mercredi 25 octobre 2023

EMC Terminale 3 - Faut-il supprimer les notes? de Diane Kalinski



 6 ans. 

J’ai 6 ans à peine et je viens de découvrir la classe de CP de Mme Foufé à l’école Jules Ferry de Saint Parres aux Tertres. On est mercredi et mamie vient me chercher à midi. Elle me tend les bras « alors ma poussinette, ça se passe bien l’école ? ». 

Je m’apprête à lui raconter le jeu du loup, les superbes tresses à 3 brins de Margot et Erwan qui pue des pieds quand il met ses chaussons… mais mamie ne m’en laisse pas le temps, elle embraye : « tu as eu de bonnes notes ? »

J’ai compris ce jour-là que la note est à l’élève ce que le salaire est à l’ouvrier. D’ailleurs ne dit-on pas bulletin de notes comme bulletin de salaire ?

A ceux qui les remettent en cause, l’institution affirme son credo : Les notes sont un instrument d'évaluation. C’est simple, mathématique, impartial et incontournable.

L’avez-vous remarqué mes amis ? Qu’il adopte une posture motivante ou menaçante, chacun de nos 7 professeurs au sein de ce prestigieux lycée nous a accueilli en cette rentrée 2023 par sa petite injonction du genre « on vise le 18 » , « votre moyenne sera décisive sur ParcourSup » ou encore « Vous savez quel est le coefficient de la matière au bac ? ».

L’enseignant est pardonnable, il est moulé à la louche de l’égalité républicaine et lui, quand il prend sa température, ce n’est pas au niveau rectale mais rectorale.

Sauf qu’égalité n’est pas synonyme d’équité et que les exercices les plus standardisés et les barèmes les plus pointilleux ne mesurent pas les acquis comme le thermomètre mesure la température (la frontale, ça marche aussi).

Le simple fait qu'un travail soit noté ou pas a un impact fondamental sur notre motivation d’ados sensibles. 

Ajoutons que certains professeurs ne rougissent pas des mauvais résultats de leurs élèves et entretiennent leur notoriété d’être un enseignant qui tire ses élèves vers le haut par des exigences himalayesques.  Pour eux le message est “ Vous avez eu 05/20 à votre contrôle parce votre niveau est insuffisant ou parce que vous avez révisé sans chercher à approfondir. Heureusement, je suis là et je vais vous apprendre à vous dépasser pour mieux affronter la vraie vie”.

J’entends déjà l’implacable rhétorique de l’enseignant vieille école: « Allons donc jeunes gens, c’est du mérite scolaire qu’il s’agit et il est capital d’assurer l’impartialité de l’évaluation. Sans notes fiables, objectives, certifiées par l’institution, un diplômé ne vaut rien. » …. Oubliant au passage d’ajouter que sans diplôme, nos élites auraient, pour la plupart, bien du mal à justifier leur position.


L’attachement à la note chiffrée tient dans notre pays à des vertus pédagogiques sacralisées par la tradition. On nous l’a bien expliqué, les notes sont là pour nous aider à progresser, Elles nous permettent d'avoir des repères sur ce que nous savons faire ou non.

Cette défense de la tradition de la note soulève en fait 2 questions : 

La première question est d’ordre pédagogique : Contrairement à une opinion largement répandue, les pratiques ordinaires de notation exercent des effets globalement négatifs sur les apprentissages et sur les inégalités sociales de réussite. C’est scientifiquement démontré !

La seconde question est de type historique. Notre fameuse note sur 20 tricolore n’a pas toujours existé. D’autres pratiques d’évaluation ont précédé. 

Alors quelles dynamiques sont à l’origine de l’invention de la note ? En quoi éclairent-elles les polémiques sur les pratiques d’évaluation des élèves et plus particulièrement l’opposition récurrente entre l’évaluation chiffrée et l’évaluation par compétences ?

Si…allons, l’évaluation par compétences…. Ça ne vous dit rien ?

Vous savez bien, sur Pronote ; Certains l’ont expérimenté au collège. Une liste longue comme le bras de compétences détaillées et concrètes qui forme pour nous, jeunes français notre « socle commun de connaissances, de compétences et de culture ».

Au bout de chaque ligne, un petit point vert, jaune ou rouge pour situer le degré de maitrise de l’élève. « vert c’est acquis » . Rien à voir avec un 20 sur 20. C’est acquis. On sait faire. C’est tout. A-CQUIS !


Qui parmi vu a déjà entendu sa mère ou son père lui demander « Alors Jeremy, comment tu te situes sur la compétence  « Reconnaître, nommer et décrire les figures planes et les solides usuels » ? 

Pour nos pauvres parents de la génération eighties élevés au biberon du matérialisme et de course à la réussite, c’est quand même plus simple de demander « t’as eu combien en géométrie ? »

Les petits points verts et rouges ont du mal à faire recette…

En 2013, l’Inspection générale indiquait je cite que « le Livret Personnel de Compétences (le LPC) était vécu par les enseignants comme une forme de gadget et de lubie institutionnelle ». 

Dans les fait il a souvent été adopté par les professeurs pour la forme…. Mais quasiment tous ont continué à utiliser les fameuses notes comme seul véritable système d’évaluation …  par habitude et réticence face à la nouveauté.

 Au final, le ministre de l’Éducation nationale a considéré que le Livret de compétences  était un « casse-tête stérile » et annoncé sa simplification.

Evaluer des compétences demande au professeur d’apprécier finement l’évolution de chaque élève. C’est un travail long et exigeant mais qui à la fin propose un tableau nuancé et évolutif d’un jeune en devenir.  Tout l’inverse de la note sanctionnante et définitive.

On pourrait dire que le livret de compétence est à la note ce que le portrait est au smiley.



Mais bon…. exit les compétences…  reste la note. Celle qu’on rapporte à la maison comme on rapporte un salaire alors que nous savons, nous, que notre vraie motivation est liée au plaisir de la réussite et pas à un 18/20… et que l’un des facteurs de cette motivation se trouve dans le sens que nous donnons à nos apprentissages.

Alors les notes comme moyen de nous stimuler oui, mais pas seulement.

La pression et la compétition générées par les notes relèvent d’une motivation extrinsèque qui fait naître davantage de stress que d’envie.

Il ne faut pas oublier de donner du sens. C’est pour cela que nos professeurs doivent soigner leurs appréciations. Elles sont essentielles pour compléter l’inévitable note, la préciser et qui plus est, elles s’adressent directement à nous.

Pour conclure, camarades ouvriers de la note, levons nous pour faire valoir nos compétences, oublier la toute-puissance de la note, et demain la sérénité sera le genre lycéen !





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