mercredi 25 novembre 2020

CSD Terminale HLP (Groupe 2) - Cours du 26/11/2020

 Travail en temps limité sur le texte de Merleau-Ponty

     


             “Il faudrait aller au Musée comme les peintres y vont, dans la joie sobre du travail, et non pas comme nous y allons, avec une révérence qui n'est pas tout à fait de bon aloi. Le Musée nous donne une conscience de voleurs. L'idée nous vient de temps à autre que ces œuvres n'ont tout de même pas été faites pour finir entre ces murs moroses, pour le plaisir des promeneurs du dimanche ou des « intellectuels » du lundi. Nous sentons bien qu'il y a déperdition et que ce recueillement de nécropole n'est pas le milieu vrai de l'art, que tant de joies et de peines, tant de colères, tant de travaux n'étaient pas destinés à refléter un jour la lumière triste du Musée. Le Musée, transformant des tentatives en « œuvres », rend possible une histoire de la peinture. Mais peut-être est-il essentiel aux hommes de n'atteindre à la grandeur dans leurs ouvrages que quand ils ne la cherchent pas trop, peut-être n'est-il pas mauvais que le peintre et l'écrivain ne sachent pas trop qu'ils sont en train de fonder l'humanité, peut-être enfin ont-ils, de l'histoire de l'art, un sentiment plus vrai et plus vivant quand ils la continuent dans leur travail que quand ils se font « amateurs » pour la contempler au Musée. Le Musée ajoute un faux prestige à la vraie valeur des ouvrages en les détachant des hasards au milieu desquels ils sont nés et en nous faisant croire que des fatalités guidaient la main des artistes depuis toujours. Alors que le style en chaque peintre vivait comme la pulsation de son cœur et le rendait justement capable de reconnaître tout autre effort que le sien, - le Musée convertit cette historicité secrète, pudique, non délibérée, involontaire, vivante enfin, en histoire officielle et pompeuse. L'imminence d'une régression donne à notre amitié pour tel peintre une nuance pathétique qui lui était bien étrangère. Pour lui, il a travaillé toute une vie d'homme, - et nous, nous voyons son œuvre comme des fleurs au bord d'un précipice. Le Musée rend les peintres aussi mystérieux pour nous que les pieuvres ou les langoustes. Ces œuvres qui sont nées dans la chaleur d'une vie, il les transforme en prodiges d'un autre monde, et le souffle qui les portait n'est plus, dans l'atmosphère pensive du Musée et sous ses glaces protectrices, qu'une faible palpitation à leur surface. Le Musée tue la véhémence de la peinture comme la bibliothèque, disait Sartre, transforme en « messages » des écrits qui ont été d'abord les gestes d'un homme. Il est l'historicité de mort. Et il y a une historicité de vie, dont il n'offre que l'image déchue : celle qui habite le peintre au travail, quand il noue d'un seul geste la tradition qu'il reprend et la tradition qu'il fonde, celle qui le rejoint d'un coup à tout ce qui s'est jamais peint dans le monde, sans qu’il ait à quitter sa place, son temps, son travail béni et maudit, et qui réconcilie les peintures en tant que chacune exprime l'existence entière, en tant qu'elles sont toutes réussies, - au lieu de les réconcilier en tant qu'elles sont toutes finies et comme autant de gestes vains.”
                                                            Maurice Merleau-Ponty - Signes (1960)

 

 L'expérience est-elle partageable?

 


            Il n’est pas rare qu’en relatant telle ou telle expérience à l’une ou l’un de nos proches, nous percevions la limite de la communication linguistique et finissions par penser ou dire: « elle ne comprendra pas tant qu’elle ne l’aura pas vécu », comme s’il y avait dans l’expérience une sorte de réalité limite, de pureté, de justesse, d’épreuve dont les mots peuvent certes faire « signe », mais certainement pas rendre compte efficacement. Rien ne semble mieux correspondre à « cette expérience de ne pas pouvoir dire ou relater l’expérience » que le drame des survivants des camps dont certains avouent s’être réfugiés dans le silence non pas par rancoeur, ou dépit, ou dégoût, mais tout simplement à cause de l’inefficacité des mots à installer l’interlocuteur dans le feu ou l’atrocité de ce qu’on essaie inutilement de restituer.
                    Lorsqu’un rescapé des camps de la mort est questionné sur l’expérience qu’il a vécue, il est directement confronté avec la difficulté d’être tenu de rendre compte de ce que Maurice Blanchot a appelé l’« expérience limite », et il perçoit alors de plein fouet ce fond de banalisation de l’expérience qui se situe dans tout usage de la langue: « Je dis une fleur et voici qu’apparaît, hors de l’oubli où ma voix relègue aucuns contours, l’absente de tout bouquet » Mallarmé. Que veut dire le poète ici? Que le mot fleur rend la fleur réelle absente parce que cette rose ici présente n’est pas UNE fleur, elle est une certaine façon spécifique de se ranger derrière cette étiquette commune, donc fausse.
           
Comprenons bien de quoi il est question ici: je dis Auschwitz et voici qu’apparaît l’absence de toute « expérience-limite ». Plus nous parlons et plus nous « voulons dire » mais plus nous voulons dire et plus nous banalisons. Tout rescapé perçoit l’impuissance des mots qui viennent à sa bouche et finit par se taire, trouvant dans le silence une sorte de « vide » qui seul semble pouvoir résonner avec ce qu’il a enduré de l’autre homme, à savoir précisément sa désaffection.  Des hommes ont fait acte de désertion complète retirant toute humanité à un rapport qu’ils ont établi avec d’autres hommes auxquels ils ont inutilement tenté de retirer tout statut humain. Mais de ce fait, le rescapé éprouve dans l’expérience qu’il a subi quelque chose de cette banalisation qu’il reconnaît aujourd’hui dans l’usage de la langue. C’est comme une seconde vague de l’horreur qu’il subit alors en la racontant, ou du moins en essayant de le faire. Dans la structure linguistique de cette impuissance à dire la réalité ressentie de ce que l’on a subi s’effectue également cette impuissance à être reconnu comme un individu par une machine de guerre nazie toute occupée à « dividualiser l’individu », à l’annihiler dans des protocoles d’uniformisation visant à faire perdre toute possibilité de reconnaissance et d’assomption de soi par les prisonniers: crâne rasé, uniforme, sous alimentation (laissant percer le squelette sous la peau), etc. (Rien que cet « etc » résonne comme une insulte) Cette expérience là est-elle partageable quand le fait même de la partager la fait déchoir de son statut d’exceptionnalité: jamais de telles limites n’avaient été franchies dans le traitement d’un homme par un autre homme.
             Pourtant il existe des récits de camps, non seulement de Primo Lévi mais aussi de Robert Anthelme, et de bien d’autres. Cela signifie que certains prisonniers ont perçu la possibilité de dire et d’écrire en utilisant des mots communs, des étiquettes classifiantes et banalisantes des expériences dont on peut concevoir qu’elles sont inracontables. De fait leur description parvient bel et bien à nous faire toucher du doigt l’horreur (au sens exact du terme utilisé par le colonel Kurtz à la fin d’Apocalypse Now) Mais comment ont-ils fait? Où sont-ils allés chercher les ressources pour dire à d’autres personnes par des mots ce que personne ne saurait pourtant décrire avec des mots tant l’expérience qu’ils ont vécue était indicible, exceptionnelle, impossible à banaliser, au-delà de toute limite « commune »? 

            

                      Il semble absolument impossible de répondre autrement à cette question qu’en pointant ici une zone parfaitement inconsciente de toute expérience humaine, soit l’efficience d’une structure de présupposition constante d’autrui par l’entremise de laquelle rien ne peut être humainement perçu, fût-ce l’innommable abjection des camps sans que les victimes ne puissent vivre autrement l’horreur qu’en la considérant comme « perceptible ». "Même là" de l’autre homme est possible, ne serait-ce qu’à titre de source de perception potentielle rendant la scène vécue sensible (possiblement sentie par d'autres). Cela n’est peut-être ni plus ni moins que la seule façon d’affronter cette expérience sans tomber dans la folie. Ce que je vis est représentable par autrui, ne serait-ce que parce que, de fait, autrui est bien là, même en tant que bourreau. L’insondable souffrance et humiliation ressenties n’annulent pas ce fond de perceptibilité inhérente à toute expérience humaine. Quoi qu’un homme perçoive, il y adjoint nécessairement ce fond de perceptibilité universelle et humaine sur la base de laquelle « Autrui » toujours déjà voit ce que je vois, entend ce que j’entends, perçoit ce que je perçois ou pourrait le recevoir mais cela revient exactement au même puisque de fait, ce que cela signifie c’est que c’est toujours sur le fond d’un « conditionnel de l’autre présence » que je perçois, moi, seul, telle ou telle expérience à tel ou tel instant.
        Si donc le rescapé des camps de la mort peut vaincre sa réticence, c’est-à-dire le fantôme de la banalisation abjecte qu’il a subie et dont il reconnaît l’efficience, comme en écho,  dans toute langue commune, c’est parce qu’il existait déjà dans la structure même de l’expérience qu’il a vécue dans les camps l’activation de la présence conditionnelle d’autrui, sans quoi il aurait été incapable de la construire, de la constituer, de la vivre, ou plus précisément de se rendre compte qu’il était en train de la vivre. Si le mot « horreur » est là, tout aussi chargé soit-il d’un horizon de « flou immonde » ou de « difficulté à réaliser », c’est bien que ce parti pris d’expressivité n’est pas vide, qu’il fait sens, qu’il instaure un partage même en ne faisant que le présupposer. 
   


                  Il y a, par ailleurs  un autre paradoxe approchant moins dramatiquement la même contradiction: nous doutons de la capacité d’autrui à partager nos expériences et en même temps nous ne cessons d’œuvrer pour nous faire admettre de groupes, de milieux, de corporations, à tel point que la vie de tout être humain pourrait finalement se décliner au fil de ces tentatives pour être reconnu par ses pairs, par tel groupe d’amis, par tel ou tel corps de métier. C’est comme si le rapport à Autrui était préalablement inscrit en nous comme une nécessité première, au point de nous en rendre littéralement dépendant.
               

        Jean-Paul Sartre insiste sur ce phénomène étrange selon lequel « Autrui est le médiateur incontournable entre moi et moi-même » et il évoque alors cette curieuse situation: si dans un couloir, je regarde par le trou d’une serrure pour espionner quelqu’un, j’agirai sans vergogne, sans pudeur, mais voilà que quelqu’un apparaît dans le couloir et me voit. Immédiatement je saisis grâce à la présence de l’autre la nature honteuse de mon geste. J’ai besoin de cette présence pour réaliser cette nature qui devient sous l’action du regard de l’autre la mienne.
          

                    Réfléchissons à cette situation évoquée par le philosophe: elle souligne une réalité incontournable, à savoir l’importance du regard de l’autre. Il est tout à fait vrai qu’Autrui change totalement mon rapport à moi-même. Seul, je suis un sujet, je suis une conscience incontestée, mon apparence est ce qu’elle est, elle ne m’importe pas, je n’ai pas à l’assumer mais dés que je parais devant Autrui, je réalise que je suis à ses yeux un corps, une image, une silhouette qui se découpe dans l’espace, et alors tout change. De sujet, je deviens objet, de conscience, je deviens « chose ». Je ne suis pas celui qui voit, je suis ce qui est vu et j’ai à rendre des comptes sur mon apparence. On pourrait dire que je ne suis plus, j’ai. Je passe de l’être à l’avoir et ce passage est sans aucun doute une déchéance. Ainsi s’explique, en un sens, cette comédie virtuelle de la vie heureuse sur FaceBook. Il s’agit de convaincre Autrui que notre vie est intéressante, que nous faisons quelque chose de nos WE, que nous avons des amis et que nous nous amusons. Nous mendions ainsi piteusement notre comptant de reconnaissance spéculaire, en attendant d’autrui qu’il entérine notre joyeuse et fascinante vie. Sur ce point, Jean-Paul Sartre a raison.
        Par contre, quelque chose cloche dans son exemple: ai-je vraiment besoin de la présence effective d’autrui pour savoir que mon acte était honteux? Non, nous le savions déjà. Qu’autrui soit présent ou non dans le couloir, cela ne change rien parce qu’en un sens, il était déjà présent dans la représentation que je me faisais moi-même de moi-même. Finalement C’est peut-être cela Autrui: la conscience d’être visible aux yeux d’un autre, que cet autre soit là ou qu’il n’y soit pas. Se déplacer et agir dans l’espace d’une chambre dans laquelle on est seul, c’est s’incarner dans la visibilité, dans la possibilité d’être vu, et cette possibilité suffit à poser l’existence d’autrui. Même si je ne suis pas vu, je pourrais l’être, et "la messe est dite": Autrui est là, dans cette simple conscience d’être visible.
         

                    Tout devient plus clair dans ce paradoxe dans lequel la présence d’Autrui consiste. Elle est toujours effective parce qu’autrui est ce « déjà là » efficient dans chacune de nos perceptions. Autrui n’est pas cette présence en trompe l’oeil comme la ligne de fuite idéale de nos perspectives de vie à laquelle nous aimerions tant faire partager nos expériences, il est ce fond d’écran toujours présupposé dans le fait même que nous ayons des expériences. Mais en même temps, si nous éprouvons ce sentiment de ne pas pouvoir dire exactement ce que nous avons vécu, c’est en réalité parce que nous ne l’avons pas vraiment vécu, que nous l’avons peut-être partagé trop tôt, que quelque chose de cette expérience aurait été « flouée" dés le début, non pas faute de partage, mais à cause de ce partage même. Finalement ce que pose ce renversement de perspective, c’est qu’Autrui ce n’est pas cette autre personne pointant à l’horizon de nos expériences l’idéal de leur « partage » mais une structure de fond toujours « déjà là », toujours déjà efficiente, dans le fait même de percevoir une chose dans le champ du sensible (ce qui peut se sentir).
        Dans le texte extrait de « Vendredi ou les limbes du Pacifique », Michel Tournier décrit exactement cette structure, et surtout ce qui se produit d’absolument improbable, sidérant, terrifiant, pour quiconque comme Robinson vit sa désagrégation. C’est l’expérience même de la destruction de ce fond sur lequel nous faisons, nous, toutes nos expériences. En réalité, aucun de nous n’a vécu ce que Robinson subit. Mais, pour bien le saisir dans toute son amplitude et ses implications, il faut tenter de réaliser l’activation de cette structure en chacune de nos perceptions « immédiates », parce que justement elles ne sont jamais « immédiates », mais toujours construites sur un présupposé, toujours médiatisées par une présence virtuelle: celle de la possibilité d’être perçue en même temps par d’autres.
         
        Que vois-je réellement de ce cube devant moi? Un fragment, une « tranche », un impact visuel, furtif, incomplet, insuffisant. Je me déplace à présent, captant un autre angle de vue, un autre fragment tout aussi partiel, insuffisant à faire l’objet dans sa totalité. Peu à peu se construit en moi le fil d’une continuité à mesure que je fais le tour du cube et garde dans ma mémoire (rétention primaire) le souvenir du tout premier fragment. Le cube se constitue mais au gré de quelle continuité? Celle de ma durée, de ma mémoire. Le cube n’est pas identique à lui-même, il est la continuité de plusieurs sensations visuelles. Je n’ai toujours pas franchi le pas de voir dans l’espace UN cube rassemblant toutes ces faces en UNE seule fois.

        Comment sauter ce seuil là? En présupposant l’existence dans un espace (présupposé lui aussi) d’une multiplicité d’autres regards venant d’autres consciences et capables de soutenir la vision de toutes ces faces, le temps que moi j’en fasse l’expérience. C’est exactement comme si je demandais à d’autres regards de me tenir le cube, toutes les autres faces, le temps que « j’arrive ». Etrange opération! Pas moins pourtant que celle que nous décrit Robinson quand il avoue disposer fictivement des guetteurs imaginaires aux endroits stratégiques de l’île pour s’en faire une idée virtuelle. Quelle est la nature exacte de cette bizarre procédure? Cela s’appelle le sensible, le perceptible et il convient que nous accordions toute notre attention à la nuance de possibilité de ces termes: du perceptible, c’est du perçu possible, pas du perçu réel. Qui pourrait nier que ce cube est sensible, visible? Personne, mais en même temps, cela signifie au sens strict qu’il est seulement « possible » de le voir mais qu’il n’est pas réel que seul nous puissions le voir.
        L’expérience est toujours partageable parce que nous ne la faisons que sur le fond d’un partage possible. Qu’il y ait là un cube, une chaise, une personne, c’est ce dont l’épreuve présuppose que ce cube, cette chaise, cette personne sont perceptibles, visibles, par d’autres que moi qui « maintiennent » en même temps que moi les autres fragments visibles que je ne peux pas voir de mes yeux. Il n’est pas jusqu’à l’espace même qui ne soit autre chose qu’une hypothèse, hypothèse nécessaire pour ne pas tomber dans la folie, mais hypothèse quand même.
        Nous ne savons pas ce qu’il en est pour les autres animaux, mais une chose semble certaine concernant l’être humain, c’est que l’humanité structure toujours préalablement nos perceptions. Je ne perçois jamais strictement ce que je perçois, sans quoi je n’enregistrerai que des tableaux abstraits, des données chaotiques de fragments sonores, visuels, odorants. Tout homme seul porte l’humaine possibilité de percevoir avec lui grâce à laquelle il voit des objets. C’est sur le fond d’une humanité percevante que je perçois des objets.
        Mais si, suite à plusieurs années de solitude, la présence réelle des autres er de la société n’alimente pas cette croyance, ce présupposé de l’espace et de l’humaine visibilité des objets vus, alors tout s’effrite et la folie pointe son mufle terrifiant. S’il bien un genre cinématographique qui finalement alimente ce fond de perception structurel et inconscient à l’oeuvre dans chacune de nos expériences, c’est bien le cinéma fantastique voire d’horreur. Dans l’excellent film de David Lynch « Mulholland Drive » (qui n’est pas un film d’horreur...bien mieux que ça), un personnage dit avoir vu en rêve un visage horrible au coin d’un fast food. Nous le suivons dans la restitution de cette expérience auprès d’un ami. Cette scène est terrifiante mais elle l’est parce qu’elle est surtout très juste. Les objets, les choses que nous sommes habitués à voir sont des postulats qui s’appuient sur un autre postulat encore plus fondamental: autrui. L’horreur, c’est la vérité de nos perceptions nécessairement et réellement tronquées. A parler strict, nous ne percevons jamais des objets et tout peut arriver, au détour d’un fast food ou ailleurs. (Il y a la même efficience pointée par Lynch dans Lost Highway et le « Mystery Man »)
 

        Dans la fameuse scène de la douche de Psychose d’Alfred Hitchcock, quelque chose de cet ordre se manifeste également. Le meurtre nous est montré comme une suite de fragments: coups portés, rideau de douche cramponné, gouttes de sang prés du déversoir, mais le meurtre n’est à proprement parler jamais « visible ». C'est davantage un fragment de différentes vues.  Le meutre se constitue par déduction, par une sorte de reconstitution, de collage de toutes les prises de vues violentes, éparses qui nous ont été données, biais par lequel on perçoit bien qu’un film est toujours fondamentalement « fait » par le spectateur. Plus encore que la bobine qui tourne, c’est la durée du spectateur qui relie et  c’est sa capacité à extrapoler qui projette les scènes dans un espace mental.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire