mardi 17 novembre 2020

CSD (Cours Semi-Distanciel) Tle 1 - 18/11/2020

 

L'Inconscient 
 

1) Définition: l’inconscient comme substantif et non comme adjectif 

                        On ne peut comprendre l’Inconscient, dans son sens le plus fort et le plus déstabilisant qu’en le distinguant d’abord de l’ignorance et de l’inconscience:
            Ignorer c’est ne pas connaître et nous pourrions rajouter: « des choses ou des doctrines, des théories « extérieures » à nous ». La connaissance se distingue de la conscience et il est donc logique que les contraires de chacune de ces notions soient eux aussi distincts. Prendre connaissance de la pandémie n’est pas du tout la même chose qu’en prendre conscience. Si je la connais, cela veut dire que j’en suis informé, que j’essaie de comprendre ses mécanismes, mais elle demeure extérieure à moi, comme un objet dont je suis libre d’entreprendre de la connaître ou pas. Connaître une chose suppose la mise en œuvre d’un savoir objectif à l’égard de cette chose sans qu’à aucun moment elle ne devienne une affaire qui implique un rapport à soi-même. Je la connais, je sais qu’elle existe, mais je peux parfaitement ne pas me sentir concerné. Il en va évidemment tout autrement de la conscience que j’en prends. Je réalise alors que cette pandémie existe sur un tout autre plan que celui-là seul de l’objectivité. Je considère qu’elle n’est pas seulement un élément extérieur sur lequel je pourrai objectivement scientifiquement me pencher. Elle s’impose à moi comme une réalité à l’égard de laquelle il faut que je m’engage, que je m’implique. Ça  devient mon problème. Autant la connaissance suppose donc un rapport entre soi et une réalité extérieure, autant la conscience présuppose un rapport à soi.

        Si nous réfléchissons à cette première distinction entre conscience et connaissance, nous comprenons pourquoi l’ignorance est incroyablement moins déstabilisante, troublante que l’inconscient. Autant il serait vraiment déraisonnable d’attendre d’un humain qu’il connaisse « Tout », autant il peut sembler justifié qu’il soit conscient de ce qu’il est, de ce qu’il vit, de ce qu’il pense, de ce qu’il fait. C’est finalement sur ce présupposé dont nous verrons qu’il est hautement discutable que notre existence citoyenne, politique, sociale, morale, légale se constitue. Tout citoyen a à répondre de ses actes pour la bonne et simple raison qu’en tant qu’être conscient, il sait ce qu’il fait. Si je suis conscient, je me rends compte de mes actes et de ce qui se passe dans mon esprit, j’exerce une maîtrise sur eux. Je suis donc libre de faire ou de ne pas faire ceci ou cela, Par conséquent. Je suis responsable aux yeux des autres, des lois, de la société en général,  de ce que je fais et de ce que je pense.          

                   Mais s’il est avéré que ce rapport de transparence par le biais duquel je me rendrais immédiatement compte de tout ce que je fais ou de tout ce que je ressens n’est aucunement viable, efficient, et qu’il existe dans ce rapport de moi à moi-même de l’opacité, de l’obscurité, du décalage, alors, tout se complique. Comment, en effet, considérer une personne responsable si elle ne sait pas exactement ce qu’elle fait ni ce qu’elle pense. Si, comme le dit Nietzsche, ce n’est pas moi qui pense, mais la pensée, ou « une » pensée qui se pense à travers moi, alors qui agit quand j’agis? Se pourrait-il que nous ne soyons que les agents d’actions combinées, aléatoires, absurdes qui ne feraient que s’effectuer en nous et qui nous utiliseraient comme de simples métaux conducteurs au travers desquels passeraient leurs différents courants? 
                   Il ne convient pas du tout de répondre trop facilement « oui » à cette possibilité, en particulier du point de vue de Sigmund Freud lui-même, c’est-à-dire du théoricien de cet inconscient psychique car il existe selon lui une différence entre l’acte de reconnaître l’existence de cet inconscient et le fait de lui céder ou du moins de lui accorder tout pouvoir sur l’individu, et c’est bien là l’enjeu de ce que l’on appelle la psychanalyse. Pour le dire en d’autres termes, ce n’est pas parce qu’il y a de l’inconscient dans la psyché de tout individu qu’il serait impossible de faire émerger certains éléments de cet inconscient à la conscience et de gagner ainsi une forme de maîtrise de soi  ou du moins de lucidité sur soi.  Avec Freud, comme nous le verrons, nous sommes confrontés à un tout autre « connais-toi toi-même » que celui de Platon ou de Socrate. Pour les deux philosophes grecs, cette maxime signifiait « ne te prends pour ce que tu n’es pas ,  ne tombe pas dans la démesure de te croire plus que tu n’es et de ne pas t’occuper de ton âme », en premier lieu. Pour Freud, se connaître soi-même signifie d’abord: « accepte de reconnaître qu’il existe en toi une part de toi qui échappe à ton contrôle et essaie de la faire advenir à la surface de ra parle (talking cure) pour comprendre les ressorts qui sommeillent en toi.

        Il importe également de bien saisir la différence entre l’inconscient et l’inconscience, laquelle désigne simplement un moment d’absence, une folie passagère. On peut agir de façon insouciante, inconsciente tout simplement par manque de concentration. Etre inconscient en ce sens là, c’est simplement manquer de conscience. Le substantif, comme son nom l’indique pose , au contraire, qu’il y a un inconscient substantiel, positif. Il existe en chacun de nous une force qui s’active et qui crée positivement de l’opacité, de la méconnaissance de moi à moi-même. C’est exactement comme découvrir qu’un inconnu habite dans votre maison, à votre insu. Quand on dit de quelqu’un qu’il fait preuve d’inconscience, on signifie seulement qu’il n’a pas mesuré le risque ou la gravité d’une situation.  C’est un usage affaibli qui repose simplement sur l’idée selon laquelle nous serions fondamentalement et originellement, naturellement, génériquement conscients et l’inconscience ne définit alors que des moments durant lesquels cette surveillance de la conscience « cède », un peu par faiblesse, par manque de « tenue ». Nous pourrions donc parler de cette catégorisation comme du sens premier de ce qu ‘être inconscient signifie, c’est aussi le sens affaibli qui ne nous intéresse pas.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire