléments mis à jour dans les lignes précédentes et à en déduire la seule conclusion possible; puisque les êtres humains se parlent par l’intermédiaire d’une langue et que celle-ci consiste à plaquer des idées communes sur des sensations qui se ressemblent du fait de la proximité spatiale de celles et ceux qui les éprouvent, il va de soi que les rapports entre les hommes sont entièrement conditionnés par leur habitude de désigner des besoins proches par des termes identiques faisant signe d’idées communes au sens de générales, c’est-à-dire « moyennes ». Les sociétés, les lois, les usages d’une population unifiée au sein d’une même nation vont nécessairement favoriser du fait même de la dynamique communautaire qui l’anime les comportements les plus courants, les plus normaux au sens de normatifs de telle sorte que tout ce qui sortira de l’ordinaire: l’hypersensibilité, la subtilité des sensations, des impressions et des pensées originales seront rejetées ou éventuellement admirées mais comme on le fait de tout ce que l’on définit comme génial, exceptionnel, hors d’atteinte pour l’homme du commun, lequel va évidement se satisfaire de cette définition qui lui permet de rester dans sa zone moyenne de confort moyen pour citoyen moyen.

Rien de ce schéma abêtissant ne serait compréhensible sans la notion de « nécessité » plusieurs fois citée dans l’autre traduction de l’aphorisme Nietzschéen. Mais de quelle nécessité est-il question en fait? Ni plus ni moins que celle de la survie et de la consommation. Il suffit aujourd’hui de prêter attention à n’importe quel lieu public d’attente, de transit, de fréquentation et de grande affluence humaine pour y voir à l’oeuvre ce petit rectangle que nous ne cessons de triturer avec une constance compulsive suspecte, et ce à tel point que l’on ne serait sûrement pas mal inspiré d’évoquer ici une forme généralisée de fétichisme, voire de trouble obsessionnel collectif à l’égard duquel d’ailleurs ce sont les personnes sans portable qui nous apparaissent aujourd’hui comme « anormales », marginales, vivant ailleurs que « dans le monde réel. »

Nous avons ériger le portable en « besoin » et cela de façon si évidente qu’un jour passé sans lui nous apparaît improbable, impossible, hors de question. A ces personnes faisant preuve pourtant d’une indiscutable lucidité, nous demanderions:

  • « Mais comment fais tu pour vivre? »

La communication du besoin s’est suffisamment ancrée dans notre vie collective pour être devenue un besoin irrépressible de communication mais à cette question que Nietzsche ne se gênerait sûrement pas de trouver stupide, il n’est  pas exclu qu’une personne « Non Addict « au portable puisse répondre: le secret, c’est de préférer l’existence à la vie, le ressenti de soi aux concessions au paraître de la communauté, une pensée originale et secrète à des opinions communes, médiocres et publiées.

Il est peu d’époques qui donnent autant raison à la terrible analyse de Nietzsche que la notre et rien ne saurait confirmer de façon plus éclatante sa conclusion qu’un bref regard

  • A une vie politique au sein de laquelle les instances délibératives et décisionnelles se soumettent au savoir faire des communicants,
  • A une sphère médiatique moins soucieuse d’informer que de désinformer en construisant la version moyenne des évènements susceptible de convenir au citoyen moyen, éloigné des  pensées extrêmes
  • A une consommation de masse substituant le produit à l’oeuvre d’art comme Andy Warhol  l’avait prophétisé, en l’encouragent (honte à lui!). C’est de l’auto-prophétie. 

C’est vers les activités artistiques authentiques (pas celle de Warhol, donc!)  qu’il faut nous tourner si nous éprouvons, aussi peu que ce soit un sentiment d’étouffement et de saturation devant le conformisme de notre époque, c’est-à-dire si contre toute attente, nous parvenons à trouver des ressources suffisantes pour contrarier cette dynamique de la platitude. Nietzsche parle de « prodigieuse forces adverses pour entraver ce naturel. » 

Mais il faut bien comprendre de quel naturel il est ici question, ce n’est assurément pas le naturel de la nature, ni celui de ce qu’il appelle la volonté de puissance. C’est celui de ce que Pascal appelle « la coutume est une seconde nature qui détruit la première ». A force de vivre ensemble nous édifions une version moyenne de ce qu’il est d’usage de penser de ce qu’il est d’usage de vivre, et c’est en agissant de la sorte, en nous ralliant à la masse indifférenciée des consommateurs et des internautes en troupeaux que nous cessons d’exister. 

Les besoins polarisent notre attention sur ce qu’il est d’usage d’avoir, et ce à tel point que nous  en perdons la préoccupation d’être





E) La conclusion


Elle se divise en deux moments:

  1. Décrivez en quelques phrases les étapes essentielles de votre réflexion en insistant sur ce que votre travail a révélé de nouveau (ici le rapport entre la langue, les besoins vitaux et la communication - le rapport entre « communiquer" et "rendre commun » - Le discrédit de l’originalité et du style)
  2. Répondez clairement à la question posée SANS OUVRIR VERS D’AUTRES QUESTIONNEMENTS. Formulez une phrase dans laquelle on peut retrouver les termes fondamentaux de l’analyse Nietzschéenne  de telle sorte que la réponse soit à la fois détaillée et sans ambiguïtés par rapport à la question.


Il existe donc selon Nietzsche un procédé d’abréviation de la langue dont nous pourrions tout aussi bien dire qu’il est un processus et dont l’effet est de réduire considérablement l’éventail de nos expériences communicables de telle sorte que les échanges humains tournent autour de sentiments, d’affects,  de plus en plus pauvres, édulcorés, et peu nombreux. L’humanité se « retrouve » mais en se resserrant, en se limitant, en payant au prix de l’originalité de ses aperçus, une communication en continu dont il faut se demander si elle vaut bien ce prix là. De quelle vérité cette tendance est-elle porteuse? D’aucune. Elle ne participe en rien à l’impulsivité de ce mouvement de curiosité et de décentrement par le bais duquel l’être humain pourrait et peut-être devrait s’intéresser à autre chose que lui-même. C’est bien d’un narcissisme à visage humain dont il est question ici et dont il s’agirait de se déprendre en cherchant notamment par l’activité artistique une autre façon d’être humain (ou surhumain) que communicante. Si cette orientation est si difficile à suivre, c’est parce que effet la vie en communauté nous confine dans le partage d’expériences appauvries. Pourquoi? Parce que l’homme est enserré dans les mailles d’un triple filet: celui de la langue, de la communication et des besoins vitaux. A ces trois facteurs aggravants il convient d’opposer la stylisation de nos ressentis et de notre vécu (comme les stoïciens grecs déjà l’avaient bien perçu: faire de sa vie une oeuvre d’art), la culture de soi et les valeurs propre à l’existence (plutôt que le seul souci de la vie et du consommable).




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