samedi 23 janvier 2021

Epreuve HLP (essai philosophique) : Texte de Sartre extrait de "Huis clos" - Copie de Nina Clément



(Trois personnages, Garcin, Inès et Estelle font leur entrée sur scène séparément. Ils se questionnent sur la nature du lieu isolé et inquiétant dans lequel ils se trouvent, quand ils comprennent qu’ils sont en enfer: ils sont condamnés à un huis clos éternel) 

INÈS Vous allez voir comme c’est bête. Bête comme chou ! Il n’y a pas de torture physique, n’est- ce pas? Et cependant, nous sommes en enfer. Et personne ne doit venir. Personne. Nous resterons jusqu’au bout seuls ensemble. C’est bien ça ? En somme, il y a quelqu’un qui manque ici: c’est le bourreau.

GARCIN, à mi-voix. Je le sais bien.
INÈS. Eh bien, ils ont réalisé une économie de personnel. Voilà tout. Ce sont les clients qui font le service eux-mêmes, comme dans les restaurants coopératifs.
ESTELLE. Qu’est-ce que vous voulez dire?
INÈS - Le bourreau, c’est chacun de nous pour les deux autres.
Un temps. Ils digèrent la nouvelle.
GARCIN, d’une voix douce. – Je ne serai pas votre bourreau. Je ne vous veux aucun mal et je n’ai rien à faire avec vous. Rien. C’est tout à fait simple. Alors voilà : chacun dans son coin ; c’est la parade. Vous ici, vous ici, moi là. Et du silence. Pas un mot : ce n’est pas difficile, n’est-ce pas : chacun de nous a assez à faire avec lui-même. Je crois que je pourrais rester dix mille ans sans parler.
ESTELLE - Il faut que je me taise?
GARCIN Oui. Et nous... nous serons sauvés. Se taire. Regarder en soi, ne jamais lever la tête. C’est d’accord?
INÈS D’accord.
ESTELLE, après hésitation. – D’accord.
Estelle se remet de la poudre et du rouge. Elle cherche une glace autour d’elle d’un air inquiet (...)

 ESTELLE - Monsieur, avez-vous un miroir? (Garcin ne répond pas) Un miroir, une glace de poche, n’importe quoi? (...)
INES - Avec empressement - Moi j’ai une glace dans mon sac (elle fouille dans son sac avec dépit) Je ne l’ai plus. Ils ont du me l’enlever au greffe1
ESTELLE - Comme c’est ennuyeux
Un temps. Elle ferme les yeux et chancelle; Inès se précipite et la soutient (...)
ESTELLE, rouvre les yeux, sourit - Je me sens drôle (elle se tâte) Ça ne vous fait pas cet effet là à vous: quand je ne me vois pas, j’ai beau me tâter, je me demande si j’existe pour de vrai (...)
I
NES - Voulez vous que je vous serve de miroir? Venez, je vous invite chez moi. Asseyez-vous sur mon canapé.

                                                            Jean-Paul Sartre, Huis clos - Scène 5

Essai philosophique: Peut-on affirmer, avec Jean-Paul Sartre qu’« Autrui est le médiateur incontournable entre moi et moi-même » ?

Copie de Nina Clément:

Le moi est une notion qui intrigue par son approche paradoxale : comment un mot si simple en apparence peut-il soulever autant de questionnements et de théories ? Par le simple fait que le moi, par sa définition est personnel et de ce fait, si large. Si bien que, à cet instant précis, vous qui lisez ces lignes, pouvez vous affirmer savoir qui vous êtes au plus profond de votre être, ou pensez-vous seulement le savoir ? Autrui a toujours eu une place particulière dans le développement humain. Si aujourd’hui nous formons une société avec de tels rouages, c’est bien par l’échange avec autrui, ainsi, il est aisé de dire qu'il est le médiateur entre moi et mon futur. Mais est ce que son rôle s’arrête là ? Autrui a-t-il seulement vertu à la construction du commun ? Jean Paul Sartre affirme que ce raisonnement va plus loin, en prenant parti qu' autrui est le médiateur incontournable entre moi et moi- même. Nous allons essayer de creuser cette allégation de Sartre en montrant d’abord, qu’en effet, autrui peut s’avérer être la clé entre une partie de mon moi et de moi-même avec l’argument de la mêmeté, pour ensuite démontrer qu’une autre voie est possible avec la notion clé d'ipséité et ce qu’est réellement le moi.

Certes, il est évident qu' autrui joue un rôle capital dans notre développement. Mais dans quelle mesure ? Nous verrons dans cette première partie qu’en effet, autrui peut être le médiateur entre moi et moi même, et ce par l’étude d’une notion cruciale, celle de la mêmeté, notion que nous étaierons par plusieurs exemples
Tout d’abord, qu’est ce que la mêmeté ? Si nous reprenons la définition de Paul Ricoeur, la mêmeté se désigne comme un rapport à soi plutôt passif : l’individu subit et accepte ce qu’il est, que ce soit pour ses aspects physiques ou ses déterminants sociaux. Ainsi, une partie de cette identité est définie à la naissance puis se construit tout au long de sa vie et selon le modelage sociétal. Il prend un rôle dont il ne peut plus se détacher, s'annihile à une image, son soi qu’il ne peut pas s’empêcher d’être. De ce fait, je ne m’approprie pas par volonté cette identité qu’on m’a donnée mais la subit et m’incline devant elle. Nous le comprenons donc, dans cette notion de mêmeté se sent énormément la présence d’autrui. C’est par son regard que je ressens ce besoin de convenir à cette identité que lui même façonne, notamment par ses normes, et c’est par sa présence internalisé que je prends l’habitude d’être ce que lui attend que je sois. Je n’existe plus, je vie sous le dogme d’un modèle. Un exemple pour illustrer cette définition serait celui de Narcisse, symbole parfait de cette mêmeté.
   


Narcisse, ce personnage mythologique qui jamais ne dérivera de ce sillon de fatalité qu’on lui a prescrit. Raconté dans le livre des métamorphoses d’Ovide, c’est d’abord sa grande beauté qu’on lui retient et sa fin tragique. C’est toutefois bien le rapport qu’il entretien avec lui même et autrui qui nous intéresse : il se prend dans ce piège d’auto complaisance, où il ne sort de lui que pour se gratifier par la vision d’une beauté magnificente qu’on lui renvoie, par ses milliers de prétendants et prétendantes, mais aussi par la surface de l’eau ou il contemple son propre reflet. Jamais Narcisse ne cherchera à lutter contre cette fatalité, contre le piège de sa propre beauté et tombera finalement dans cette trappe identitaire sournoise et facile. Et ainsi se clôt sa vie teintée de mêmeté, prise dans cette captation où résonne ses derniers mots que répète la nymphe Echo et son reflet à la surface de l’eau où l’idéal d’un moi vu prend le pas sur un moi vécu.

Mais en quoi le mythe de Narcisse est parlant aujourd’hui dans la construction de notre moi ? Parce que son histoire semble résonner comme un avertissement sur notre situation actuelle. Si aujourd’hui nombreux et majoritaires sont ceux vivant sous le signe de la mêmeté, c’est bien à cause des multiples pièges identitaires qui nous sommes tendus : cette fascination de son reflet idéalisé dans un miroir est encouragé par les nombreuses constructions culturelles qui définisse cet idéal : par le conditionnement des normes sociétales, par ses attentes et moules d’ors que nous souhaitons absolument remplir, formaté a coup de regard d’autrui, nous voulons tellement vivre selon la doctrine de ce reflet et surtout montré que nous sommes incorporer dans ce jeu de paraître, et ainsi font surface un nationalisme profond et la prolifération de l’utilisation des réseaux sociaux pour exposer à quel point nous sommes bien intégrer. Nous suivons la norme, sans vraiment y réfléchir puisque si autrui le fait, je dois le faire. Et si autrui aime mon image, alors je l’aimerai aussi. Nous sommes les nouveaux Narcisses, fascinés par ce reflet létal qui un jour nous sera fatal.
Tout comme la figure mythologique, nous n' échappons pas à cette fatalité ou autrui et son regard façonne notre image, conditionne notre apparence et notre identité. Comme l’expose Sartre dans son œuvre “L'Être et le Néant” , un exemple parlant serait celui des fonctions : si nous prenons celui d’un garçon de café : il ne se contente pas de
servir des cafés : il prétend et joue un rôle réglé comme du papier à musique, où chaque note est calculée, préméditée, conditionnée par les attentes et la vision qu’on lui porte et ses nombreuses exigences. De ce fait, sa démarche veut refléter l’attitude qui lui siérait le mieux : empressé, souriant pour servir au plus vite ses clients . Et si par malheur sa comédie ne convient pas à autrui mais surtout à lui même, il s'autoflagelle de ne pas être comme ci ou comme ça, de ne pas être le parfait pantin du modèle qu’on lui a certes prescrit mais qu’il s’est lui même administré.

“La honte est honte devant quelqu’un ... Autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j’ai honte de moi tel que j’apparais à autrui” Sartre
Mais d’où nous vient cette pratique de tant se rapporter à autrui pour se concevoir soi? 

 

Une réponse que nous pouvons avancée repose sur la thèse de Lacan et du stade du miroir : un stade obligatoire, expérimenté très tôt par nous tous soit entre 6 mois et 1 an. Le stade du miroir consiste à cette reconnaissance avec le jumeau spéculaire vu dans ce reflet. Outre le développement psychomoteur qu’apporte cette reconnaissance, elle nous intéresse également dans la construction du moi : lorsque l’enfant se reconnaît, c’est comme s' il adoptait ce moi. Mais que reconnaît- il ? Il s’identifie à ce jumeau spéculaire, à cette image fictive, extérieure, reflétée. Cette fascination pour ce reflet vient du fait que nous devenons spectateur de nous-même. Nous passons d’une réalité introspective, confuse et sentie à une réalité extérieure où je ne suis plus, mais “j’ai” une image. Cette capacité à s’identifier à ce reflet rend possible le jugement du soi vu par soi, mais surtout, nous rend dépendant et soucieux de cette image extérieure à qui nous sommes associés : c’est alors le principe d’auto évaluation qui se met en place. Mais quel est le rôle d’autrui ? Si le stade du miroir est aussi important, c’est bien parce qu’il nous prépare à un spectateur autre que soi : autrui. En se faisant objet de son propre jugement, nous le devenons par le même biais pour les autres. Si toute identification est aliénation, alors autrui parasite ainsi, par ses codes, ses normes et son simple regard notre vision de ce reflet. De ce fait, nous devenons esclave de cette nécessité de présenter une bonne figure, de faire semblant, de paraître selon les critères d’autres que d’être selon moi. La notion de spéculaire prend ici tout son sens, puisque c’est pour autrui que je présente ce spectacle de manières, cette façade d’opulence et de bonheur : et c’est ici tout le danger du stade du miroir; pour autrui je ferai tout pour paraître joyeux, quitte à ne pas être dans la plénitude simple d’être ce bonheur: Je n’existe plus, je parais. Un exemple effectif du stade du miroir est celui de l’utilisation du “je”. Le “je” de l’énoncé correspond à ce qui est dit effectivement : je suis. Le “je” de l’énonciation correspond à ce qui est dit : je dis que je suis. Fatalement, le “je” de l’énonciation est marqué par le mensonge : nous voulons faire croire que nous sommes ce “je”. Dire “je suis modeste”, c’est en fait ne pas l’être du tout. Cet exemple est d’autant plus significatif puisqu’il rejoint totalement les arguments précédents : l’Homme est maintenant dans cette volonté de se montrer et de mettre au premier plan cette façade qu’il façonne depuis si longtemps. Les pléonasmes tels que “moi, personnellement, je” sont d’une force incroyables pour montrer que nous ne marchons plus que par l’ego.  Si nous reprenons l’exemple du je de l’énonciation, nous réalisons que ce que nous disons n’est en fait pas personnel mais est plutôt le produit de notre dépendance à l'égard du jugement d’autrui. C’est d’ailleurs pour cette raison que Lacan se montre acerbe avec l’Homme, puisqu’il ira jusqu’à le présenter comme un “être d’inauthenticité” et présentera le moi comme un symptôme de cette maladie qui nous frappe fatalement. Nous ne sommes plus, nous n’existons plus, nous ne sentons plus : nous nous appartenons et laissons parader ce moi imaginaire et imaginé.
Mais à cause de quoi ? Autrui et la mêmeté semblent être les réponses les plus évidentes. Mais qu’arrive t il si nous disons non à la mêmeté et sa fatalité et le pouvons nous ?

Comme nous l’ont montré la thèse de Lacan et les arguments précédents, le moi serait façonné et contrôlé par autrui. Nous ne serions alors que des êtres “inauthentiques” et aliénés. Mais est ce toute la vérité ? Certes, nous pouvons affirmer avec aisance que Autrui à un rôle capitale et opérateur dans le moi découlant de la mêmeté. Pourtant, est-il possible de définir l’Homme autrement ?
Qu’il se définisse autrement ?
Il est maintenant intéressant d’introduire la notion annexe à celle de la “mêmeté”, celle de l’ipséité. Nous verrons, grâce à cette deuxième partie, qu’une autre façon de se construire est possible, en prenant comme fil directeur l’ipséité.

  

L’ipséité selon Paul Ricoeur, correspond à un rapport à soi actif : je m’engage, j'assume et je reste fidèle à mon éthique. L’ipséité se joue dans cette constance d’être, où je fais la promesse à moi et aux autres d’être celui que j’ai choisi, de devenir l’auteur de ma vie selon mes convictions même si elles entrent en contradiction avec le Monde dans lequel j’évolue. Je décide et me fait auteur de ma vie, je ne me donne plus à l’autre mais lui donne la promesse d’être celui que je choisis d’être, maintenant ou demain. Comment se fait-il alors que la mêmeté soit aussi présente dans nos vies actuelles ? Pour la simple raison que nous avons cessé d’exister et nous nous sommes résignés à vivre, c’est à ce moment-là que meurt, étouffée, l’ipséité. Mais quel est le rôle d’autrui dans l’ipséité ? Si nous reprenons un exemple mythologique, des symboles forts de l’ipséité seraient Oedipe et Antigone.

Oedipe vit au départ dans la mêmeté : il parade, cherche à montrer qu’il est le maître des énigmes et tombe dans ce piège d’identification qui lui est tendu : la fatalité qui lui sera dictée. A la différence de Narcisse, Oedipe ne trouvera pas la mort mais se crèvera les yeux, peu de temps après avoir commis ce qui lui avait été promis, le crime absolu. Oedipe, en ayant abandonné la quête de reconnaissance par ses semblables dû à son exclusion provoquée par ses actes qui le font maintenant trop différé de ceux ci, il ne trouve pourtant pas sa fin et commence une nouvelle vie : une vie sentie, une vie où il n’agit plus part fatalité et par paraître, mais une vie ou il agit pour lui. C’est par ce saut dans l’inconnu qu’il découvre l’ipséité, ou la seule chose inébranlable sont ses actes qu’il, enfin, choisis. C’est en abandonnant le Monde vu et ses modalités qu’il découvre une autre possibilité d’identification. Oedipe à fait ce qui aurait pu sauver Narcisse et formera à cette nouvelle perspective Antigone. Antigone, sa fille, explorera l’ipséité d’une manière moins sombre : c’est directement par sa volonté et son engagement d’enterrer son frère, et ce en étant même en totale opposition au pouvoir politique qu’elle se montre comme représenté digne de l’ipséité pure. Elle abandonne cette doctrine de l’image et du destin, réfute les lois arbitraires des Hommes. C’est par ces trois personnages mythologiques que nous voyons le passage de la mêmeté à l’ipséité. Qu’est ce qui aurait sauvé Narcisse, figure de la mêmeté ? L’abandon à cette croyance idolâtre du reflet, répondrait Antigone. La dépendance à notre reflet et donc à autrui pour se construire soi est donc un piège qui fait triompher la mêmeté. Par cette exposition de ces mythes, nous voyons bien que le stade du miroir dans la thèse de Lacan semble bancale sur certains aspects. Notamment, qu’arrive t il en cas de trouble dissociatif de l’identité ? Une personne atteinte de ce trouble aura certes une image factuelle dans le miroir, mais ne la reconnaît pas comme la sienne, puisque dans ce corps se cohabite plusieurs entités, répondant tous à une image particulière et singulière, et non celle universelle qui leur est présenté dans le miroir et qui pourtant avec qui ils se voient être associés. Ce qui semble faire fausse note dans la thèse de Lacan, est certes son exclusion de certaines personnes, notamment celles aveugles de naissances ou celles souffrant de troubles mentaux (-pouvons nous dire à une personne atteinte de trouble dissociatif de l’identité que ces alters n’ont pas de moi?-), mais aussi par son exclusion des animaux : il est aujourd’hui confirmer que certains animaux se reconnaissant dans le miroir, qu’arrive t il dans ce cas ? Sont-ils dans une vie de paraître? Face à ces multiples failles, quelques questions nous semblent légitimes : Devons nous seulement vivre selon le diktat du stade du miroir, qui nous condamne à être des êtres d’inauthenticité ? Pouvons nous envisager une déviation du sillon qui nous précipite, selon Lacan, dès l’âge infantile à seulement vivre sous le signe de la mêmeté ?

 


Un autre argument serait de tout simplement reprendre la thèse de Lacan : selon lui, le stade du miroir entraîne le passage d’un corps de sensations confuses, morcelé, représentant en quelque sorte l’instance du ça à un corps vu, reflété, défini et représentant l’instance du sur-moi. Freud nous démontre que la volonté de controle total de l’inconscient entraine des stigmates profonds, des névroses notamment par le retour du refoulé, ainsi, nous sommes en droit de nous demander si le corps vu, controlé par autrui n’est pas néfaste et entrainerait en quelque sorte des “retours du refoulé”. Est-il donc possible de repasser au corps senti où autrui se confond dans l’espace, ou moi-même je me confonds dans ce flux de sensation, ou tout semble former une unité pour moi et surtout où rien ne semble freiner les pulsions qui m’animent ? Une piste de réponse serait de redevenir des sensations : au lieu d’avoir du bonheur ou de se l'approprier par les mots, il faudrait devenir ce bonheur. Mais comment pousser des sensations à un tel paroxysme pour retrouver cet effet ? Une hypothèse serait l’usage de drogues ou le Monde redevient si confus et nouveau comme il l’était avant le stade du miroir, une autre serait l’usage de la torture, ou la douleur
devient si intense et violente que je n’ai plus mal : je suis la douleur. En sommes, toutes ces hypothèses ne semblent pas être des solutions viables et durables.

D’autres hypothèses sont également intéressante par leur plus grandes inclusivités : si nous reprenons la thèse de Russell, nous pouvons d’abord explorer l’hypothèse comme quoi le moi serait en faite une unité traversée par des expériences, des sensations et ainsi dresser par ce fil continu permis par la mémoire : ainsi, les rétentions primaires et secondaires seraient les principaux acteurs permettant la construction du moi. Il est d’autant plus intéressant de constater que, même si deux personnes vivent la même expérience, ils n’auront pas le même moi, puisque chacun à sa propre vision des faits, sensations et ressentis de l'expérience passée. Russell explore aussi dans cette même thèse que le moi serait la cristallisation de cette mémoire sur un corps. Pourtant, si nous reprenons l’un des arguments qui vient déstabiliser la thèse de Lacan, qu’arrive t il lorsque deux mémoires se cristallisent sur un même corps ? Pouvons nous dire que ce sont deux “moi” qui s’attachent seulement à 1 corps? Russell répond à cette faille par une autre théorie : l’habitude. Là où la mémoire et le corps semblent être des éléments non infaillibles, l’habitude subsiste. Oui, mais comment ? Par le simple fait que nous sommes des créatures d’habitudes : rentre ici l’aspect de mêmeté : par passivité et conformisme, nous adoptons des habitudes. Que ce soit dire d’avoir besoin d’un café pour commencer sa journée, adopté le cercle infernal de “métro boulot dodo”, toutes ces habitudes que nous subissons plus que nous prenons rentrent dans cette notion de mêmeté et sont influencés par autrui. Mais Russell nous montre aussi que cette fatalité peut être déviée : lorsque nous nous faisons créateurs d'habitudes, lorsque que je choisis une habitude, lorsque que j'exécute un acte qui rentre dans ma continuité éthique, alors que je me fais créateur d’habitudes. Un exemple simple mais englobant l’entière de cette nuance de créature et créateur, serait tout simplement le fait de redevenir l’auteur de ma vie, cela peut tout aussi bien entendre de grandes actions efficientes ou de simples actes que j’ai choisis, moi, de faire et par influence autre. Bien que cette thèse puisse sembler un peu simpliste de prime abord, il est impératif de dépasser cette impression : la vie, elle-même est marquée par l’habitude. Si nous prenons à l’échelle physique, si notre corps vieillit c’est bien par l’habitude de multiplier des cellules et si aujourd’hui l’Homme a évolué, c’est bien par sa prise d’habitudes dans un milieu. Cette définition est d’autant plus juste par son champ efficient extrêmement large : elle englobe les habitudes que chacun prend dans sa vie personnelle, que celle que la vie prend à grande échelle. Rien ne s’effectue que par habitude : si je ne m’étonne pas de voir le Soleil se lever, c’est par habitude. Si je crois que le Soleil va se lever, c’est par habitude : et c’est aussi par cet exemple que nous voyons que cette thèse englobe aussi bien la vision empiriste que innéiste. Le moi, c’est ainsi cette croyance, cette adhésion aux habitudes, ces habitudes qui peuvent être définies par autrui ou par soi-même. Ainsi, le moi peut se faire certes pas des habitudes provoquées par autrui, ou être le fruit d’habitudes que moi, je choisis : nous retrouvons ici la notion de mêmeté et ipséité.
Finalement, et si le rôle d’autrui dans le stade du miroir n’est pas juste les habitudes que nous avons pris par sa fréquentation ?

  Nous l’avons donc vu lors du déroulement de cet essai, nous ne pouvons pas poser de réponse claire et définitive sur si oui ou non, autrui est le médiateur entre moi et moi-même, pour la simple et bonne raison que le moi est un produit des deux, le gris du noir de la mêmeté et du blanc de l’ipséité. Reste maintenant à savoir quelle part nous guide le plus dans la construction de notre identité, la mêmeté ou l'ipséité, plus foncé ou plus clair. Cette question est d’autant plus intéressante de notre point de vue, puisque la vie de paraître semble prendre de l'ampleur et noircit ainsi notre moi, notamment à cause des Big Data et du renforcement du repli identitaire. Reste à voir si grâce au savoir que nous détenons entre nos mains, connaissant le risque d’une vie de paraître ou je n’existe plus, nous pourrons enfin nous libérer de ces pièges identitaires et devenir l’auteur de nos vies. Mêmeté ou ipseité ? telle est la question
Sommes nous des “narcisses procrastinant notre suicide”” ou des Antigones en devenir ? Telle est la question.



 

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