lundi 10 mai 2021

HLP Terminale: l'épreuve du grand oral (décrypter les termes du Bulletin Officiel)

 


Voici l'extrait du BO dans lequel sont décrites les conditions de l'épreuve du grand oral:

 Premier temps : présentation d'une question (5 minutes)
Au début de l'épreuve, le candidat présente au jury deux questions.
Ces questions portent sur les deux enseignements de spécialité soit pris isolément, soit abordés de manière transversale. Elles mettent en lumière un des grands enjeux du ou des programmes de ces enseignements. Elles sont adossées à tout ou partie du programme du cycle terminal. Pour les candidats scolarisés, elles ont été élaborées et préparées par le candidat avec ses professeurs et, s'il le souhaite, avec d'autres élèves.
Les questions sont transmises au jury, par le candidat, sur une feuille signée par les professeurs des enseignements de spécialité du candidat et portant le cachet de son établissement d'origine.
Le jury choisit une des deux questions. Le candidat dispose de 20 minutes de préparation pour mettre en ordre ses idées et réaliser, s'il le souhaite, un support qu'il remettra au jury sur une feuille qui lui est fournie. Ce support ne fait pas l'objet d'une évaluation. L'exposé du candidat se fait sans note.
Le candidat explique pourquoi il a choisi de préparer cette question pendant sa formation, puis il la développe et y répond.
Le jury évalue les capacités argumentatives et les qualités oratoires du candidat.
Deuxième temps : échange avec le candidat (10 minutes)
Le jury interroge ensuite le candidat pour l'amener à préciser et à approfondir sa pensée. Il peut interroger le candidat sur toute partie du programme du cycle terminal de ses enseignements de spécialité et évaluer ainsi la solidité des connaissances et les capacités argumentatives du candidat.
Troisième temps : échange sur le projet d'orientation du candidat (5 minutes)
Le candidat explique en quoi la question traitée éclaire son projet de poursuite d'études, voire son projet professionnel. Il expose les différentes étapes de la maturation de son projet (rencontres, engagements, stages, mobilité internationale, intérêt pour les enseignements communs, choix de ses spécialités, etc.) et la manière dont il souhaite le mener après le baccalauréat.
Le jury mesure la capacité du candidat à conduire et exprimer une réflexion personnelle témoignant de sa curiosité intellectuelle et de son aptitude à exprimer ses motivations.
Le candidat effectue sa présentation du premier temps debout, sauf aménagements pour les candidats à besoins spécifiques. Pour les deuxième et troisième temps de l'épreuve, le candidat est assis ou debout selon son choix.

                Nous allons aujourd'hui nous concentrer sur les cinq premières minutes. J'ai souligné cette phrase qui concentre à elle toute seule toute la difficulté de ce moment:

 Le candidat explique pourquoi il a choisi de préparer cette question pendant sa formation, puis il la développe et y répond. 

Répondre à l'interrogation: "pourquoi ai-je choisi cette question?" ne signifie pas du tout qu'il faut raconter sa vie, ni l'état d'esprit personnel dans lequel vous vous trouviez à cette époque. Il est possible qu'un épisode de votre existence vous sensibilise davantage que vos camarades à telle ou telle notion. il mérite alors rapidement d'être évoqué, mais pas excessivement (parce que si vous approfondissez trop cette approche, cela sous-entendrait qu'un programme de HLP ne serait là que pour faire écho à votre vie privée, ce qui est évidemment faux). Un examen ne peut en aucune façon être l'occasion pour vous de vous épancher sur quelque chose de trop intime ou d'avouer quoi que ce soit sur un ton qui serait confidentiel.        

Ce "pourquoi?" est donc un piège dans lequel il ne faut pas tomber. On vous créditera largement de votre capacité à avoir trouvé intéressant ce qui ne peut que l'être aux yeux de tout enseignant, par conséquent, même si vous pouvez utiliser des pronoms personnels, il convient de ne pas se méprendre ou d'abuser de ce droit à la subjectivité. Aucun examen public ne peut complètement faire droit à des expériences personnelles (en tout cas qui ne se présenteraient que de cette façon). Plus cet intérêt sera bien argumenté et meilleure sera votre note. Il s'agit pour vous d'être sûr(e) que ce que vous présenterez comme "intéressant" l'est vraiment. Cet intérêt ne doit pas être joué, car l'esprit de cette épreuve n'est pas de rabâcher le cours, mais d'exprimer effectivement un "engouement", une résonance, une sorte de "déclic".

Puis il la développe

Développer une question semble ici désigner une dynamique de problématisation. Ce terme est difficile parce que problématiser en Histoire Géographie, en SES et en Philosophie ne désigne pas le même processus méthodologique. l'intitulé de votre question ne peut pas dépasser une certaine longueur. Tout n'y sera pas dit mais plusieurs notions n'y seront que suggérées ou implicitement contenues. Développer le questionnement signifie donc éclaircir la question de l'intitulé, formuler explicitement les notions, les sous entendus qui affleurent à l'interrogation, éventuellement donc les passages du cours qui se croisent et se télescopent dans ce questionnement. Ce passage est très important. Vos examinateurs se rendront parfaitement compte à cet instant de l'intensité forte ou faible du travail effectué en amont de l'intitulé. Disposez vous d'un regard suffisamment affûté et suffisamment cultivé pour avoir perçu ici ou là la profondeur d'une véritable interrogation, l'épaisseur d'un paradoxe, la complexité d'un processus qui ne va pas du tout de soi? Il convient absolument de ne pas répéter votre cours, tout en faisant parfaitement comprendre que ce sont bien les cours qui ont éveillé le questionnement. A l'occasion des séances de HLP, tel questionnement vous est apparu comme fondamental, crucial, intéressant et il vous a donné envie de le prolonger, de vous y investir. Pourquoi? Ici il convient de bien souligner l'attention qui fut la votre durant ces séances et l'intérêt qu'elles ont suscité en "vous", même si ce "vous" n'est pas celui de votre moi intime.

et il y répond

On mesure bien ici la différence entre la problématisation en philosophie et au grand oral. Maurice Blanchot a dit: "la réponse est le malheur de la question". Apparemment, ce n'est pas du tout l'esprit de cette épreuve. Il convient néanmoins de faire preuve ici d'une certaine subtilité. Puisque nous savons que dix minutes d'entretien vont commencer  à partir de ces cinq minutes de présentation, la "réponse" doit stimuler l'envie dans vos examinateurs de vous poser certaines questions et il est possible d'être suffisamment habile pour susciter des questions auxquelles vous saurez répondre parce que vous vous y attendez. 

On perçoit ici l'importance cruciale de cette pseudo réponse: elle doit être à la fois suffisamment claire pour clôturer le questionnement mais suffisamment énigmatique et insuffisante pour ouvrir des pans entiers d'interrogations. C'est un art de la stratégie militaire que de pouvoir prévoir les mouvements de l'ennemi en donnant l'impression que telle aile de votre armée est dégarnie alors qu'en réalité elle ne l'est pas. Napoléon à Austerlitz n'a pas cessé d'envoyer aux russes et aux autrichiens des signes de faiblesse apparente afin d'attirer et d'anticiper ainsi le déplacement des troupes ennemies. Les examinateurs ne seront pas vos ennemis mais il est certain que leur rôle sera de tester vos défenses, donc de répondre aux signes que vous leur enverrez afin de voir si vous y avez disposé des troupes, bref si vous avez du répondant. Ce moment doit être pensé par vous comme transitionnel. Il vous faut  susciter les questions qui vous arrangent, celle qui ne vous déstabiliseront pas. Il importe de créer ici le désir légitime de vos examinateurs d'approfondir les pistes dont vous savez bien qu'elles ne manqueront pas de se profiler à l'horizon de votre réponse, laquelle n'est, en un sens, que le prélude aux choses sérieuses.

  



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