samedi 14 novembre 2020

Ecriture libre: "Mes mémoires poussières: la conscience des Damnés" de Paul Cohendet (4e et dernière partie)


 PARTIE 4: JE
 
 
  Le surlendemain, Gary ouvre la tente aux premières lueurs de l’aube et tombe nez à nez avec un vieil homme assis devant la tente, qui sourit tendrement et dit :
- Tu es enfin réveillé, Gary. Réveille Joie, il faut que l’on parle.
Après être aller réveiller Joie, Gary et elle s’assoient face au vieil homme qui dit :
- Bonjour, je suis le Voyageur, un être hors du temps qui traverse les mondes et les univers pour faire passer des messages. Je ne peux vous dire que ces deux choses-là, ensuite je partirai. Premièrement, au bout de votre voyage se trouve une porte, la porte du Soi, libre à vous de l’ouvrir ou pas pour enfin être pleinement vous. Si vous la franchissez, vous serez alors vraiment vous, un être unique pour chacun. C’était la première chose. La deuxième chose, c’est plutôt une confirmation, c’est que la personnalité, où mène la recherche de soi, de sa personne, existe vraiment. Mais cette personnalité, c’est le cheminement qui y conduit qui en réalité la forme. Alors continuez à vous chercher, et, un jour, peut-être, vous finirez par vous trouvez. Vous serez alors pleinement vous. Voilà, c’était les deux messages que je me devais de vous faire passer. Adieu. Peut-être nous reverrons nous dans une autre vie.
- Attendez, ne partez pas.
Mais le Voyageur avait déjà disparu. Gary dit alors :
- Une chose est sûre, nous sommes sur la bonne voie. Pour nous trouver nous, il faut continuer le long du chemin de la vie. Et tout au bout de ce chemin, au lieu de trouver la mort, on se trouvera soi. Il faut continuer, quoi qu’il en coûte.
 

                    Avant 9h du matin, nous sommes déjà repartis vers nous-même. Après une brève halte pour boire à un ruisseau, nous repartons sur le chemin. L’air, le vent arrive de devant nous et nous fouette le visage. Nous avons des cheveux qui dansent au gré du vent, c’est le ballet des fées, comme l’a joliment nommé Joie. La faim nous fait sortir vers le début de l’après-midi deux rayons de miel de nos sacs. Quel délice, le rayon est à la fois collant et coulant dans notre palais, ce miel embaume, il est léger, onctueux, gourmand, riche, merveilleux. Jamais nourriture ne s’est aussi bien mariée avec ce que nous vivons. C’est délicieux. A l’arrière-goût, il développe des notes de fruits rouges et d’épices qui ravissent le palais. Gary n’avait jamais mangé un aussi délectable miel. Joie est aux anges. Mais Gary est aussi son ange, c’est ce qu’elle a dit la nuit précédente, que Gary a deux ailes qui fouettent et procurent du plaisir, deux mains curieuses de formes, qui parcourent allègrement le corps, et une queue d’ange. Elle a dit que Gary était un Dieu au lit. Gary considère également Joie comme une déesse, une sainte, délicieusement et divinement belle. C’est Joie. Nous arrivons maintenant au sommet d’une colline et nous nous étreignons après l’effort. La nuit commence à tomber et nous voyons une colonne de fumée qui s’élève de derrière la colline suivante. Il doit y avoir des habitations. Nous pressons le pas pour y arriver avant la nuit. Nous dévalons la pente de la colline où nous nous trouvions, gravissons rapidement l’autre, et, arrivé au sommet, ce que nous voyons nous stupéfie. Un village d’une vingtaine de demeures de bois se trouve en contrebas de la colline. On aperçoit quelques champs plus loin, et un terrain de jeu au centre du village. Mais ce qui est vraiment étrange pour nous, c’est que nous retrouvons une société après en avoir quitté une pendant plusieurs jours. Nous descendons la colline, et, avant que nous n’arrivions, des gens, des habitants nous remarquent, nous regardent et viennent à notre rencontre.



- Bonjour, dit Gary. Il est Gary, dit-il en se montrant, et voici Joie. Nous deux avons réussi à fuir La Ville et nous sommes arrivés ici après plusieurs jours de marche, où nous avons fait deux rencontres, une qui s’est avérée particulièrement constructive et fructifiante pour Nous deux. Nous vous demandons l’hospitalité.
- Vous êtes à la recherche de soi, dit une très belle femme, au premier rang des habitants venues à leur rencontre.
- Oui, vous avez vu juste, répondit Gary.
- Venez, je vais vous héberger, nous avons suffisamment de place chez nous. Venez ! Nous sommes une petite communauté, mais ici nous sommes tous unique, nous avons chacun notre propre personnalité, dit la très belle femme en les emmenant vers une des plus grandes demeures de bois. Je m’appelle Perrine et vous pouvez voir là-bas Paul, mon mari. Nous avons eu deux magnifiques enfants, Joséphine et Arnaud. Cela fait longtemps que nous n’avons pas vu de citadins venant de La Ville. Vous êtes de plus en plus rares. Sans doute les règles sont elles plus dures qu’avant, … enfin bref, cela nous fait beaucoup de plaisir que vous soyez là, nous allons vous montrer votre destination finale demain, il faut vous reposer. Entrez, n’ayez pas peur, nous ne vous ferons aucun mal, notre seule religion, c’est l’amour. Seul l’amour prévôt dans notre communauté, cela remonte à de nombreuses années, mais un des nobles fondateurs de ce splendide village, a dit un jour que l’amour c’est mieux que la vie.
 

- Gary a pensé et dit exactement la même chose sur le chemin, dit alors Joie, qui n’avait jusqu’à lors pas encore parlé en présence des habitants.
- C’est vrai ?! C’est un signe, vous allez vraiment vous trouver demain. Et vous avez une belle et douce voix, Joie. Je vous apprécie.
- Merci.
- Demain, après avoir passé ce qu’il vous faudra passer, vous ne parlerez plus en disant « Il » va bien, vous direz « Je » vais bien. « Je » est quelque d’encore plus personnel que « Il ». Avec « Je », vous serez vraiment vous, unique. Vous pouvez aller vous laver, la salle de bain est à l’étage, au fond à gauche. Je vais préparer à manger, nous mangerons et je vous montrerai votre chambre après le repas.
- Permettez-nous de vous donner nos sacs, dit Gary, il reste encore énormément de nourriture à l’intérieur des deux sacs. C’est notre manière à nous de vous remercier pour votre hospitalité.
- J’en ferai bon usage, merci, répondit Perrine. Paul vous apprécie bien, mais il est un peu timide en société. Il ne se révèle que dans l’intimité, si vous voyez ce que je veux dire, dit Perrine en faisant un clin d’œil à Joie. Allez vous laver, nous parlerons davantage au repas.
Joie et Gary montent dans la salle de bain et s’embrassent lorsque l’eau leur dégouline dessus. C’est un baiser à la fois tendre et profond, passionnel, romantique. Joie et Gary sont à un stade où les mots ne suffisent plus pour décrire ce qu’ils ressentent l’un envers l’autre, ce baiser est à l’image de ce romantisme pur, un baiser parfait. Quelques dizaines de minutes plus tard, en sortant de la salle de bain, Gary et Joie respirent le bonheur et la joie de vivre, ils forment un couple en parfaite symbiose, en pleine communion, le couple en plein amour. L’amour c’est mieux que la vie. C’est vrai, l’amour c’est la plus belle des choses que l’on puisse contracter.
Au cours du repas, les échanges sont très conviviaux, Pau le mari de Perrine se révèle être un vrai puits de connaissances, la soirée est très agréable, et la nuit qui suit le sera encore plus.
 
Le lendemain matin, les deux tourtereaux se lèvent de bonne heure une fois de plus, prêts à aller au bout de cette aventure qu’est la recherche de soi. Perrine et Paul sont déjà levés. Ils nous accueillent et nous amène directement au dehors de la demeure.
- Vous voyez la très haute colline en face de nous. Oui ? Tout en haut se trouve une arcade, franchissez-la, et là, vous aurez atteint votre but. Il vous faut partir dès maintenant, c’est plus loin que cela ne semble, nous dit Perrine. Je vous souhaite une bonne chance.
Nous partons donc en direction de la haute colline ; il nous faut deux bonnes heures pour l’atteindre, et le soleil est déjà haut dans le ciel. Le chemin qui mène au sommet de la colline est affreusement escarpé, et nous n’arrivons au sommet que vers les une heure de l’après-midi. Face à nous se dresse une majestueuse arcade de pierre brute, une arcade naturelle, modelée par la mère Nature. Nous nous approchons de l’arcade majestueuse et, soudain, des voix parviennent à nos oreilles. On dirait qu’elles émanent de l’arcade elle-même. C’est étrange et mystérieux, et en même temps profondément attirant. Gary tient fermement la main de Joie, face à l’arcade, et, d’un pas, franchisses l’arcade. Le fait de franchir l’arcade nous ravit au monde, nous transcendons les temps, les univers, les mondes dans un déluge de lumières, de bruits, dans un chaos indescriptible, au milieu d’un vide insondable sans substance, serait-ce elle, la matière noire, où sommes-nous, qui sommes-nous ? Puis, soudain, le silence. Une pièce en demi-cercle apparaît à nos yeux, à mes yeux. Où suis-je ? Qui suis-je ? Dans cette pièce, une femme est assise. A notre arrivée, elle se lève, s’approche de nous et dit :
- Bonjour Gary, Joie, vous avez effectué un long cheminement depuis quelques jours. Vous êtes passé du Nous au Je, vous l’avez remarqué, j’en suis sûre, désormais vous pouvez dire « Je ».
- Oui, mais …

- Qui suis-je ? Mais voyons Gary, je suis Dé Esse l’omnisciente, un être hors du temps, du monde, comme le Voyageur, mon ami éclaireur, que vous avez déjà rencontré, oui rencontré car en ce moment, vous êtes en pleine communion avec la merveilleuse mère Nature qui vous a fait don de ces corps, c’est-à-dire Moi.
- Et où … suis-je ?
- Nous sommes dans l’Hémicycle, mon univers, mais cela n’a pas d’importance. Joie, je ne t’ai pas encore entendue ?
- Je vais très bien, pas besoin de vous inquiéter pour moi, Dé Esse.
- Tu vas bien, tu es sûre ?
- Oui, Gary, je vais très bien, je me porte comme un charme.
- Je suis rassuré.
- Je vois, dit Dé Esse, que vous vous êtes approprié le « Je », sans problème, je vais donc vous ramener chez vous, dans votre monde, où vous allez commencer une nouvelle vie, avec le « Je ». Adieu.
Et soudain, Joie et Gary se retrouvèrent au bas de la colline, tremblant du « Je », mais heureux.
- Joie, je crois bien que je t’aime. A la folie.
- Je t’aime plus encore !
- Non, moi plus !
- Ahah, rigole Joie, je t’aime.
Au village, Perrine et Paul nous attendait.
Quelque chose commençait alors dans ma vie, mais aussi « de » ma vie, quelque chose qui ressemblait à un jeu : « Je ».

                                                                    Gary



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