vendredi 29 octobre 2021

Peut-on dire de la science qu'elle est naturelle ? (2)

 




L’une des pistes les plus claires et les plus riches permettant de définir l’esprit scientifique consiste probablement, comme le fait ici Gaston Bachelard à opposer la science et l’opinion. Mais ce passage ne se limite pas à cette opposition:

"L'idée de partir de zéro pour fonder et accroître son bien ne peut venir que dans des cultures de simple juxtaposition où un fait connu est immédiatement une richesse. Mais devant le mystère du réel, l'âme ne peut se faire, par décret, ingénue. Il est alors impossible de faire d'un seul coup table rase des connaissances usuelles. Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devrait savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés. Accéder à la science, c'est, spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ; de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit. »

  

Il est impossible de comprendre ce passage qui finalement définit l’esprit même de la démarche scientifique sans opposer clairement deux modes de connaissance. Il y a les idées auxquelles nous adhérons par ouï-dire, par héritage, par imprégnation dans un certain milieu au sein duquel ces thèses ont droit de cité, c’est ce qu’on appelle « l’opinion ». Il y a d’autre part les idées auxquelles nous aboutissons au terme d’une démarche voire d’une méthode d’investigation qui suppose d’abord que l’on se pose des questions sur une réalité donnée, en remettant précisément en cause le fait qu’elle soit donnée.  C’est cela que l’on appelle « la science ». Elle ne consiste donc pas seulement à dire qu’il y a des réalités suffisamment cachées ou complexes pour justifier un travail de recherche mais à se constituer comme un certain type de savoir qui peut réinvestir des champs de connaissance ancien en pointant le fait que ce que l’on croyait bien connu ne l’est peut-être pas autant que nous le pensions. En d’autres termes la science ne se distingue pas de l’opinion parce qu’elle se porte sur d’autres objets d’étude mais parce qu’elle se porte sur les mêmes « autrement ». C’est une question de pensée. La démarche de proposition de l’opinion n’est pas pensée, elle est répétitive et utilitaire. La méthode scientifique est d’abord interrogative, voire naïve  et ensuite fondée, au sens littéral du terme, elle fonctionne à partir d’un fondement lequel suppose une rupture. 

 


Pour reprendre la définition de la philosophie proposée par Baptise Morizot: « la philosophie est la curiosité à l’égard de ce qu’on croyait savoir », on pourrait exactement le reprendre pour l’appliquer à ce que Gaston Bachelard nous dit ici de la science: ce que l’on croyait savoir par opinion n’est pas vraiment su parce que ce n’est pas au terme d’une démarche de pensée que nous le savons. Nous y adhérons parce que nous l’avons toujours entendu dire. C’est une idée reçue et pas une idée conclue. Que nous la défendions n’a rien à voir avec le fait que nous la réalisions, que nous la comprenions.  C’est du préjugé, de l’habitude, de l’héritage, de l’imprégnation, du conditionnement. C’est ainsi que l’opinion fonctionne. Toute démarche scientifique suppose donc un arrachement par rapport à l’opinion.  

Gaston Bachelard reprend ici à son compte pour l’appliquer à la science la notion de  « tabula rasa »: faire table rase du passé. « face au réel, ce qu’on croit savoir offusque ce qu’on devrait savoir. » Il faudrait pouvoir se présenter à tout phénomène entièrement vierge de toute présupposition, de toute croyance, de tout préjugé, mais c’est impossible.  Il importe donc de rajeunir, de comprendre que l’on adhère gratuitement à certaines conclusions qui ne font qu’aller dans le sens de conditionnements préalables. 

  

Adopter une démarche scientifique, c’est essentiellement se défier d’un esprit de facilité qui insidieusement nous fait plus aisément croire à ce que nous sommes préparés à croire qu’à ce qui s’impose de soi, en soi, à une pensée efficiente. Quelque chose ici est impératif à saisir, c’est l’opposition de deux sens du verbe penser. Si par penser, nous entendons « avoir une opinion », il est clair que la science ne pense pas, mais si par penser, nous signifions adopter une démarche méthodique à partir d’un questionnement premier, originel se portant vers tout type de phénomène y compris ceux que l’opinion juge comme déjà éclairci, alors la science pense et elle est même la seule  à penser. 

La  science est donc une attitude qui ne commence jamais une discussion par la formulation: « je pense que… » En ce sens elle ne pense rien. La science est beaucoup plus proche de l’étymologie latine de penser: « pendere » qui signifie « peser ». Penser vraiment ,c ‘est peut-être mesurer, évaluer à quel point on ne peut pas conclure, c’est retarder et peut-être suspendre l’apogée orgasmique de l’opinion: « je pense que…. »  Si la bêtise consiste à vouloir conclure, l’intelligence peut bel et bien consister à remettre à plus tard le moment de dire que l’on pense ceci ou cela. A la lumière de ce texte, on peut distinguer trois moments décisifs à partir desquels se constitue un authentique esprit scientifique:

  1. Rupture avec l’opinion et les préjugés
  2. Confrontation avec ce qui dés lors n’apparaît plus comme une évidence allant de soi mais comme un problème dont la solution ne va pas de soi
  3. Mettre en oeuvre un esprit méthodique grâce auquel il va devenir possible de poser rationnellement ce problème 

Cette troisième étape cruciale est résumée par la formulation : « savoir poser les problèmes. Les problèmes ne vont pas d’eux mêmes. » Nous sommes ainsi en face d’un triptyque: « Rupture / Problème / Méthode » dont on peut parfaitement concevoir qu’il décrit correctement l’esprit scientifique.
 


                Or ce « trépied » à partir duquel se constitue la démarche de la science contredit totalement l’affirmation d’une origine naturelle de la science, si par nature nous entendons: ce qui s’impose de soi, spontanément, de façon donnée. C’est d’ailleurs tout le sens de la formule finale du texte: rien n’est donné, tout est construit. Tout peut-être sujet à étude à problème; l’esprit scientifique est un esprit originellement questionnant pour lequel rien de ce qui est ne se justifie en tant qu’étant. Il ne suffit pas qu’une chose soit, qu’une planète tourne , qu’une loi s’effectue dans la nature pour qu’elle soit sans examen « reçue », voire acceptée, encore faut-il que la pensée humaine saisisse le lien, ce qui fait loi, ce qui explique. C’est en ce sens que toute science est un scepticisme organisé, rationnel qui demande des comptes. La science n’accepte rien de soi-même. C’est donc un mouvement d’une « contre spontanéité » radicale.

Le fait ne fait pas droit, c’est-à-dire qu’il n’est rien dans l’émergence événementielle d’une réalité qui suffit à justifier qu’elle soit, encore faut-il que l’esprit humain comprenne ce qui explique qu’elle soit. L’esprit scientifique est donc aussi celui pour lequel la recherche de causalité se substitue au fatalisme ou encore à l’eschatologie religieuse (donner une finalité divine à des faits réels). La science c’est la non acceptation du donné.

Toutefois l’ambiguïté du terme « naturel », sa plurivocité et notamment le fait qu’il peut également désigner « ce qui est propre à… » ouvre une autre piste de questionnement qui consiste à s’interroger sur la possibilité qu’aussi anti-naturelle que soit la science en tant que scepticisme fondamental, elle n’en serait pas moins et pour les mêmes raisons naturel à l’être humain. Ne serait-ce pas justement en tant qu’elle est s’arrache à toute modalité d’acceptation naturelle de la nature qu’elle ne dessinerait pas quelque chose de spécifiquement humain, construit et finalement culturel?  Ce serait justement parce que le mouvement de savoir, de s’interroger sur l’effectivité d’une réalité qui pourtant est bien « là » n’est absolument pas naturel qu’il serait naturel à une créature profondément non naturelle voire anti-naturelle comme l’homme. Dans cette perspective, la science pourrait s’intégrer à une forme de destin ou justement d’anti-destin, de liberté pure dont jouirait une espèce vivante particulière qui miraculeusement serait la seule à s’être dotée des moyens de s’extraire du cycle de la nature. La nature de l’homme, en tant qu’homme ce serait alors justement d’être scientifique et, par ce biais, non naturel. N’est-ce pas exactement le sens de la fameuse expression latine qui désigne l’être humain comme homo sapiens? L’homme serait une créature naturellement savante, par quoi elle ne serait plus naturelle.

 


Le sujet commence ainsi à nous apparaître dans sa dimension complexe, retorse. Les démarches philosophique et scientifique identiques par leur commune origine se définissent d’abord, comme l’a dit Aristote par l’étonnement. Quoi de plus naturel que d’oeuvrer en vue de réduire notre ignorance? Quoi de plus évident que ce questionnement là? 

Mais l’étude du texte de Gaston Bachelard nous a permis de mesurer tout ce que la démarche scientifique revêtait d’esprit de curiosité méthodique, d’opposition à toute spontanéité ou adhésion simplement factuelle à « ce qui est ». Ce n’est pas parce que c’est que notre pensée doit l’accepter. Avoir un esprit c’est précisément l’appliquer à ce qui est  mais justement « comme ne devant pas être factuellement sans cause », c’est refuser le fait accompli de la présence et interroger les fondements. « Felix qui potuit rerum cognoscere causas » (« Heureux qui peut connaître les causes des choses ») dit Virgile dans les Géorgiques. La démarche scientifique n’est pas donnée, elle est construite et cela s’applique indifféremment à toutes les sciences qu’elles soient expérimentales, formelles ou humaines.

Si nous souhaitons compléter cette définition de la Science, il est possible de retenir plus particulièrement cinq caractéristiques observables en chacune d’elles:

La démarche scientifique doit, en effet, se définir par:

  1. Une rigoureuse non-contradiction dans les termes et les relations qui la structurent en elle-même.
  2. Une adéquation totale avec la réalité à laquelle elle s’applique (la gravitation universelle s’accorde avec l’observation du réel)
  3. Une aptitude à prévoir les phénomènes (au regard de la loi présumée et confirmée)
  4. Un principe d’économie (plus une proposition peut se passer de présupposés, plus elle est scientifique)
  5. Sa falsifiabilité, c’est-à-dire sa testabilité. Une proposition scientifique ne s’énonce jamais gratuitement mais reste toujours suspendue à la possibilité de sa falsification, c’est-à-dire d’un test qui démontrerait sa non pertinence. (Karl Popper)


 Le terme de « nature » présent dans l’énoncé du sujet n’est pas moins problématique. Nous venons de voir, en effet, qu’il désigne en premier lieu ce qui est propre à…Est-il naturel à l’homme de faire de la science comme il l’est au guépard de courir vite ? Y’aurait-il dans la science à la fois dans l’attitude à partir de laquelle elle se constitue comme démarche que dans sa méthode quelque chose pourrait faire signe de la nature même de l’homme, quelque chose qui lui serait spécifique? La science signerait-elle une certaine façon d’être au monde empreinte d’étonnement,  de  l’esprit de recherche des causes, de construction méthodique?

Toutefois, ce qui est naturel désigne aussi ce qui est « donné », au sens le plus fort de ce terme, à savoir ce qui se donne tel qu’il est, sans transformation, de façon « brute », sans ornement, ni artifice. Peut-on dire de la science qu’elle est aussi brute, donnée, « native » que cette réalité qu’elle aspire à connaître? A supposer que l’attitude scientifique soit originellement celle d’un étonnement devant l’existence des phénomènes, il resterait à rendre compte du fait que cet étonnement ait finalement généré non seulement des symbolismes aussi formels que les mathématiques, cette langue dans laquelle, si l’on en croit Galilée, Dieu aurait lui-même crypté, codé le monde, mais aussi des « faits », comme les vaccins, le premier pas de l’homme sur la lune, la bombe nucléaire ou les travaux sur les cellules souches. Dans l’expression « science de la nature », le complément de nom peut signifier deux choses: soit que la nature est l’objet de la science (génitif objectif), soit que la nature elle-même fait de la science (génitif subjectif). 

 

Dans cette dernière lecture, celle d’un génitif subjectif, la question évolue vers une problématique différente: se pourrait-il qu’il existe une science de la nature, c’est-à-dire que science et nature se combinent et finalement s’identifient pour composer ce devenir de la complexité dont la réalité même semble être animée. Il ne serait plus question dés lors pour le scientifique d’être le sujet de la science mais, au contraire, de se faire le plus discret possible, de se doter des instruments d’observation les plus « neutres », les moins déformants, les moins invasifs, les plus à même de percevoir le plus passivement possible les décrets naturels d’une mutation incessante du « donné ». La thèse phylogénétique de l’évolution des espèces par Charles Darwin et la découverte astrophysique de l’historicité de l’univers (le fait que l’univers est finalement historique (au sens où il a une historicité (Big Bang)) par Edwin Hubble constituent chacune en leur genre des possibilités d’illustrations de cette autre considération de la science. Il y aurait bel et bien une « science » de la nature, un « savoir », ou du moins un processus  à l’oeuvre dans la nature venant de la nature elle-même. Ce qui pointerait dans une telle hypothèse, au contraire, ce serait une intelligence immanente à la nature, la « science » humaine n’aurait dés lors d’autre justification que celle de percevoir, de « prendre acte » , pour autant qu’elle le puisse, de la « science naturelle », mais en un sens qui n’a plus rien de commun avec ce que nous entendions par cette appellation. Ne serait-ce pas le sens finalement le plus profond de cette énigmatique sentence d’Héraclite reprise et travaillée par Pierre Hadot dans son livre: « le voile d’Isis »: « la nature aime à se cacher »?

  


3) Construction d’un plan

La profondeur et la difficulté de cette dernière interprétation de la question font signe d’une progression, d’un accroissement constant de la difficulté propre à nous suggérer un plan, lequel suivra finalement le fil rouge de cette exploration dont nous mesurons maintenant à quel point l’être humain s’y éprouve lui-même comme sujet à un processus constant de déplacement, de déportation jusqu’à envisager frontalement le paroxysme de désanthropocentrisme dont la science serait soit la négation absolue, soit au contraire le terrain de jeu revendiqué et pleinement assumé:


1 - Est-il naturel à l’homme de savoir (scio: science)?

a) L’étonnement (Aristote)

b) Faire table rase (Gaston Bachelard)

c) La docte ignorance (Nicolas de Cues) et le principe d’indétermination (Heisenberg)


2 - La science est-elle découverte de la nature ou une construction humaine visant à la conquérir et à l’utiliser? (La question de la techno-science)

a) Connaître les causes (Aristote)

b) Le modèle mécanique et l’expérimentation (Descartes et Galilée)

c) Le positivisme et le transhumanisme (Auguste Comte et Ellon Musk): la perte de l’expérience.


3 - Existe-t-il une science conçue et effectuée par la nature même dont nous ne serions pas tant les auteurs que les objets d’expérimentation?

a) Science et langage (Galilée / Lafforgue)

b) Deus sive natura (Spinoza)

c) Connaître et co-naturer: la science et l’Art

  


3) Rédiger une introduction

L’être humain est « intéressé » à l’existence du monde. Il l’est étymologiquement parce qu’il existe lui-même dans cet intéressement (inter/esse: être entre) qui s’effectue entre lui et le lieu dans lequel il naît. De toutes ses activités: technique, art, politique, économie, philosophie, histoire, religion, etc. Il n’en est aucune qui puisse s’ancrer ailleurs ou autrement que dans cet intéressement là. La science occupe néanmoins une place particulière dans cet ancrage, notamment parce que nous vivons aujourd’hui dans ce que Foucault appelle « un régime de vérité » scientifique, c’est-à-dire que nous considérons aujourd’hui la science comme la discipline la plus à même de nous donner « le dernier mot », ou du moins, de constituer ce type de propositions sur le réel le plus fiable. De la nature, la science nous apparaît aujourd’hui comme le type de savoir le plus à même de nous dire « ce qu’elle est » et peut-être aussi ce que nous pouvons en faire pour vivre mieux, pour conforter (dans tous les sens du terme) notre présence dans l’univers. Quoi de mieux, en effet, qu’un mode de connaissance rationnel, systématique, organisé, universel se donnant pour objet la nature, en la passant au crible de l’astrophysique, de la biologie, de la physique, de la médecine, pour déterminer des modes de vie humains susceptibles d’orienter nos sociétés vers une assise humaine de plus en plus et de mieux en mieux assurée. Mais alors comment se fait-il que ce crédit dont jouit aujourd‘hui la science dans l’écrasante majorité des civilisations ne s’accompagne nullement de la sérénité qu’était censée nous donner cette assurance? Comment expliquer que cette excellence du savoir humain qu’est la science dans son aptitude inégalée à nous donner de la nature une représentation exacte, ou du moins extrêmement fiable, ne nous permette pas de mieux vivre dans la nature? Comment expliquer que cette intelligence scientifique de la nature ne nous permette pas de vivre en bonne intelligence avec elle? Comment rendre compte du fait que cette connaissance ne crée d’aucune façon une « co-naturalité », que cet « inter-esse » ne crée pas un « cum-esse », que cet "être entre" ne fasse pas un « être avec ». C’est comme si l’intelligence scientifique de notre milieu naturel ne parvenait pas à créer les conditions idéales de notre cohabitation avec lui. Que faudrait-il que soit la connaissance scientifique de la nature pour faire advenir les conditions effectives d’une authentique co-naturalité de l’homme et de la nature, si tant est qu’elle soit possible (mais comment ne le serait-elle pas puisque l’homme est bien un être naturel)?

   


(Quelques mots sur cette introduction qui suit bel et bien un schéma problématique mais qui laisse aussi entrer dans le mouvement de sa problématisation des considérations très actuelles. Si les sciences de la nature, au sens « humain » du terme, nous donnaient de la nature une connaissance fiable, pertinente, comment pourrions nous expliquer les phénomènes « naturels » tels que le réchauffement climatique ou pour le dire plus clairement l’avènement de l’anthropocène aujourd’hui? Paradoxalement, jamais les humains ne semblent avoir disposé de moyens scientifiques aussi pointus, aussi fiables qu’aujourd’hui pour comprendre la nature, mais en même temps, jamais la nature ne nous a semblé aussi dangereusement impactée  par les modes de vie humains, lesquels sont totalement déterminés par les découvertes scientifiques les plus récentes, aussi bien d’un point de vue technologique (la techno-science) que philosophique (le transhumanisme). De la nature, nous pourrions dire que plus nous semblons pouvoir la comprendre, plus nous ne cessons de la « mal-entendre », voire de ne pas la prendre en compte, comme si la science de la nature nous révélait qu’en réalité il n’y a pas de nature, proposition qu’il n’est pas absurde de formuler, loin s’en faut. En ce sens, ce sujet nous interroge sur la nature même d’une science de la nature: ne désignerait-elle pas finalement le tour de force d’un rapport humain avec la nature, mais par là même "seulement humain » ou « trop humain » (Nietzsche), échouant à constituer un rapport naturel avec la nature, échec dont les catastrophes écologiques auxquelles les hommes sont aujourd’hui confrontés ne sont que les dramatiques illustrations.

 


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