lundi 30 novembre 2020

CSD Tle 1 - Cours du 30/11


Pourquoi l’hypnose a-t-elle été la méthode initiale de Freud et de Breuer? Parce que grâce elle, le gardien « dort » et que la tendance refoulée a moins de résistance à combattre pour se révéler. On voit exactement la nature de cette résistance dans le film de John Huston lorsque Cécily propose deux versions successives différentes à Breuer et à Freud, la dernière faisant enfin éclater la vraie nature du scandale refoulé par le gardien: son père est mort dans une maison close en Italie. Les médecins deviennent des policiers, les infirmières des prostituées, l’hôpital, une maison de passe. Le gardien a jugé déplacé la réalité de ce souvenir dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est marquant. Chacune et chacun de nous abrite en son sein un appareil de censure, une sorte de ministère de la propagande à la 1984 (Georges Orwell) qui recompose les souvenirs en les arrangeant et surtout en les débarrassant de leur potentiel érotique, de leur charge émotive et sexuelle.
                Cecily ne veut pas « voir cela » et il faut prendre très au sérieux ces images nées d’expressions de la langue. C’est finalement le trait spécifique de notre inconscient de ne pas avoir  d’humour et finalement de prendre au premier degré des expressions imagées de la langue courante jusqu’à rendre l’hystérique aveugle. La cécité de Cecily c’est le moyen que son inconscient a trouvé pour lui rappeler ce souvenir honteux, ces morceaux de notre passé qui sont trop importants, trop cruciaux, trop « formateurs » pour accepter d’être recouverts par le vernis des convenances. Nous sommes ce qui nous est arrivé et il n’est pas possible de se raconter une autre histoire que la notre (souvenons-nous ici que Javier par exemple ne se raconte pas d’histoires: quand il recompose son identité par la narration, cette recomposition est tout le contraire d’un mensonge). L’inconscient pose donc des problèmes dés que le travail de notre identification s’accomplit fallacieusement, compose un faux portrait, trop lisse, sans aspérités. Le sur-moi de Cecily la contraint à ne pas se donner un père qui soit un habitué des maisons closes, encore moins oui soit décédé dans l’une d’entre elles. Nous reconstruisons tous nos souvenirs mais nous pouvons nous mentir à nous-mêmes sous l’influence de différentes influences, nous assigner un autre passé que le vrai. c’est à ce moment que notre inconscient peut se révéler dangereux, hostile, voire implacable.
             
   On ne se ment pas à soi-même impunément, c’est ça l’histoire de l’hystérie, de la paranoïa, des psychoses et des névroses. Mais comment guérir? En substituant au mensonge un processus d’aveu, mais plus difficile qu’un aveu volontaire puisque précisément, c’est inconsciemment que l’on se ment. Pour avouer un mensonge, encore faut-il savoir qu’on a menti. L’hypnose permet de contourner le mécanisme de refoulement de la vérité. Grâce à différentes analyses et à cause de la résistance de ses collègues à l’utilisation de « l’Art noir », Freud va s’orienter vers une autre méthode « the talking cure », la guérison par la parole, une libre expression, une prise de parole relâchée grâce à laquelle le patient pourrait sans s’en rendre compte révéler des éléments essentiels à l’analyste qui pourra effectuer par son interprétation les recoupements nécessaires, voire évidents. Dans cette interprétation, la connotation sexuelle des éléments refoulés sera toujours considérée par le psychanalyste comme un principe fondamental.

            Dans certaines maladies et, de fait, justement dans les névroses , que nous étudions [...] le moi se sent mal à l'aise, il touche aux limites de sa puissance en sa propre maison, l'âme. Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d'où elles viennent ; on n'est pas non plus capable de les chasser. Ces hôtes étrangers semblent même être plus forts que ceux qui sont soumis au moi. [...] La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides inquiétants, elle organise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions de secours et des constructions scientifiques, et, finalement, peut dire au moi : « Il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'est une part de ta propre vie psychique qui s'est soustraite à ta connaissance et à la maîtrise de ton vouloir. [...] Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton âme, dès que c'est suffisamment important, parce que ta conscience te l'apprendrait alors. Et quand tu restes sans nouvelles d'une chose qui est dans ton âme, tu admets, avec une parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas. Tu vas même jusqu'à tenir "psychique" pour identique à "conscient", c'est-à-dire connu de toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans cesse se passer dans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne peut s'en révéler à ta conscience. Tu te comportes comme un monarque absolu qui se contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires de la cour et qui ne descend pas vers le peuple pour entendre sa voix. Rentre en toi-même profondément et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir. »
                C'est de cette manière que la psychanalyse voudrait instruire le moi. Mais les deux clartés qu'elle nous apporte : savoir que la vie instinctive de la sexualité ne saurait être complètement domptée en nous et que les processus psychiques sont en eux-mêmes inconscients, et ne deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison * .
                                                                                                                        FREUD

        On mesure sans difficulté l’impact philosophique d’un tel texte sur ce que penser « est ». Définit-il l’acte par lequel on active sciemment un processus ou, au contraire « UNE » activité qui s’effectue en nous, par elle-même, et revêt des aspects tout à la fois conscients et inconscients? Freud et Nietzsche sur ce point sont parfaitement en accord. Penser se fait, ça pense en moi, plus encore: « que ça pense en moi, cela détermine le moi", lequel n’est pas la cause mais l’effet de cette pensée « autre », « impersonnelle ». Une pensée sans sujet s’effectue dans le sujet et le transforme à son insu. « Le moi n’est pas maître dans sa propre maison ».  L’erreur ici est d’accorder à la conscience une part trop forte, trop prééminente. Notre psychisme ne peut se constituer que d’éléments conscients. C’est exactement comme la matière noire: lorsque l’on fait le compte de toutes les particules décelables dans l’univers et qu’on la réfère à la masse de l’univers, on se rend compte que la matière visible constitue seulement 27% de la totalité de l’univers. Il est donc absolument impossible de rendre compte de l’existence du tout sans supposer une « énergie sombre », même si nous ne l’avons pas encore décelée.
          

                Cette comparaison convient parfaitement à l’inconscient, à son statut paradoxal, comme la matière noire, on pourrait dire qu’il est une hypothèse, mais en même temps, ce terme ne rend pas contre du fait que l’on est absolument certain qu’il existe. L’inconscient, il est absolument impossible que cela n’existe pas, mais en même temps si nous pouvions le toucher du doigt, le rencontrer, il cesserait d’être ce qu’il est, puisque nous en serions conscients.
           
                

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