lundi 24 avril 2023

Terminale HLP: Préparer l'épreuve du grand oral


 S’exercer pour le grand oral


1) Les attentes

On pourrait les résumer en deux points:

  1. C’est une épreuve qui évalue votre aptitude à la prise de parole et tout, absolument tout, dans les modalités de cet examen, est à envisager d’abord sous cet angle. Ce que cela veut dire c’est qu’évidemment vous serez plus performante, plus « en verve » (comme on dit mais ce terme est important: être en verve c’est parler avec brio) si vous croyez à la pertinence, à la cohérence du fond. C’est ce que nous avons rapporté à la parhésia, au « dire vrai », et il importe vraiment que ce « dire vrai » se prouve, s’atteste on pourrait dire: d’un point de vue « apodictique » (c’est-à-dire nécessairement universelle et démontrable) MAIS cet examen a une dimension assertorique, factuelle, ce qui signifie à la fois que son sujet peut porter évidemment sur des vérités qui ne sont pas nécessairement démontrables (mais qui ne peuvent néanmoins être délirantes ou incohérentes) et aussi, que l’implication, l’aisance avec laquelle vous allez développer vos raisons participe activement de la note. Ce qu’il faut analyser très vite, c’est le domaine de compétences, le registre lexical avec lequel vous estimez pouvoir vous situer de plain pied, être capable, au besoin de rebondir et d’improviser. Il y a là un paradoxe vraiment philosophique mais qui vaut pareillement dans toutes les autres matières, à savoir que cette interrogation doit concerner un champ de questionnement suffisamment clair et familier pour que vous en saisissiez la profondeur, la capacité à se dérober à toute délimitation. Il y a dans cette question de quoi m’attirer, de quoi m’embarquer, précisément  parce qu’il est inépuisable. En d’autres termes, ce n’est pas parce que vous pensez avoir la réponse que vous avez choisi cette question mais parce que vous ne l’avez pas et que ce trouble vous attire
  2. L’autre point à bien garder en tête, c’est tout simplement que ce sont des enseignantes et des enseignants qui vous écoutent et qui vous notent, ce qui signifie qu’il ne faut pas non plus se laisser tromper par l’apparente décontraction des modalités de cette épreuve qui ne ressemble à aucune autre. Si les examinatrices et les examinateurs, sourient, c’est parce qu’ils savent qu’il n’est pas facile de passer ce genre d’épreuve, c’est tout, mais ils vous attendent sur un terrain précis, bien délimité. Lequel? Celui de leur discipline évidemment pour la personne qui l’enseigne et pour l’autre celui de votre capacité à en parler à un non spécialiste, simplement, clairement. Etes vous capable dans un temps limité d’envoyer à deux enseignants des signes de reconnaissance suffisamment travaillés et explicites pour que l’un s’y reconnaisse en tant que professeur de ceci ou de cela et l’autre en tant qu’être humain? Pour être parfaitement honnête, il est quand même assez clair que c’est l’enseignant de la spécialité concernée qu’il faut le plus viser, mais l’autre est là aussi et rien ne serait plus suicidaire, en terme de notation de le considérer comme un « gêneur ». Cet enseignant posera nécessairement une question, au moins, et il est évident que la note finale fera l’objet d’une concertation entre les deux. Cela nous aide à clarifier les attentes de l’épreuve: on attend de vous que vous soyez capable d’aborder une question non pas seulement en tant qu’élève mais aussi en tant qu’être humain. Sous quel angle ma question aussi ancrée soit-elle dans les cours et le vocabulaire auquel je me suis accoutumé pendant deux ans présente-t-elle un intérêt « humain » de telle sorte que tout être humain peut et même doit s’y intéresser?



2) Mentaliser  et préparer l’épreuve

Mentaliser signifie « visualiser », se représenter visuellement ces 20 minutes. Ce n’est pas là un conseil de « coach mental », ou de « gourou spirituel ». Quand l’épreuve est écrite, il n’y pas vraiment d’effort de mentalisation à produire parce que votre attitude, vos gestuelles, vos tics de parole ou vos phatèmes (Euh….j’veux dire…etc.) n’entrent évidemment pas en compte dans l’évaluation alors qu’ici il y a un impact (il faut vraiment éviter les phatèmes, par exemples). Il convient donc de vous entraîner devant vos proches, devant votre miroir, de vous enregistrer éventuellement pour vous écouter après. C’est très simple: il y aura un tableau, un bureau, deux enseignants à quelques tables de vous. Quand vous entrerez, vous présenterez vos deux sujets aux examinateurs et ils en choisiront un. Vous disposerez alors de 20 minutes pour rédiger des notes. Visualisez déjà tout ça!

a) Les 20 minutes de préparation

Quel est exactement le rôle et la fonction de ce document que vous allez rédiger pendant ces 20 minutes? Il en a deux:

  • Reprendre les étapes des 5 minutes de présentation. Évidemment, il serait maladroit de rédiger des phrases entières. Vous avez déjà une idée assez précise de ce que vous allez dire. En quelques phrases qui serviront de points de repère mnémotechniques, vous rédigez les formules frappantes dont la mention suscite en vous les idées et leurs transitions. C’est donc un plan qui a une fonction de rappel. Lire ce que vous venez d’écrire est très, très maladroit. C’est à éviter absolument.
  • Il est possible d’y écrire un schéma ou une formule ou un tableau que vous présenterez au jury. Il faut bien réfléchir à cette démarche à sa nécessité car elle aura nécessairement cet inconvénient de couper l’élan de votre prise de parole. Elle n’est pas vraiment conseillée en HLP


En fait, on peut considérer cette feuille comme un filet de sécurité dont a priori vous n’aurez pas besoin. C’est de l’écriture et il est parfois plus facilement de parler après avoir écrit, tout simplement parce qu’écrire crée un sillage mental et que votre prie de parole va se continuer dans la traîne de ce sillon, dans son effet d’entraînement. La vision de la feuille put vous rassurer à ce titre, mai un peu « comme un doudou », comme la preuve concrète que vous savez ce que vous dites, la manifestation d’une maîtrise qui n’a pas plus qu’à passer du stade écrit au stade oral.  Il est vraiment rare que les candidates et les candidats le consultent activement. 


Quand vous entrerez une seconde fois dans la salle de l’épreuve, il est une évidence sur laquelle on n’insiste jamais suffisamment: vous allez probablement vous installer derrière le bureau devant deux enseignants qui spatialement seront un peu vos élèves. Quelque chose ici se détermine, s’instaure « spatialement » et ce n’est pas du tout anodin. Vous avez à faire ce qui revient habituellement à l’enseignant: poser une parole qui elle-même va poser un sujet. 

Psychologiquement, c’est cela qui requiert une mentalisation: assumer une position qui symboliquement et spatialement n’est habituellement pas la votre. On peut toujours objecter que l’enseignant, lui, n’est pas évalué, mais ce n’est pas tout à fait vrai: il l’est officieusement par ses élèves et faire cours est de toute façon un acte qui engage l’enseignant par rapport à l’état, par rapport à ce qu’impose un service public, voire en un sens: un peuple.

Évidemment un cours dure toujours plus de 20 minutes, l’évaluation est la votre et pas celle des personnes qui sont à la place des élèves mais cela n’en reste pas moins une disposition qui revêt un sens et qui a une implication:

- Le sens réside dans ce qui a déjà été dit de la distinction entre le sémiotique et le sémantique. Toute parole veut dire quelque chose 1) parce que les mots utilisés ont un sens dans la langue (sémiotique) 2) parce que tout discours sort de sa dimension exclusivement linguistique pour implanter comme le décor même à partir  duquel il prend sens une situation humaine (sémantique). C’est une dimension performatrice qui dépasse largement celle qu’évoque John Austin. La puissance de la parole qu’on ne retrouve pas dans l’écriture, c’est de créer comme sa condition même un lieu d’échange humain. En d’autres termes, l’interaction entre les désinhibiteurs qui stimulent la construction d’un milieu pour les animaux dont l’humain est privé  s’effectue pour nous ici dans la parole, et elle se produit entre humains. Ce qui vous est demandé, c’est d’émettre pendant 5 minutes et plus une parole porteuse d’un échange spécifique aux humains, et d’un échange qui ne peut se réduire à ce que Merleau-Ponty appelle la parole instituée, mais il s’agit plutôt de parole instituante.  C’est sur ce point là qu’il y a une dimension vraiment fondatrice et initiatrice, nouvelle, « porteuse », voire (il ne faut pas avoir peur de ce terme) « sacrée ».  En HLP, c’est d’autant plus intéressant qu’il a été question en première de la puissance de la parole et qu’elle se situe effectivement ici, dans cette libération qui est aussi une exigence. 

- L’implication de ce positionnement de la candidate ou du candidat en professeur réside dans le fait que vous serez évalué(e) par quelqu’un qui parle, qui a consacré sa vie à enseigner, à "en-signer", à embarquer dans le signe et donc, que, même si l’épreuve ne s’apparente pas à un cours par la durée, par les modalités, etc. quelque chose de la note résonnera avec ce que l’enseignant estime être une prise de parole enseignante, en-signante, au sens sémantique du terme. Pouvez-vous instaurer une plate-forme d’échange humain, en langue française, sur un sujet particulier qui vous importe. Un terme ici est tentant à utiliser: celui de réseau social (ce qui fait un lieu de réseau dans un société donnée), sauf que justement celui-ci est « direct », oral, effectif dans un jeu de présence physique, de rencontre et pas réservé au Net.




b) Les 5 minutes de présentation

Si nous reprenons les directives officielles, il s’agit, pour les candidats, « d’exposer les motivations qui les ont conduit à choisir cette question, puis de présenter la réponse qu’il ont élaborée. » Tout évidemment est dans ce terme :« élaborer ».  Si votre question est intéressante, c’est justement que sa réponse n’est pas du tout évidente et qu’elle a besoin d’être élaborée, c’est-à-dire « construite ».  Cette élaboration présuppose, pour le moins, trois règles:

  • Qu’il n’y ait absolument rien dans cette présentation que vous ne puissiez justifier, expliquer. Il ne s’agit pas de « balancer » des phrases ronflantes, générales, tranchées qui ne reposeraient que sur un effet d’annonce, une sorte de dramatisation gratuite et infondée. Il n’est pas question d’assimiler votre prise de parole à un « coup d’éclat ». Pour le coup, c’est une habitude que cultivent la plupart des enseignantes et les enseignants de ne pas se laisser impressionner par des coups de gueule, par des prises de positions violentes et revendicatrices (style qui vous savez). 
  • Que votre propos soit ordonné de la façon suivante: 1) les motivations 2) les raisons pour lesquelles cette question pose un problème, ce qui revient à formuler ce problème dans tout ce qu’il revêt d’impérieux, d’obligation à faire entrer en compte des nuances (nuances qui ne seront pointées qu’avec des distinctions conceptuelles) 3) à présenter avec beaucoup de précautions, votre réponse.
  • Que votre prise de parole soit extrêmement dense, efficace, et qu’elle libère des pistes.  C’est là qu’entre en jeu tout ce que vous êtes, je l’espère, en train de réaliser. Il n’est pas possible d’être efficace dans cette épreuve sans un travail d’écriture préalable et important qu’il va falloir condenser, concentrer. Rien n’est plus complexe, difficile que de produire un effort visant à la simplicité, à l’exhaustivité (c’est-à-dire à une certaine plénitude, intégralité: on n’attend pas de vous le même niveau d’études qu’un étudiant en master mais vous avez choisi votre question, ce qui implique un engagement qui ne peut se satisfaire d’effleurer la question). Cette préparation est essentielle, surtout pour ce qui va suivre, mais elle doit évidemment être aussi opérationnelle à ce stade. Il s’agit donc d’avoir rédigé ni plus ni moins qu’une dissertation plus ou moins longue (mais pas moins de quatre pages) dans laquelle les connecteurs logiques ne manquent pas et vous guident dans la compréhension des articulations du traitement de la question. C’est comme le fond d’écran sur la base duquel votre prise de parole s’effectue et cela participe à sa valeur, à sa capacité à s’assumer, à ne pas se dérober à la dimension porteuse de toute prise de parole humaine. Il faut vous donner les moyens d’y croire, trouver une assise, un espace de soi à soi solide, ce qui vous permettra de gagner en assurance, en ipséïté (puisque finalement c’est de cela qu’il est question). Ceci n’est ni plus ni moins que la clé de cette épreuve: l’ipséïté. Trouver dans votre prise de parole un ancrage parhésiastique au regard duquel vous « savez » que vous avez raison. Un excellent exemple d’ipséïté oratoire est le discours de Greta Thunberg à l’ONU. « How do you dare? » Comment osez-vous? Demande-t-elle aux dirigeants des pays les plus puissantes et les plus pollueurs de la planète. De quoi être intimidée, mais elle ne doute pas qu’il existe bel et bien à partir duquel une adolescente est légitime à poser cette question à Donald Trump, Vladimir Poutine, etc. 



c) Les dix minutes d’entretien

Ici encore la mentalisation ou le conditionnement sont essentiels. Il convient de vous convaincre à tout prix qu’aucune question n’est dirigée « contre » vous,  parce que ce sera bien le cas. Deux choses sont primordiales ici:

  • les distinctions conceptuelles: si vous avez bien travaillé, vous avez mis à jour des distinctions entre des concepts « Moi et Je », par exemple, « langue et parole », « romance et romantisme », « violence symbolique et violence factuelle », etc. Vous n’avez pas nécessairement eu le temps de les expliquer suffisamment, donc votre examinateur peut vous inviter à le faire.  Évidemment il s’agit d’évaluer votre connaissance du cours ou votre préparation, ou les deux. Mais c’est une incitation et pas une sanction. Il n’y a pas de mauvaise intention. 
  • Les articulations: Il faut absolument que les 5 minutes aient développées une argumentation mais il est possible que vous soyez contenté d’un « donc », ou d’un par conséquent qu’il va maintenant s’agir de justifier. On peut dire que dans les 5 minutes, vous avez suivi la motivation de votre intéressement. Vous avez choisi cette question là et il y a probablement dans votre traitement et dans votre réponse des « traces de subjectivité », des choix, des motifs personnels qui sont entrés en compte. Ici l’enseignant de spécialité va vous « éprouver »: n’y-a-t-il que ça? Si la réponse est oui, c’est ennuyeux. L’examinateur va manifester le souci de se retrouver en tant qu’enseignant de telle discipline dans ce que vous dites. C’est aussi dans ce moment là qu’intervînt le plus cette donnée fondamentale de l’examen, c’est que c’est vous qui avez choisi le terrain, un peu comme Napoléon à Austerlitz (importance du plateau de Pratzen). Ce n’est pas qu’il faille voir tout cela comme un affrontement, mais il y a bel et bien « notation ». Vous avez choisi le lieu de votre intervention et, en effet, ici, il n’est pas faux de soutenir que l’enseignant de spécialité va quand même tester votre défense.


d) Les 5 dernières minutes

Il ne faut pas nécessairement « souffler » ou « baisser la garde ». Même si l’entretien prend à ce moment un tournant plus personnel (je vous) . Les examinateurs et examinatrices vont quand même évaluer une cohérence, une implication. Qu’est-ce que ces trois années de lycées vous ont apporté? En quoi ont-elles orienté votre choix?  Il n’est pas question de faire semblant, ni de se retrancher derrière des formules d’usage qui finalement ne veulent rien dire. Cela intéresse les enseignants. VRAIMENT! La règle à bien garder en tête ici consiste à réaliser que les examinateurs essaient de voir dans quelle mesure le secondaire vous a quand même doté des moyens de comprendre ce qui vous arrive, de vous situer en tant que futurs travailleur, que citoyen, qu’hêtre humain. Avez-vous gagné un certain recul, un moyen d’analysé votre situation? C’et très intéressant ici: quelque chose de la Skholé pointe le bout de son nez. Vous vous êtes comportée comme une ou un élève, pendant trois ans, mais qu’y avait vous gagné en tant que personne, en tant qu’être humain dans votre choix de carrière et éventuellement dans vos options de vie?




3) la difficulté de cette épreuve

Comme il a été dit, cette épreuve ne ressemble à aucune autre. Sa difficulté fondamentale tient dans sa brièveté et dans l’exigence de « mise à niveau » du propos développé, c’est-à-dire du fait qu’un non-spécialiste vous écoute et vous évalue. Dans quelle mesure ne conviendrait-il pas, par conséquent de ne pas aller trop loin, puisque on nous demande de faire court et pas trop spécialisé? NON! Il faut vraiment se méfier de cette tentation: c’est justement parce que vous travaillez beaucoup et en profondeur que vous parviendrez à une clarté authentique.  C’est le piège absolu de cet examen: croire qu’il faut s’engager dans la voix de la facilité sous prétexte qu’il soit nécessaire de « vulgariser ». Ce dernier terme est fallacieux et à tous égards dangereux. Éradiquez le de votre préparation et de votre esprit. Il n’est pas question de vulgariser quoi que ce soit. Miser plutôt sur une forme d’enthousiasme maitrisé pour mener à bien cette épreuve qui teste, plus que tout, votre aptitude à embarquer un auditoire (pas facile) dans un champ de questionnement choisi par vos soins.




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