De prime abord, on ne voit pas du tout le rapport avec un consommateur qui entre dans un supermarché pour s’acheter de quoi manger. Or il y en a un et c’est tout le propos de l’auteur ici que de bien fonder ce rapport entre hystérie et consommation mais de le fonder comme autre chose qu’une critique sociologique ou idéologique. Mais quoi alors? De le fonder comme un diagnostic.
Ce qu’il faut bien saisir ici, c’est le rapport de l’hystérique à la théâtralisation. On peut ici penser à l’opposition de la première scène du film entre le professeur Meneyrt et Freud: Finalement le second ne contredit le premier sur le fait que l’hystérique entretient un mensonge, elle fait croire qu’elle est aveugle alors qu’elle ne l’est pas. Cette conclusion est absolument indiscutable. L’hystérique ment à son entourage. Par contre Freud affirme que la patiente fait aussi partie de cet entourage auquel elle ment, comme si elle était à la fois celle qui ment et celle qui est abusée par ce mensonge dont elle l’instigatrice. Et c’est cela qui contredit le sens que l’on donne habituellement au mensonge puisque la menteuse ne peut pas en être une sans savoir qu’elle ment et donc en être consciente. L’inconscient finalement, c’est l’idée (difficile à admettre) que l’on peut à la fois mentir et être abusée soi-même par le mensonge que l’on fait. L’inconscient c’est la thèse selon laquelle on peut être à soi-même un autre. Il y a bel et bien du théâtre, au sens de simulation, de mise en scène faite pour toucher un public dans toute hystérie, et l’on sait à quel point il été reproché à Charcot de donner littéralement des représentations de ses patientes hystériques, comme si elles étaient des actrices, parce que de fait, elles l’étaient bel et bien.
Dés lors le rapprochement avec l’hystérique se fait plus évident. De la même façon que l’hystérique s’installe dans l’analyse ou dans le milieu de la psychiatrie comme dans une scène à l’intérieur de laquelle elle va mettre en scène son trouble (et fera aussi partie des spectateurs), le consommateur s’installe dans le magasin comme dans un théâtre où il va mettre en scène le fantasme de sa vie rêvée. Nous n’achetons pas les produits dont nous avons besoin, mais ceux qui nous permettent de nous jouer à nous-mêmes une comédie sociale.
Mais il reste à éclaircir la question du trouble: la patiente hystérique refuse quelque chose d’elle-même de son passé qui pourtant la constitue bel et bien. Quel est l’équivalent dans le consommateur (évidemment il faut ici opérer un « saut »: nous passons du vécu particulier propre à telle ou telle personne à un statut que nous partageons toutes et tous: consommateurs)? De la même façon que l’hystérique fantasme la réalité stricte de son passé, le consommateur fantasme son existence au fil des produits qu’il achète, ce qui manifeste l’inaptitude à s’accepter tel qu’il est, maintenant. Il n’est aucunement question pour lui de persévérer dans on être, comme dirait Spinoza mais de se fantasmer tel qu’il n’est pas et surtout tel qu’il lui est fortement suggéré par des idéaux publicitaires, idéologiques, sociaux de se représenter. Quiconque consomme se résout dés lors inconsciemment à laisser parasiter par des idéaux de conformité, de « mode », de soumission aux impératifs de ce qu’il faut « avoir chez soi » le seul leitmotiv qui puisse authentiquement valoir et qui consiste à libérer le mode d’existence unique, original et idiosyncrasique dans lequel nécessairement (et nous serions tentés de dire ici fondamentalement) on consiste (Spinoza).
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