dimanche 22 novembre 2020

CSD (Cours Semi Distanciel) Tle 3 - Cours du 23/11/2020 - 16h05 / 17H50

(Vous êtes nombreuses et nombreux à ne pas pouvoir écouter l'enregistrement audio. Je cesse donc de le proposer sur le blog, mais vous pouvez l'écouter en me le demandant sur mon adresse perso. N'hésitez vraiment pas si cela vous est utile. Par contre n'attendez pas la fin de la semaine pour m'en demander plusieurs parce que je les jette au fur et à mesure. Ecrivez-moi le soir même du cours, ce sera plus simple pour moi. Merci à vous)

 

Il y a également la conception Nietzschéenne de l’inconscient. Parmi les trois philosophes que l’on considère comme les initiateurs de la philosophie « moderne » (cassant la notion de sujet), Marx, Nietzsche et Freud, Nietzsche est sans aucun doute celui qui donne à l’inconscient une puissance et un rôle incommensurable aux deux autres auteurs, notamment parce qu’il y a quelque chose de naturel dans l’inconscient, quelque chose qui d’ailleurs nous amène à nous défier de la conscience. Marx n’évoque jamais l’inconscient mais il considère que nous naissons toutes et tous dans ces milliers sociaux qui, à notre insu, déterminent nos actes, nos pensées, notre être. Nous verrons dans la totalité de ce cours la conception de Freud (sens d). Nietzsche est beaucoup plus proche du tout premier philosophe à avoir vraiment donné tout son poids à la notion d’inconscient sans jamais le nommer de cette façon: Spinoza. 

            Qu’est-ce que la réalité pour Nietzsche? Une débauche de forces chaotiques et dynamiques dans la libération desquelles exister se fait pour tout ce qui existe, tout ce qui croît: hommes, bêtes, plantes, galaxies, organismes divers, etc. (N’oublions pas que Nietzsche a été marqué par la lecture de Schopenhauer). Que sommes-nous dans tout ça, nous humains? Des pulsions, des combinaisons d’affects. Nous nous constituons dans le flux de cette émission de forces multiples, chaotiques et contradictoires. Mais nous sommes dotés de la capacité d’interpréter cette réalité et c’est en cela que nous sommes des volontés de puissance. Nous sommes donc en situation de pouvoir favoriser en nous l’épanouissement de la vie en hiérarchisant ces pulsions dont nous sommes constitués de telle sorte que les plus faibles ne dominent pas les plus fortes, c’est-à-dire que les pulsions dites "conservatrices " ne réduisent pas en esclavage les pulsions créatrices. On peut dire que la volonté de puissance c’est la réalité interprétée de telle sorte que l’épanouissement de la vie s’y libère. Mais l’on peut, sous l’effet de certaines religions (christianisme) par exemple, ou tout simplement de rencontres, d’expériences malheureuses, faire triompher les pulsions faibles comme celles de réaction, de ressentiment, de culpabilité, de remords, de repentance, de culte de l’ego, de confort, de veulerie, de mesquinerie, d’étroitesse d’esprit, de calcul, d’ambition personnelle, etc.

Un peu étrange comme vignette, je sais: c'est pour montrer le mélange des genres de ce déchaînement de forces. je ferai mieux la prochaine fois

                    Nietzsche en déduit une classification des personnes sur lesquelles de très nombreux malentendus se sont opérés. « Il faut protéger le fort contre le faible »: qu’est-ce que cela veut dire? Sûrement pas qu’il soit nécessaire de protéger l’aryen de souche contre le juif créancier, mais plutôt Van Gogh contre Jeff Bezos (PDG d’Amazon) ou Mark Zuckerberg (FaceBook). Aussi anachronique (et impossible) soit-elle, cette lutte met en présence un peintre dont la volonté de puissance a su hiérarchiser les pulsions de telle sorte que la vie, par son œuvre, s’accroît, s’auto-féconde, se libère. Nous entendons souvent des PDG d’entreprises en plein développement nous décrire par le menu « une existence partie de rien et arrivée au pinacle des plus hautes sphères de la société ». Mais de quoi s’agirait-il dans les termes de la philosophie Nietzschéenne? De volontés de puissance qui, parties de ce qu’elles étaient, sont descendues encore plus bas que ce qu’elles étaient au départ, et ne cessent de descendre au gré d’une vitesse sans cesse plus vertigineuse au fur et à mesure que leur fortune s’accroît. Ce que ces hommes d’affaires peuvent faire dans la société est exactement inversement proportionnel à ce qu’ils peuvent faire de leur vie et dans la vie, autant dire qu’ils ont autant de pouvoir qu’ils ont peu de puissance (notons toutefois que ces deux termes ne sont pas nécessairement toujours inversement proportionnels)

            Qu’est-ce Mark Zuckerberg finalement? Un ado timide, craintif et refermé sur lui qui est parvenu à faire de son complexe relationnel un mode de relation médiatisé et virtuel à Autrui, entrainant ainsi dans sa perception névrosée de l’être humain des millions d’abonnés. Comment s’opère cette hiérarchisation si cruciale dont dépend notre être: surhomme (Van Gogh) ou esclave (Zuckerberg) ? Par deux étapes: la première nous menant du petit moi au Soi et la seconde du Soi au moi supérieur, c’est-à-dire au moi créateur. Qu’est-ce que le petit moi? C’est ce que l’on pourrait appeler cette membrane offerte à tous les coups de l’extérieur, aux influences, aux chocs, aux mouvement d’adhésion. Notre petit moi c’est ce qui nous fait plier à la moindre tentation addictive et nous rallier aux troupeaux de tous les addicts à Netflix, Amazon, FaceBook, etc (n'oubliez pas ici le caractère anachronique de ces références: Nietzsche est mort en 1900 - Toutefois, il semble assez indiscutable qu'il n'apprécierait pas du tout notre modernité). La tentation est donc grande et toujours menaçante de passer de cet être de surface à un être totalement superficiel. C’est ce qui arrive si nous ne passons par le Soi: « Sens et esprit ne sont qu’outils et jouets, derrière eux se cache encore le Soi. Le Soi cherche aussi avec les yeux des sens, il écoute aussi avec les oreilles de l’esprit. Toujours le soi écoute et cherche: il compare, soumet, conquiert, détruit. Il règne et il est aussi le maître qui règne sur l’esprit. Derrière tes pensées et sentiments, mon frère, se tient un maître impérieux, un sage inconnu, il s’appelle Soi. Il habite ton corps, il est ton corps. Il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse. » 

            De notre corps, notre vrai corps, qu’est-ce qui se nourrit de nos addictions à ces effets de surface (orchestrés par les gafam)? L’obésité, la faiblesse d’âme, le manque de courage, l’esprit de suivisme. Il faut s’en remettre à notre corps, à notre corps propre, étant entendu qu’il réside dans une complexion biologique nécessairement unique et exclusive. Le terme-clé pour saisir cette thèse est celui d’idiosyncrasie. On l’utilise notamment en botanique pour désigner un individu unique en son genre, qui fait genre donc en lui-même. Faire genre est le propre des personnes stylés. Tout artiste fait genre finalement. En médecine, « le rapport qui constitue la particularité de tout être, de chaque état pathologique ou physiologique est la clef de l’idiosyncrasie, sur laquelle repose toute la médecine ». Cette affirmation de Claude Bernard est vraiment déterminante parce que ce support idiosyncrasique de la médecine définit aussi sa limite externe, ce moment où le médecin ne peut plus appliquer de solutions générales à une complexion particulière, ce seuil où certains soignants rendent les armes, incapables qu’ils sont d’appliquer des traitements distincts, exclusifs, originaux à des corps dont il leur faut reconnaître qu’ils sont infiniment particuliers. 

            C’est peut-être aussi le moment où la guérison cesse d’être l’affaire de la médecine pour devenir ce qu’elle a toujours été: l’affaire du patient. La dynamique du mouvement défendue pour Nietzsche va finalement dans le sens opposé de celui de la psychanalyse de Freud. Il n’est pas question d’aller de l’inconscient à la conscience mais de la conscience à l’inconscient du corps par le bais d’une hiérarchisation des pulsions au fil de laquelle le corps reconnaîtra les siennes, les plus nobles, les plus pures, les plus à même de faire style, de nourrir l’esthétisation de la vie de cette matrice qu’est l’idiosyncrasie du corps. S’en remettre à cet inconscient là, c’est devenir ce que l’on est: auteur de sa vie.

d) La perspective de Sigmund Freud (1856 - 1939)  est très différente, d’abord parce que c’est en tant que médecin qu’il aborde cette question, en tant qu’il est confronté à un certain type de troubles mentaux qu’il ne prend pas en compte de la même façon que ses collègues de cette époque (Théodor Meynert). C’est par l’hystérie que Freud en est petit à petit venu à cette notion d’inconscient. A bien des égards, sa démarche est scientifique: il part d’observations et considère que ses thèses sont davantage de nature que les autres à expliquer ses troubles. Si la psychanalyse ne peut être considéré comme une science, contre l’avis de Freud lui-même, ce n’est pas parce qu’elle serait inefficace, mais plutôt parce qu’elle donne à l’interprétation de l’analyste un rôle trop important qui ne peut pas se mesurer avec le travail d’explication d’un physicien ou d’un chimiste. Cette question de savoir si le propre d’une théorie est d’interpréter ou d’expliquer reste néanmoins largement sujette à caution, comme nous le verrons dans le cours sur la vérité. 
                Comment Freud en est-il venu à concevoir l’existence d’un Inconscient dans la psyché de l’individu? Les patientes hystériques souffraient notamment de paralysie de certains membres et de cécité (aveugle). Pourtant, ces pathologies n’étaient pas repérables d’un pur point de vue physiologique. En d’autres termes, il était impossible de relever la trace de ces paralysies sur le corps des patientes, pas davantage que l’origine de leur cécité dans une affection de leur nerf optique. Le corps de ces patientes n’était pas atteints. Elles étaient physiquement aptes à marcher et à voir pourtant elles disaient qu’elles ne pouvaient ni marcher ni voir. Par conséquent la plupart des médecins de cette période (fin 19e début 20e) n’accordaient aucun crédit aux discours de leurs patientes et les considéraient comme des simulatrices. C’est sur ce point que Freud était en désaccord: que ces patientes se racontent une histoire en se croyant paralysées ou aveugles: cela ne fait aucun doute, mais ce n’est pas pour autant qu’elles font semblant de ne pas pouvoir marcher ou de ne pas pouvoir voir. 
        

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