lundi 3 mai 2021

Terminale 1/2/3 - Aide pour le prochain DM: Faut-il croire aux institutions?

 Faut-il croire aux institutions?


        Si l’on essaie de trouver une définition de  l’institution, on trouve le plus souvent une notion d’organisation. Une institution, comme le dit Virginie Tournay dans l’article qu’elle consacre à la sociologie des Institutions dans Cairn-info,  c’est une structure organisée ayant pour fonction de faire tenir un état social. Etymologiquement in-stituere est la contraction de in-statuo qui signifie « placer dans », installer, établir, instaurer. Il s’agit donc finalement de rendre stable plutôt que de consolider. 

            De ce point de vue, il peut être éclairant de distinguer institution et constitution. Dés que l’on parle de ce dernier terme, on renvoie à une déclaration de principes auxquelles une assemblée voire un peuple décide ou pas d’adhérer. On signe une constitution parce que l’on est d’accord avec les principes au nom desquels la nation sera formée, l’esprit dans lequel elle sera régulée, légiférée.  La constitution attend de nous une forme d’accord, de consentement,  pas l’institution dont la fonction est de trouver le point d’équilibre qui permettra de parvenir à une stabilité. Le terme même d’institution semble faire référence à une forme de rigidité, de rigueur, sans laquelle il serait impossible de faire tenir une population ensemble. Constituer, c’est former, composer, rassembler alors qu’instituer induit un certain rapport au temps. On a l’impression qu’autant  constituer désigne l’acte de réunir dans l’espace (du territoire de l’Etat), autant l’institution sous entend la capacité à faire durer dans le temps. L’accord avec une constitution est donc plus ponctuel, plus décidé. C’est l’instant de la décision de dire oui qui est visé, en un sens alors que l’institution est plus complexe parce qu’il s’agit de s’imposer dans l’esprit et le corps des administrés  de telle sorte que l’Etat pourra compter sur ce qui est instituer comme sur le pilier grâce auquel il tient. 

        C’est exactement la nuance d’intériorisation suggérée par le préfixe « in ». L’institution c’est « l’Etat dans les gens », c’est la capacité d’une structure organisée à s’insinuer suffisamment au coeur même de la personne morale et physique du citoyen qu’elle se donne ainsi le support d’une assise humaine. Toute institution part donc d’une forme de postulat: celui selon lequel il est possible de s’inscrire dans ce que l’on pourrait appeler le matériau humain d’une population, dans cette matière première là que sont « les hommes » avec tout ce qui de l’être humain peut éventuellement s’opposer à toute stabilité, à savoir les pulsions, les passions, les sentiments, les affects changeants, etc, de telle sorte que l’équilibre d’un état ou d’une paix civile puisse durer.
        Par conséquent, l’institution se définit par le mouvement d’un double processus dans la mesure où l’institution, une fois posée, est un processus, mais aussi parce que le mouvement même au fil duquel elle se pose est processuelle. Peut-être l’institution désigne-telle en fait l’inachèvement même du processus au fil duquel elle s’insinue dans l’esprit et le corps du citoyen comme la nécessité d’un acte de confiance jusqu’à finalement ne tenir que par ce fil qui est celui de la croyance, du crédit qu’on lui fait.
        Nous croisons ainsi la notion de confiance, fides en latin, qui désigne la foi, la confiance. De quoi sont faites les institutions, en réalité?  De lois, de cadres rigides et austères qui n’attendraient de nous que ce qu’elles nous imposent, à savoir de la constance, de l’obéissance, de la soumission? Ou bien plutôt du crédit voire de la foi? Est-ce un lien de croyance, un rapport de confiance par le biais duquel nous misons sur elles qui nous fait adhérer aux institutions ou bien plutôt une évidence rationnelle forte et froide pure expression d’une Raison raisonnante, comme si l’institution était le seul résultat exact de l’équation du gouvernement des peuples?

                 



        Il est trois points sans lesquels il serait impossible de mener à bien une réflexion problématique quelconque sur la notion d’institution:

 
- Les institutions « sont ». C’est un fait, mais ce n’est pas parce qu’elles sont que le rapport qui nous lie à elles est clair. Nous ne savons pas bien de quelle nature est la relation que nous nouons avec elles: est-ce de la confiance, de la foi, du crédit, ou bien de la soumission par rapport à quelque chose qui nous force ou bien de la raison par rapport à une évidence qui nous apparaît comme le bon résultat d’une opération mathématique. 

 
- Elles sont investies d’une dimension temporelle plus que spatiale. Elles décrivent une forme de continuité dans la durée. Et par conséquent il nous faut réfléchir sur ce qui peut fonder en nous, alimenter cette continuité. Comment la stabilité d’un état peut elle se couler, s’insinuer dans une continuité d’affects. De quelle nature est exactement la stabilité des institutions? Est-ce celle d’un flux ou d’une fixité est-ce un courant qui dure ou une éternité figée qui demeure?


- « La pesanteur et la grâce »: on peut reprendre le titre de ce livre de la philosophe Simone Weil et l’appliquer exactement à cet objet que sont les institutions parce qu’elles tiennent tout à la fois de la pesanteur en ceci qu’elles nous maintiennent sous un certain joug, mais peut-être encore davantage qu’elles s’imposent à nous avec toute la pesanteur d’une nécessité radicale. De fait qu’est-ce qui contrarie le plus manifestement et efficacement une institution? Une révolution et nous constatons que les révolutions ne se prennent jamais elle-mêmes pour leur propre fins. Elles ne renversent certaines institutions que pour en ériger d’autres. Il y a dans l’institution une forme réitérée de stabilisation, c’est-à-dire un exercice de restitution permanente. C’est la restitution permanente plutôt que la révolution permanente. C’est comme la marche laquelle ne consiste que dans un déséquilibre contrôlé. On n’avance qu’en se reprenant, qu’en faisant porter tout le poids du corps d’une jambe à l’autre dans l’exercice risqué d’une fuite en avant qui tôt ou tard devrait aboutir à la chute. Marcher c’est brinquebaler c’est miser sur l’avancée en jouant plutôt des à-côtés, des déplacements latéraux. On passe de droite à gauche en visant de se déplacer devant. Il y a donc aussi l’émergence d’une forme de grâce dans les institutions, lesquelles sont quasi-miraculeuses. Faut-il croire aux institutions comme au miracle d’un commencement de stabilité humaine dans un monde de processus naturels? Les instituions sont tout aussi miraculeuses que rigoureusement nécessaires. C’est ce paradoxe là qu’il convient alors de tenir.

        




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