vendredi 13 janvier 2023

Ecriture libre: "Cindy fête Noël" par Héloïse Nelaton

 


Je m’appelle Cindy j’ai 26 et je vis dans une maison mitoyenne avec mon homme mes deux prunelles de mes yeux et notre chien Zizou. 

Nous sommes le 24 décembre et aujourd’hui c’est la fête préférée de toute notre famille recomposée et décomposée : Noël. 

Comme mes deux petits bouts de chou d’amour que j’aime à l’infini me prennent un temps fou toute la journée, je n’ai pas encore eu le temps d’aller acheter les cadeaux. C’est vrai quoi, les poser sur notre canapé devant la télévision, la tablette et le téléphone portable à regarder les Marseillais, Tmtp, Pat’ Patrouille et jouer au dernier jeu de guerre car c’est ce que les enfants aiment, c’est pas tous les jours évidents. 

Alors ni une ni deux je grimpe dans l’auto avec mes deux enfants chéris, et direction la zone commerciale la plus proche. Ce que j’aime c’est offrir des cadeaux personnels, de valeurs, et qui sont fabriqués dans de bonnes conditions car en ce moment je vois beaucoup sur les publicités qu’il faut acheter des poupées végans car c’est bon pour les Ouïgours et le manque d’électricité. 


Je suis tellement pressée que je me gare à toute vitesse sur la dernière place de parking. J’ouvre la portière et mon petit Kevin s’écrase sur le goudron car il s’était détaché ce petit merdeux. J’ai pas le temps de le ramasser délicatement alors j’y vais pas avec le dos de la main morte et je le chope par la doudoune et j’le remets debout. Il saigne un peu et comme j’ai passé mon PSC1 quand j’étais au collège je lui fais un massage cardiaque et nous r’voila reparti en direction de chez Action. 



A Action, le paradis sur terre des supers magasins, il y a une queue énorme pour se procurer les dernières peluches supers à la mode. Alors comme j’suis pas du genre à me laisser courir sur le haricot, je prends mon sac à main H&M et je le balance dans les jambes de toutes les méchantes mamans qui veulent me voler mes cadeaux. Telles des Dominos elles se vautrent toutes les unes après les autres sur le carrelage blanc du magasin. Je cours comme une antilope en doublant le plus possible de famille en détresse, je fais des croches pieds aux personnes qui m’importunent et j’arrive devant le trésor de ma quête. Je saisis tout ce que je peux dans mon cadi, je rafle toutes les étagères remplies de Lego, de karaokés pour enfants, de jeux de sociétés du dernier cri, je ramasse au passage un ou deux enfants en pleurent que j’offrirais à ma sœur qui est stérile et n’a jamais pu en avoir.



Ensuite j’enchaîne Carrefour, Lidl, King Jouet et je dépense encore et encore de l’argent pour mon bon plaisir et je fais emballer des dizaines de cadeaux petits et grands par des employés qui travailleront jusqu’à 21h ce soir pour nous satisfaire (ils n’avaient qu’à pas louper leur bac). Des paquets défilent sous mes yeux, et je n’oublie pas de mettre les enfants larmoyants et fraîchement orphelins que j’ai péché sur le sol du magasin dans de grands sacs en plastique et je demande qu’on mette du scotch sur leur bouche de mioches qui m’implore de les laisser partir. Ça sera toujours plus de cadeaux et moins de bruit.


Ensuite c’est l’heure de rentrer dans mon antre et de préparer le somptueux repas de ce soir. Je me munie de mes récentes emplettes c’est à dire le bon foie gras premier prix résultat d’un gavage d’oie dans d’atroces souffrances et les huîtres périmées de l’année dernière trouvées dans la poubelle de l’Inter que je place délicatement dans un saladier de porcelaine et j’écrase de mes gros doigts potelés les huîtres avec le foie gras, puis je rajoute le saumon d’élevage bien industriel. Une fois la mixture bien diluée je la laisse reposer dans notre frigo plein à craquer de toutes les cochonneries que je servirais à mes tendres invités pendant ce repas qui s’annonce tout bonnement divin. Seulement je me rends compte que nous n’aurons jamais assez à manger alors je m’empare de notre chien adoré Zizou et je le place sur notre planche à découper. Je me munie de notre hache de cuisine et je me mets à le découper à grand coup d’acier dans le ventre. Il hurle de douleur mais je ferais tout pour que Noël soit une fête inoubliable et être à la hauteur de ce que mes amies ont posté sur TikTok alors je réduis Zizou en charpie sans vergogne.



Une fois la sale besogne achevée, je publie sur mon compte Facebook une photo de notre jeune sapin de cette année, que mon homme est allé couper dans le bois, tout vêtu des dernières guirlandes et autres décorations en plastiques achetées en provenance de Chine et fabriqués par des pauvres enfants (ils n’avaient qu’à pas louper leur bac), qui ne serviront pas les autres fois et que je jetterais une fois la merveilleuse fête de Noël achevée. 

Je monte me changer à la hâte de ma robe pailletée rouge de chez Zeeman quand tout à coup je glisse sur le boyau de Zizou qui avait éclaboussé le sol. Je me ramasse littéralement sur la moquette et me fend le nez en deux ainsi que mes facettes dentaires faites en Tunisie à un moindre coût. 

Toute ensanglantée je monte jusqu’à mon dressing en semant des goutes écarlates sur mon passage comme si j’étais un remake sordide du Petit Poucet. Je décide de m’allonger quelques instants pour reprendre mes esprits et je ne peux m’empêcher de penser que j’aime la magie de Noël. 

Une fois prête et toute pomponnée de mon ravalement de façade quotidien, je descends disposer les cadeaux de mes enfants sous le sapin. Je commence par ceux de Kevin et je sens monter dans mon œsophage un relent d’huîtres que j’ai goûté tout à l’heure. Ni une ni deux je restitue intacte les huîtres sur le sol. Avec encore un peu de liquide régurgité au coin de mes lèvres, je décide de cacher ce monstrueux spectacle sous les cadeaux en espérant que l’odeur ne sera pas trop nauséabonde et que ça ne tâchera pas les précieux cadeaux.

 


Il est enfin arrivé le moment de sortir les cadeaux de mon enfant préféré, mon petit Jimmynounet en sucre d’orge. J’ai acheté pleins de cadeaux pour mon petit Jimmy : un pot de 2kg de Nutella pour ses repas car il n’aime que ça, des Kinder Bueno car il n’aime pas les Kinder Country ça lui donne des boutons, j’ai acheté une super voiture télécommandée pour mon petit Jimmy et enfin l’IPhone 11 couleur orange couché de soleil pour mon petit Jimmy. 

Normalement tout est là, ma to do list est remplie il ne me reste plus qu’à attendre les invités en me bourrant de Coca 0. Heureusement que je n’ai rien oublié, « Kevin et Jimmy ça vous dit d’accompagner maman fumer sa cigarette dans le jardin ? Jimmy ? Jim… »


Comme l’année dernière, j’ai encore oublié Jimmy.


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