lundi 22 mars 2021

Cours en distanciel du 22/03/2021 Tle 1 (15h- 16h) et Tle 3 (16h - 17h30)

   


Nous allons profiter de cette semaine en distanciel pour préparer l’épreuve de bac blanc de lundi prochain. Cela signifie qu’un exercice vous est proposé à la fin de la séance d’aujourd’hui. Il est « facultatif » parce qu’il m’est évidemment impossible de savoir dans quelles conditions chacune et chacun de vous traiterez ces questions. Si vous voulez vraiment vous entraîner, le mieux  à faire est évidement de vous imposer à vous-même de le rendre. L’exercice sera noté (coefficient 1). Il faudrait me l’envoyer à mon adresse mail (pas sur pronote) si possible dés ce soir, en considérant que vous disposez à peu prés du temps qu’aurait duré la séance en présentiel. Je ne corrigerai pas les travaux qui me seront envoyés avec un retard dépassant les 24h.
    


Bonne séance de travail!  (et donnez de la viande crue au sergent chef...ça le calme un peu des fois)


Je vous propose de travailler sur les trois sujets suivants:

Sujet 1:

Puis-je dire de mon existence qu’elle ne m’engage à rien?

Sujet 2:

Peut-on se « payer de mots »?

Sujet 3:

Expliquez le texte suivant:

        "Il est dans la nature même des régimes totalitaires de revendiquer un pouvoir sans bornes. Un tel pouvoir ne peut être assuré que si tous les hommes littéralement, sans exception aucune, sont dominés de façon sûre dans tous les aspects de leur vie. [...] Toute neutralité, toute amitié même, dès lors qu'elle est spontanément offerte, est, du point de vue de la domination totalitaire, aussi dangereuse que l'hostilité déclarée : car la spontanéité en tant que telle, avec son caractère imprévisible, est le plus grand de tous les obstacles à l'exercice d'une domination totale sur l'homme. [...]
    Ce qui rend si ridicules et si dangereuses toute conviction et toute opinion dans la situation totalitaire, c'est que les régimes totalitaires tirent leur plus grande fierté du fait qu'ils n'en ont pas besoin, non plus que d'aucune forme de soutien humain. Les hommes, dans la mesure où ils sont plus que la réaction animale et que l'accomplissement de fonctions, sont entièrement superflus pour les régimes totalitaires. Le totalitarisme ne tend pas vers un règne despotique sur les hommes, mais vers un système dans lequel les hommes sont de trop. Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un monde de réflexes conditionnés de marionnettes ne présentant pas le moindre soupçon de spontanéité. Justement parce qu'il possède en lui tant de ressources, l'homme ne peut être pleinement dominé qu'à condition de devenir un spécimen de l’espèce animale homme."
 
Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, 1951,


La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question."

Contrairement à l'épreuve elle-même, vous allez travailler ces trois sujets conjointement (cela vous permettra de réviser plus de notions).

1) Lire attentivement les sujets (saisir le problème, mobiliser vos connaissances)
        a) Sujet 1
                  

Puis-je dire de mon existence qu’elle ne m’engage à rien? La difficulté de ce sujet est assez évidente: on se sent engagé(e) à l’égard d’actions que l’on a voulues, mais aucun de nous n’a voulu exister. En même temps, on ne voit pas du tout comment nous pourrions nous engager dans telle ou telle action de notre existence sans exister d’abord.  Personne ne peut s’engager dans quoi que ce soit sans exister d’abord mais cette existence en elle même, c’est-à-dire le fait d’exister, personne ne peut l’avoir voulu préalablement, puisque il n’y a pas de « préalablement » à cette donnée là. Comment ne pas se sentir engagé(e) par ce fait d’exister puisque c’est un « fait » et que justement je ne peux pas m’y soustraire (même si on se tue, on ne peut se tuer qu’en existant d’abord) mais en même temps la nature même de ce fait, c’est-à-dire sa réalité indiscutable, non négociable, irrécusable (c’est une réalité « pure » et sans aucune marge de manoeuvre, c’est « comme ça ») nous interdit de poser la moindre possibilité de faire usage de libre arbitre à l’égard du « fait » de mon existence.

        b) Sujet 2
            La difficulté de ce sujet réside dans le fait qu’il consiste à approfondir le sens d’une expression de la langue française. « Se payer de mots », c’est exprimer de belles paroles qui finalement ne visent et n’aboutissent à aucune action. On parle beaucoup mais on ne fait rien, on utilise ce que l’on pourrait appeler la virtualité de la langue, c’est-à-dire le fait qu’un mot n’est pas une chose ou une action pour demeurer en marge du réel, dans une dimension possible et floue au sein de laquelle rien ne se décide. « Se payer de mots », c’est être un « beau parleur » qui maîtrise parfaitement l’art de faire semblant: on se complaît dans l’évocation ou la simple formulation de thèses ou d’hypothèses qui jamais ne feront advenir quoi que ce soit de réel. Bref on abuse de cette dimension de la langue de pouvoir créer des « énoncés » qui restent « lettre morte ». Peut-être avez vous déjà ressenti ce sentiment devant une personne qui parle beaucoup mais qui n’agit pas, ou peu. On peut alors éprouver l’impression d’une forme d’inutilité, voire de non-sens. Raymond Queneau dans son livre : Zazie dans le métro » décrit un Perroquet appelé Laverdure qui interpelle chaque visiteur avec la formule suivante: « tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire! » C’est ça: se payer de mots.
                

Mais s‘il y a un sujet, c’est qu’il y a un problème et que la réponse à cette question peut être « non ». On croit que « l’on peut se payer de mots » mais on a tort parce que « parler » n’est pas du tout anodin et encore moins "insignifiant ». On réalise ainsi le problème grâce à ce terme: « insignifiant ». Comment en effet pourrait-on considérer que l’acte même d’utiliser une langue composé de « signifiants », définie par la puissance de créer du sens puisse être insignifiant ou inutile? Utiliser des mots, c’est nécessairement « agir », c’est consciemment ou pas faire signe de quelque chose. Il se peut que Laverdure ait raison et que l’Humain, tout être humain, ne sache que « causer » mais cette caractéristique là n’est pas du tout vaine, absurde ou non significative.
          

Il va falloir que l’on réfléchisse constamment à cette expression. Se payer de mots, c’est s’en contenter de parler, « noyer le poisson », « donner le change » c’est-à-dire faire illusion, utiliser la capacité de diversion des mots pour donner l’impression qu’on est compétent alors qu’on ne l’est pas. Mais attention: se payer de mots ne signifie pas explicitement « mentir », ce n’est pas « manipuler » même si on peut tirer un certain avantage de cette capacité là. C’est plutôt rester toujours au seuil de l’action véritable, utiliser la puissance de mots pour ne jamais s’engager. C’est parler pour ne rien dire. Par conséquent la réponse négative suppose que parler fût-ce de tout et n’importe quoi dit toujours quelque chose, fût-ce à l’insu de celle ou celui qui parle. Parler est une action qui ne pourrait (si l’on répond « non ») en aucune façon être assimilée à de l’insignifiance, c’est un acte qui veut dire, même quand on ne dit rien de concret ou de décisif, quelque chose de décisif et d’important s’y « dit », en fait.
        c) Sujet 3
            On réalise immédiatement que Hannah Arendt évoque dans le texte le totalitarisme et son rapport à l’Humanité. Il faut lire et relire le texte jusqu’à ce que le sentiment de son "Unité" ne fasse pas le moindre doute dans notre esprit. Peut-on pointer au cours de ces premières lectures des passages plus difficiles que d’autres?
         

  « Toute neutralité, toute amitié même, dès lors qu'elle est spontanément offerte, est, du point de vue de la domination totalitaire, aussi dangereuse que l'hostilité déclarée : car la spontanéité en tant que telle, avec son caractère imprévisible, est le plus grand de tous les obstacles à l'exercice d'une domination totale sur l’homme. »:  Hannah Arendt est la philosophe qui a le plus parlé du Totalitarisme, lequel définit un mode de domination qui exclue le politique, au sens que nous avons évoqué à plusieurs reprises dans le cours, à savoir cette prise d’initiative collective par laquelle une communauté d’hommes, par la parole et par l’action, font advenir des évènements humains dans le monde. Si la politique, c’est la liberté, le totalitarisme c’est la fin du politique. Dans ce passage, Hannah Arendt pointe la spontanéité comme la qualité proprement humaine que le totalitarisme essaie d’annihiler entièrement. Pourquoi? Parce que la spontanéité désigne la capacité à faire advenir un acte  ou une pensée de soi-même comme l’indique bien l’étymologie: « sponte sua »: « de son propre mouvement ». La spontanéité humaine désigne la puissance de l’homme de faire émerger du non prévu, de l’inattendu, de l’improgrammable dans un monde naturel où ne s’effectuent que des processus, des rapports aveugles et prévisibles entre des causes et des effets. Dominer l’homme, c’est lui imposer un régime tel qu’il ne puisse plus y insinuer de la spontanéité, de la liberté.
          
L’indifférence, l’hostilité, la méfiance à l’égard des autres sont des processus, des modalités de rapport aux autres qui s’installent progressivement, aveuglément, inexorablement et qui s’installent si nous ne faisons rien. L’amitié  est imprévisible, irrationnelle, nouvelle. Elle porte en elle quelque chose de spontané et donc d’humain.
        La même analyse peut être menée à l’égard de la conviction et de l’opinion. Peut-on envisager l’exercice d’un pouvoir tellement total et pur qu’il s’effectue en tant que « pouvoir » c’est-à-dire jusqu’à ne pas même consister en un pouvoir humain sur des humains, mais du « pouvoir », et c’est tout. Qu’un pouvoir puisse se tenir du simple fait d’être lui-même et en aucune manière d’un quelconque effet de soutien ou d’adhésion de la population à laquelle il s’applique sans discernement, « purement ». Le totalitarisme c’est de l’arbitraire à l’état pur, du commandement qui n’attend pas qu’on lui dise « oui » mais qui s’adresse à des hommes ne disposant pas de la moindre marge de discussion, de retrait, d’examen à l’égard des ordres. Il y a donc quelque chose de purement fonctionnel dans ce qui, du peuple dominé est travaillé, transformé, voulu par le totalitarisme.
                  
  Historiquement, tout ce texte fait légitimement penser au programme mis en oeuvre par Hitler et Philipp Bouhler appelé « Aktion T4 » (voir éventuellement l’excellent article de Wikipédia sur cette opération) qui eut pour effet d’exterminer 80000 handicapés physiques et mentaux en Allemagne de 1939 à 1941.  Si un individu est considérer comme déficient et ne peut rien apporter au 3e reich, il n’est d’aucune utilité:
« Si l'Allemagne devait avoir un million d'enfants par an et se défaire des sept cent ou huit cent mille les plus faibles d'entre eux, il en résulterait peut-être finalement un accroissement général de notre force. »  Adolf Hitler, 1929
        Hitler ne s’est pas contenté de ce « peut-être ». Les supposées « anomalies » ou « imprévus » ne peuvent être admises au sein d’un système aspirant à un pouvoir absolu. Il n’y a pas que les supposées anormalités physiques ou mentales qui posent problème à l’exercice de ce pouvoir mais tout ce qui finalement est du ressort de l’Humain. Le totalitarisme désigne un régime dont l’objectif est de parvenir à une hétéronomie radicale sans la moindre prise d’initiative d’un membre de la population. Or l’humanité se définit précisément par cette prise d’initiative. Par conséquent tout totalitarisme se définit comme processus ayant pour finalité d’éradiquer de l’homme tout ce qu’il a d’humain pour le réduire à ce que Hannah Arendt appelle l’animalité mais que l’on devrait plutôt définir comme fonctionnalisme ou automatisme. Jusqu’à quel point peut-on réduire un ensemble d’être humains à la dynamique purement processuelle de fonctions automatiques ?
        Mais qu’est-ce qui définit le totalitarisme? Trois caractéristiques essentielles que l’on trouve aussi bien dans le 3e Reich que dans le livre de Georges Orwell « 1984 »
- La négation de tout individu au sein d’un ensemble comme valant davantage qu’à titre de partie d’un Tout.
- La capacité du pouvoir d’exercer sa domination non seulement dans la sphère publique mais aussi dans la vie privée du citoyen (lequel peut être dénoncé au sein même de sa famille comme un traître à sa cause)
- La mise en place d’une propagande visant à imposer un culte de la personnalité par le biais duquel toute une population est vouée à vénérer un dictateur

 

Questions à rendre aujourd'hui (demain dernier délai)

Pour la  Terminale 1: séance d’une heure
1) Pour les sujets 1 et 2
Formulez très précisément le problème posé par la question. Vers quelle contradiction l’énoncé du sujet essaie-t-il de vous orienter? Donnez un exemple de cette contradiction observable dans la vie de tous les jours et citez des références qui vous semblent utilisables pour le traitement du sujet.

2) Pour le sujet 3
 Expliquez les deux dernières phrases du texte:
Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un monde de réflexes conditionnés de marionnettes ne présentant pas le moindre soupçon de spontanéité. Justement parce qu'il possède en lui tant de ressources, l'homme ne peut être pleinement dominé qu'à condition de devenir un spécimen de l’espèce animale homme."
 Formulez l’idée essentielle du texte de Hannah Arendt.

               




Terminale 3:  séance 1h30
1) Pour les sujets 1 et 2
Formulez très précisément le problème posé par la question. Vers quelle contradiction l’énoncé du sujet essaie-t-il de vous orienter? Donnez un exemple de cette contradiction observable dans la vie de tous les jours et citez des références qui vous semblent utilisables pour le traitement du sujet.

2) Pour le sujet 3
 a) Expliquez les deux dernières phrases du texte:
Le pouvoir total ne peut être achevé et préservé que dans un monde de réflexes conditionnés de marionnettes ne présentant pas le moindre soupçon de spontanéité. Justement parce qu'il possède en lui tant de ressources, l'homme ne peut être pleinement dominé qu'à condition de devenir un spécimen de l’espèce animale homme."
 b) Formulez l’idée essentielle du texte de Hannah Arendt.

3) Vous travaillerez, cette semaine les trois sujets conjointement, mais évidemment pour le bac blanc et pour le bac tout court, vous en choisirez un. Désignez le sujet que vous sélectionneriez si vous passiez cette épreuve de baccalauréat et justifiez votre choix.  Evoquez, même rapidement les idées, les arguments que vous envisagez d’utiliser dans la perspective de la construction d’un plan et, pour le sujet choisi proposez en un, même minimal.



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