Méthodologie de la dissertation
(Sujet 1 et 2 du baccalauréat)
- Introduction
- Cette première partie a déjà été développée
- Plan
a) Plan dialectique
Il s’agit d’utiliser de façon un peu simpliste l’opposition entre la réponse positive et négative dans les deux premières parties. Ce n’est pas compliqué mais cela crée souvent un effet vraiment détestable dans l’articulation des deux « blocs ». Ce retournement ne doit pas être présenté ni perçu comme une contrainte de pure méthode. Si ce plan là est possible c’est parce que le sujet s’y prête. Cela suppose a) que vous avez déjà une idée de ce qui explique logiquement le passage du oui au non. Il faut que ce soit une remarque de fond qui tient à la nature de CE sujet et pas du tout à un élève de terminale qui applique aveuglément son plan (après avoir vu la partie sur le oui nous allons voir la partie sur le non: ce type de phrase sera vraiment sanctionnée) b) que vous savez déjà quelle est votre « réponse ». Évidemment il n’y a pas de réponse objective, mais normalement après presque un mois passé à réfléchir sur ce sujet, vous commencez à voir quelle position, quel auteur, quel argument l’emporte pour vous. Si c’est le oui. Vous commencerez par un oui « petit » qui sera dépassé par un non plus convaincant avant que lui-même se fasse dépasser par un OUI plus approfondi. Il est vivement conseillé qu’à aucun moment vous n’utilisez ces termes dans la dissertation. Il n’y a pas de partie « oui » ou « non »; il y a des thèses argumentées qui ‘affrontent.
b) Plan progressif
C’est un plan plus subtil, plus difficile mais qui vous permet de faire à peu prés la même chose de façon plus travaillée, plus pensée « en amont ». On réalise assez vite qu’il y a plusieurs façons de travailler le sujet. Par exemple, « Suis-je ce que mon passé a fait de moi? » 1) Comment être soi-même dans le temps? 2) Peut-on échapper à son passé? 3) Dans quel temps vivons nous, en fait ? La réponse à la question ne dépendrait-elle pas de la réalisation par le moi du temps dans lequel nous sommes?
Il est assez clair que la partie 1 va traiter plus spécifiquement de l’identité, la partie 2 de l’opposition entre le déterminisme et la liberté et la partie 3 de la temporalité. Dans chaque partie le sujet est traité mais en même temps, il y a un approfondissement qui devrait nous permettre d’arriver à des développements plus affûtés, avec des auteurs plus difficiles (Nietzsche à la fin).
Il y a plusieurs points vraiment cruciaux à prendre en compte à prendre en compte dans la construction du plan: a) Que chaque partie traite le sujet sans se répéter (ce n’est pas du tout facile à faire, surtout dans le plan progressif) b) Que les parties et les sous parties s’enchaînent logiquement 3) que vous disposiez d’auteurs dans chaque partie (attention, il est tout à fait possible d’utiliser le même auteur dans le oui et le non: Freud semble vraiment être dans le oui, en un sens, mais la psychanalyse est une thérapie grâce à laquelle nous pouvons nous détacher d’un souvenir du passé qui nous torture).
3) Développement et Ecriture
Il faut rappeler que le jour de l’épreuve du baccalauréat, vous aurez le choix entre deux sujets de dissertation et un texte à expliquer. Il y a un critère décisif à prendre en compte dans le choix du sujet, c’est celui de votre capacité à discerner qu’il y a un problème dans ce sujet et même si vous ne le voyez pas encore (parce qu’il faut du temps) vous vous rendez compte que c’est le genre de question dont on ne sort jamais vraiment. Si la réponse vous semble facile et finalement tranchée, c’est nécessairement que vous êtes en train de vous égarer et il ne faut pas prendre ce sujet là. Bref on ne choisit un sujet que parce que l’on comprend avec plus ou moins de clarté qu’il y a VRAIMENT de quoi faire. C’est une question qui est un peu comme un missile nucléaire à tête chercheuse et la tête chercheuse, c’est VOUS!
Qu’est-ce que cela veut dire concrètement? Qu’un sujet « bouge », qu’il n’est jamais statique, qu’il n’est jamais simplement « là », posé. Dans tout sujet de philosophie, il y a des « strates ». Pour illustrer cette dimension infinie de tout sujet de philosophie, on peut sur celui-ci approfondir le point suivant: C’est un sujet qui finalement pose la question « qui suis-je? » Et nous invite à poser cette question dans les trois dimensions du temps passé présent futur. Or il ne fait aucun doute que si l’on se concentre sur cette perspective identitaire, la réponse est forcément oui, parce qu’il n’y a qu’au passé que je retrouverai un autoportrait fixe, posé, identifiable de mon moi. MAIS ne suis-je que mon MOI? Et que veut dire Nietzsche quand il affirme « deviens ce que tu es. » ? Ne suis-je pas en train d’être tout le contraire de ça, c’est-à-dire précisément cette fuite un peu démente, indéfinissable, mobile, mutante dans le flux de laquelle il me faut consentir au fait que je n’ai aucune idée de ce que je suis en train de devenir? Il est une idée que l’on retrouve chez Nietzsche et qui est connue comme décrivant « l’éternel retour ». La thèse défendue ici peut sembler vraiment dans un premier temps se situer dans le « oui » mais sa justesse indépassable apparaît vraiment quand on réalise qu’elle est plutôt dans le NON. Mais il se trouve que cette pensée nous impose de nous situer dans une autre conception du temps que chronologique (passer présent futur ». Quand on dispose ainsi d’une idée qui dépasse totalement le cadre de pensée dans lequel on s’est situé jusqu’à maintenant et au sein de laquelle on voit se détacher une réponse possible, on peut être sûr que l’on possède son tout dernier argument et on sait comment notre dissertation va finir. Un plan a souvent besoin de connaître à l’avance son tout dernier moment pour organiser rétrospectivement et efficacement les parties et sous-parties.
Le style d’écriture d’une dissertation philosophique est totalement extérieur à toute dimension privative, personnelle, intime. Nous avons toutes et tous notre passé, mais ce n’est évidemment pas le rapport personnel que nous entretenons avec nos souvenirs privés qui est ici interrogé. C’est la raison pour laquelle on doit privilégier des pronoms impersonnels grâce auxquels notre réflexion en quitte jamais une dimension universelle, humaine et même si on dit « je », ce « je » n’est pas « moi ».
L’utilisation de connecteurs logiques est indispensable parce que rien ne peut être avancé gratuitement. La vraie différence avec les discussions courantes, c’est l’interdiction de toute auto-affirmation. Quelque chose justifie que vous puissiez avancer cela et cette chose, c’est ce que vous dites avant ou après mais il y a une raison, un enchaînement et aucune phrase ne peut se détacher de ce « maillage » là. Cela doit être visible dés votre plan qui sera d’autant plus efficace qu’il sera détaillé, ce qui veut dire qu’il se compose des parties, des sous parties, des auteurs et des exemples utilisés ET des transitions de partie à partie de sous-partie à sous partie.
Par exemple, supposons que vous avez consacré votre dernière sous partie de la partie 1 dans laquelle vous affirmez que notre identité ne peut se constituer que par le moi passé à la vengeance. Il va falloir penser aux phrases de transition grâce auxquelles nous pouvons passer de la vengeance à une autre partie et sous partie dans laquelle au contraire je ne suis pas ce que le passé a fait de moi. Or ce qui caractérise la vengeance, c’est l’obsession (après tout nous pourrions définir les super héros par un diagnostic psychiatrique, Batman est victime de névrose obsessionnelle). Se venger, c’est constituer autour d’un évènement du passé un processus de fixation identitaire, processus dont on peut saisir les ressorts parce que de fait cet évènement fut douloureux, traumatisant, injuste, mais c’est aussi un processus de fermeture à la déhiscence de l’instant présent, c’est-à-dire au fait qu’il est, par sa structure temporelle, contingent, improgrammable, aléatoire, inédit, inénarrable. Il faudrait s’interroger sur la nature vraiment aventureuse de ces héros qui sacrifie à l’impératif de cette fixation sur le passé le mouvement de ce devenir grâce auquel déjà un avenir « autre » s’ouvre.
Il convient vraiment de s’interdire toute digression et surtout tout verbiage, tout étalage gratuit de culture. Il faut prendre soin de supprimer toute formulation empreinte de " méta-discours". Qu’est-ce que c’est? C’est lorsqu’on dit ce qu’on fait au lieu de le faire. L’exemple type de méta-discours vraiment grave peut consister dans la formule: « tout ceci nous amène à nous poser la problématique suivante » 1) C’est une façon de ne pas faire ce que vous prétendez faire car le « tout ceci » est une formule assez globale et trompeuse pour ne pas exposer ce qui du propos précédent pose la question à venir. 2) Vous vous écartez de l’écriture chercheuse pour dire: « regardez ce que je fais ». Non, les correcteur.trice.s ne regarderont pas, ils et elles remarqueront que vous êtes ailleurs que dans le travail actif de problématisation. Nous n’avons pas le temps de faire des phrases pour rajouter des lignes ou pour se regarder en train d'écrire. L’intensité que vous serez capable d’insuffler à votre écriture en la maintenant dans une démarche constante d’approfondissement du problème sera probablement le critère déterminant de votre note.
4) La conclusion
« La bêtise consiste à vouloir conclure » dit Gustave Flaubert et nous faisons tout notre possible pour ne pas trop sombrer dans la bêtise. Mais Flaubert évoque toues ces personnes qui expriment un avis tranché sur toute chose. D’autre part, il faut bien vous arrêter et vous pouvez le faire sans nourrir la prétention d’avoir épuisé le problème, ce qui, en effet, est impossible. D’ailleurs suis-je en cet instant ce que le passé a fait de moi???? Donc, il convient d’être logique, si vous avez bien compris ce que doit être dissertation vous avez dit ce qui vous semble le plus juste, le plus puissant, le plus subtil dans votre toute dernière sous-partie. Vous n’avez qu’à en reprendre la thèse en insistant sur ce qui d’elle traite la question de la façon la plus convaincante. Mais cela sera l’objet du 2e moment de votre conclusion.
Le premier sera consacré à une sorte de récapitulation des moments cruciaux, des carrefours que vous avez traversés, exactement comme un trajet que vous décririez sur une carte: « nous sommes partis de la thèse selon laquelle, etc. » Ensuite vous reformulez précisément le tout dernier argument. Si c’est l’éternel retour de Nietzsche il faudra bien expliquer pourquoi il répond au problème. Il n’y a pas d’ouverture à faire vers d’autres questions à la conclusion.
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